C'était un géant, un beau capitaine;
Il avait servi sous Palikao;
En Crimée, âgé de seize ans à peine,
Il avait gagné ses galons de laine.
Un torse d'acier, deux mètres de haut,
C'était un géant, un beau capitaine;
Il avait servi sous Palikao.
Nous en avons eu de ces fils de France,
Comme lui vaillants, braves comme lui;
Sur son front brillait la mâle espérance;
Méprisant la mort, narguant la souffrance,
Toujours en avant, jamais il n'a fui.
Nous en avons eu de ces fils de France,
Comme lui vaillants, braves comme lui !
Sous les murs de Metz, il était, l'hercule,
Le porte-drapeau de son régiment.
Quand il marche au feu, pas un ne recule.
Vous avez connu, voleurs de pendule,
De son œil altier, l'éclair aveuglant !
Sous les murs de Metz, il était, l'hercule,
Le porte-drapeau de son régiment.
Durant quatre mois on soutint le siège;
On mangea les chiens, les chevaux, les rats,
Narguant la famine et tout son cortège,
La poitrine au feu, les pieds dans la neige;
Et seuls, les pruneaux ne manquèrent pas.
Durant quatre mois on soutint le siège;
On mangea les chiens, les chevaux, les rats.
Un bruit se fait jour : « La France est trahie ! »
Et Bazaine écrit : « Livrez les drapeaux ! »
De quel deuil alors son âme est meurtrie !
Faut-il donc remettre, ô chère patrie,
Ta pure gloire aux mains des Pruscos ?
Un bruit se fait jour : « La France est trahie ! »
Et Bazaine écrit : « Livrez les drapeaux ! »
Dans ses doigts il tient l'étoffe sacrée;
Sur sa face mâle ont coulé des pleurs.
« Jamais, a-t-il dit, ô race abhorrée,
Jamais, moi vivant, les rives de Sprée
Ne verront l'éclat de nos trois couleurs ! »
Dans ses doigts il tient l'étoffe sacrée;
Sur sa face mâle ont coulé des pleurs.
Il étend sa lèvre à moustache blonde
Comme pour baiser le noble étendard,
Lorsque, tout à coup, un éclair l'inonde :
« Si je le mangeais ?... Il n'est pas au monde
Contre les uhlans de plus sûr rempart ! »
Il étend sa lèvre à moustache blonde
Comme pour baiser le noble étendard.
Il mangea le bleu, le blanc, puis le rouge;
Son cœur est trop haut pour un haut-le-cœur.
Sur son front d'airain pas un pli ne bouge;
Masque qu'on dirait sculpté par la gouge,
Du festin sublime il reste vainqueur.
Il mangea le bleu, le blanc, puis le rouge;
Son cœur est trop haut pour un haut-le-cœur !
Puis, après la soie, il mangea la hampe;
Ce fut le plus dur, le plus valeureux :
On l'avait taillée en chêne d'Étampe;
Mais lui, de l'aubier, surpassait la trempe,
Étant de ce bois dont on fait les preux.
Puis, après la soie, il mangea la hampe;
Ce fut le plus dur, le plus valeureux.
Il murmurait : France !... Et mangeait, quand même !
Lorsque tout à coup son cœur s'arrêta :
L'aigle de Sedan !... Il devint tout blême,
Et le coq gaulois, de ce cœur l'emblème,
N'admit point l'oiseau qui capitula.
Il murmurait : France !... Et mangeait, quand même !
Lorsque tout à coup son cœur éclata !
Il avait servi sous Palikao;
En Crimée, âgé de seize ans à peine,
Il avait gagné ses galons de laine.
Un torse d'acier, deux mètres de haut,
C'était un géant, un beau capitaine;
Il avait servi sous Palikao.
Nous en avons eu de ces fils de France,
Comme lui vaillants, braves comme lui;
Sur son front brillait la mâle espérance;
Méprisant la mort, narguant la souffrance,
Toujours en avant, jamais il n'a fui.
Nous en avons eu de ces fils de France,
Comme lui vaillants, braves comme lui !
Sous les murs de Metz, il était, l'hercule,
Le porte-drapeau de son régiment.
Quand il marche au feu, pas un ne recule.
Vous avez connu, voleurs de pendule,
De son œil altier, l'éclair aveuglant !
Sous les murs de Metz, il était, l'hercule,
Le porte-drapeau de son régiment.
Durant quatre mois on soutint le siège;
On mangea les chiens, les chevaux, les rats,
Narguant la famine et tout son cortège,
La poitrine au feu, les pieds dans la neige;
Et seuls, les pruneaux ne manquèrent pas.
Durant quatre mois on soutint le siège;
On mangea les chiens, les chevaux, les rats.
Un bruit se fait jour : « La France est trahie ! »
Et Bazaine écrit : « Livrez les drapeaux ! »
De quel deuil alors son âme est meurtrie !
Faut-il donc remettre, ô chère patrie,
Ta pure gloire aux mains des Pruscos ?
Un bruit se fait jour : « La France est trahie ! »
Et Bazaine écrit : « Livrez les drapeaux ! »
Dans ses doigts il tient l'étoffe sacrée;
Sur sa face mâle ont coulé des pleurs.
« Jamais, a-t-il dit, ô race abhorrée,
Jamais, moi vivant, les rives de Sprée
Ne verront l'éclat de nos trois couleurs ! »
Dans ses doigts il tient l'étoffe sacrée;
Sur sa face mâle ont coulé des pleurs.
Il étend sa lèvre à moustache blonde
Comme pour baiser le noble étendard,
Lorsque, tout à coup, un éclair l'inonde :
« Si je le mangeais ?... Il n'est pas au monde
Contre les uhlans de plus sûr rempart ! »
Il étend sa lèvre à moustache blonde
Comme pour baiser le noble étendard.
Il mangea le bleu, le blanc, puis le rouge;
Son cœur est trop haut pour un haut-le-cœur.
Sur son front d'airain pas un pli ne bouge;
Masque qu'on dirait sculpté par la gouge,
Du festin sublime il reste vainqueur.
Il mangea le bleu, le blanc, puis le rouge;
Son cœur est trop haut pour un haut-le-cœur !
Puis, après la soie, il mangea la hampe;
Ce fut le plus dur, le plus valeureux :
On l'avait taillée en chêne d'Étampe;
Mais lui, de l'aubier, surpassait la trempe,
Étant de ce bois dont on fait les preux.
Puis, après la soie, il mangea la hampe;
Ce fut le plus dur, le plus valeureux.
Il murmurait : France !... Et mangeait, quand même !
Lorsque tout à coup son cœur s'arrêta :
L'aigle de Sedan !... Il devint tout blême,
Et le coq gaulois, de ce cœur l'emblème,
N'admit point l'oiseau qui capitula.
Il murmurait : France !... Et mangeait, quand même !
Lorsque tout à coup son cœur éclata !
inviata da Marco Valdo M.I. - 21/3/2009 - 21:23
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à la manière de Paul Déroulède
Par Charles Müller et Paul Reboux
Pasticheurs de première classe, Müller et Reboux ont exécuté – d'un seul coup d'un seul, avec ce Salut au Drapeau, la chanson patriotarde et militaire, tout autant que ce qui la sous tend : le nationalisme. Leur ironie est cinglante. Elle explose littéralement à la fin du poème, pastiche du plus célèbre poème de Paul Déroulède : Le Clairon (1873), qui devint chanson et hanta tous les cercles polémophiles jusque et y compris au delà de la guerre suivante : celle de 14-18 – la préférée de Georges Brassens, comme l'on sait.
Résumons Déroulède (on trouve facilement le texte de son Clairon), j'en extrais quelques vers (si l'on peut dire... de ce cadavre) :
L'air est pur, la route est large,
Le Clairon sonne la charge,
Les Zouaves vont chantant,
(jusque là, tout va bien !)...
A la première décharge,
Le Clairon sonnant la charge
Tombe frappé sans recours;
(Voilà, le Clairon blessé mortellement... Le drame !)
Et sur sa lèvre sanglante,
Gardant sa trompette ardente,
Il sonne, il sonne toujours.
(Mais même presque mort, il sonne encore... Quel héros !)
Alors le clairon s'arrête,
Sa dernière tâche est faite,
Il achève de mourir.
(Les Zouaves foncent sur l'ennemi... il peut mourir et de fait, il meurt!)
Comme on le voit, la structure est simple : un brave va jusqu'au delà de ses forces et puis, ensuite et seulement ensuite, il meurt. C'est évidemment invraisemblable, mais patriotique et héroïque; c'est surtout, à hurler de rire. Sur la même structure, Müller et Reboux vont pousser encore un peu plus loin la plaisanterie; vous croyez la chose impossible, le mur du con est dépassé depuis longtemps... Et bien non, le Drapeau fera mieux encore que le Clairon... Certes, il mourra en héros, mais après avoir mangé son drapeau pour que l'ennemi ne s'en empare pas et mieux que tout, contre les ordres du Maréchal Bazaine et le Vampire français, Napoléon III, dit l'Aigle de Sedan.
C'est évidemment une construction en miroir, destinée à faire éclater le ridicule du fameux Clairon, des cérémonies, des concerts, des récitals où la France revancharde et patriotique cultive la haine et le délire. Le Salut au Drapeau est un antidote puissant contre les conneries de Clairon - de France et d'ailleurs.
Un poing levé pour Charles Müller et Paul Reboux.
Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.