Ici, on peut écrire un livre,
Un livre entier, un livre
Même très long et même infini ;
Aussi long et infini
Que le cercle du temps
Ou l’espace de l’enfermement.
Les taureaux picassiens
et d’autres plus maigres
comme les taureaux cervantesques
ont des cornes, redoutables portemanteaux
auxquels pendent des idées
si vieilles dans un monde nouveau.
L’aller va toujours bien,
toujours héroïque,
comme l’éros.
Souvenirs napoléoniens
héroïques à l’aller
et antihéroïques au retour.
Ici, on peut écrire un livre,
un livre entier, un livre
même très long et même infini ;
aussi long et infini
que le cercle du temps
ou l’espace de l’enfermement.
Sur la Karl Strasse, les mêmes personnes
Avec les mêmes faces aux mêmes fenêtres
Avec les mêmes enseignes de commerce
De plats de fine porcelaine et de chaussures
De monnaies et de gravures
De viande et de saucisses et de saurissure
Applaudissaient le retour
Des armées révolutionnaires françaises ;
Les gravures étaient en miroir
La droite et la gauche inversées.
Le peintre avait retourné les drapeaux,
les regards, les directions,
Ici, on peut écrire un livre,
Un livre entier, un livre
Même très long et même infini ;
Aussi long et infini
Que le cercle du temps
Ou l’espace de l’enfermement.
Il n’y avait pas beaucoup de différence
Entre les Français victorieux qui allaient vers l’est
Et les mêmes qui revenaient vaincus vers l'ouest.
Sous peu, les mêmes passeraient
Pour la troisième fois le Rhin en vainqueurs
Et puis des années après, repasseraient
Pour la quatrième fois perdants,
Jusqu’à une cinquième et sixième et septième
Promenades salutaires.
Seul moyen de combiner des mariages.
C'était en tous cas monotone
comme les soirs de fête dans les villages.
Ici, on peut écrire un livre,
Un livre entier, un livre
Même très long et même infini ;
Aussi long et infini
Que le cercle du temps
Ou l’espace de l’enfermement.
Un livre entier, un livre
Même très long et même infini ;
Aussi long et infini
Que le cercle du temps
Ou l’espace de l’enfermement.
Les taureaux picassiens
et d’autres plus maigres
comme les taureaux cervantesques
ont des cornes, redoutables portemanteaux
auxquels pendent des idées
si vieilles dans un monde nouveau.
L’aller va toujours bien,
toujours héroïque,
comme l’éros.
Souvenirs napoléoniens
héroïques à l’aller
et antihéroïques au retour.
Ici, on peut écrire un livre,
un livre entier, un livre
même très long et même infini ;
aussi long et infini
que le cercle du temps
ou l’espace de l’enfermement.
Sur la Karl Strasse, les mêmes personnes
Avec les mêmes faces aux mêmes fenêtres
Avec les mêmes enseignes de commerce
De plats de fine porcelaine et de chaussures
De monnaies et de gravures
De viande et de saucisses et de saurissure
Applaudissaient le retour
Des armées révolutionnaires françaises ;
Les gravures étaient en miroir
La droite et la gauche inversées.
Le peintre avait retourné les drapeaux,
les regards, les directions,
Ici, on peut écrire un livre,
Un livre entier, un livre
Même très long et même infini ;
Aussi long et infini
Que le cercle du temps
Ou l’espace de l’enfermement.
Il n’y avait pas beaucoup de différence
Entre les Français victorieux qui allaient vers l’est
Et les mêmes qui revenaient vaincus vers l'ouest.
Sous peu, les mêmes passeraient
Pour la troisième fois le Rhin en vainqueurs
Et puis des années après, repasseraient
Pour la quatrième fois perdants,
Jusqu’à une cinquième et sixième et septième
Promenades salutaires.
Seul moyen de combiner des mariages.
C'était en tous cas monotone
comme les soirs de fête dans les villages.
Ici, on peut écrire un livre,
Un livre entier, un livre
Même très long et même infini ;
Aussi long et infini
Que le cercle du temps
Ou l’espace de l’enfermement.
inviata da Marco Valdo M.I. - 31/3/2009 - 20:46
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Canzone léviane – Marco Valdo M.I. - 2009
Cycle du Cahier Ligné – 1.
Voici la première d'une série de canzones lévianes consacrées au « Cahier ligné » que Carlo Levi écrivit durant les mois où – suite à deux opérations successives – il fut aveuglé et dès lors, aveugle. Rares sont ceux qui l'ont lu; plus rares encore ceux qui l'ont traduit. C'est de cette traduction – un chantier immense – que sont tirés les matériaux de ces canzones. Et peu nombreux sont ceux qui savent qu'il s'agit là d'un livre parmi les textes les plus extraordinaires et les plus complexes de la littérature européenne.
Je ne sais pas encore quel destin donner à cette suite de canzones, ni combien de canzones il y aura, ni même si cette forme – la canzone – convient à pareille entreprise. On verra chemin faisant.
Par contre, ce que je peux dire, c'est que ce sera étrange et que ceux qui les liront (à défaut de les entendre) auront sans doute la surprise de retrouver longtemps après encore dans leurs pensées, dans leur mental, des traces de ces tableaux sortis tout droit du long songe éveillé auquel Carlo Levi fut ainsi contraint. Au moment où il écrivit le « Cahier ligné », il restait à Carlo Levi encore quelques années à peine à vivre.
Qu'on comprenne bien ce qui s'est passé en 1973 quand Carlo Levi cloué sur un lit d'hôpital, la tête enserrée dans des bandages, se mit à peindre et à écrire. Peindre sans voir, écrire sans voir. On aura ainsi un de ces torrents de mémoire qui va se déverser et créer, in fine, le livre où Carlo Levi se confrontait avec sa vie, l'histoire qu'il avait traversée depuis le début du siècle et les bribes de culture qu'il avait accumulées.
Arrivé ici, il convient de situer, Carlo Levi... Pour certains, il est l'auteur du « Christ s'est arrêté à Éboli », texte qui parle de la civilisation européenne antéchrétienne ou achrétienne, celle de cette paysannerie sans terre, celle de ces braccianti, celle de ces somari; texte qui fit de Carlo Levi une des plus pertinentes voix du Sud. C('est à ce titre qu'il fut amené à présider le congrès des écrivains d'Asie à la demande expresse de Jawaharlal Nehru .
Carlo Levi fut aussi un des grands peintres de l'Italie du vingtième siècle; je rappelle ici qu'il vécut de sa peinture et qu'à l'heure actuelle, la Fondation Carlo Levi dispose de huit cents tableaux....
Il fut aussi un militant antifasciste de la première heure (1919-1920), un des animateurs de Giustizia e Libertà (Justice et Liberté) et du Partito d'Azione (Parti d'Action), un des responsables de la Résistance florentine et le rédacteur en chef de son journal « Italia Libera ». Par la suite, il impulsa et fonda la Filef (Fédération des Travailleurs italiens émigrés et de leurs familles) – sorte de syndicat de l'émigration, fort de plusieurs millions de membres. Il fut enfin requis comme sénateur de la République, charge qu'il abandonna...
Il écrivit bien d'autres choses encore : La Peur de la Liberté – qui décryptait le totalitarisme et qui opposait l'intelligence aux hordes nazi-fascistes, La Montre – qui racontait son expérience de rédacteur en chef d'Italia Libera et la liquidation du gouvernement de Ferruccio Parri, porteur des valeurs de la Résistance – Ora e sempre : Resistenza !, Les Paroles sont des pierres – qui racontait la Sicile, la mafia et la Démocratie Chrétienne, Tout le miel est fini... - qui parle de la Sardaigne, Il Futuro ha un Cuore antico – qui raconte l'histoire contemporaine des peuples de l'Union soviétique et bien sûr, cet incroyable « Quaderno a cancelli » - cahier, à grilles, cahier ligné. Ce livre commence par les quelques vers qui servent de refrain à cette première canzone :
Ici, on peut écrire un livre,
un livre entier, un livre
même très long et même infini ;
aussi long et infini
que le cercle du temps
ou l’espace de l’enfermement.
Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.