"Un grand honneur pour notre village...
Au sommet du col, la chapelle toute en marbre."
Le cimetière est prêt depuis des mois.
Heureux le premier qui viendra y poser ses os !
Inauguration avec le premier mort.
Qui ?
Anselmo le sacristain,
Gesumino, pensionné de la guerre contre Ménélik;
Antioco le fou, qui vivait des aumônes ;
Madame Rosina, paralytique et malade du cœur,
ou le vieux chanoine Aristomedo.
On compta coups de cloche un à un : le mort était un mâle.
Le mort était un rouge.
Peppe Arrebellu, l'hérétique, n'était pas dans les prévisions.
Le garde et sa jambe de bois gagnée au Carso1
avertissaient la population …
cérémonie demain matin en grande pompe.
Les rouges disaient : Le mort est des nôtres.
Mais les femmes avaient cédé le mort
en échange d'un cercueil en châtaigner vernis,
d'un corbillard et d'un subside.
Peppe Arrebellu, ce rouge, devra passer par l'église.
Les enfants de l'école ne viendront pas pieds nus.
Le député avait amené sa dame sur des talons si hauts,
Les hommes tous autour pour aspirer son parfum.
L'évêque avait béni le peuple agenouillé.
Le mort était un rouge.
Peppe Arrebellu, l'hérétique, n'était pas dans les prévisions.
A dix heures, le cortège funèbre s'ébranla sous le soleil.
Devant, la Confraternité de la Bonne Mort, avec son long crucifix noir.
Puis, les enfants de l'orphelinat, précédés de deux angelots.
Le corbillard – une vieille fourgonnette "millecento"
avec deux énormes couronnes
Administration communale – Ses camarades en souvenir.
Tout derrière, les rouges, une vingtaine, cachaient leur drapeau
Au dernier virage, le fossoyeur criait :
"C'est tout de la roche, Même avec de la dynamite… Tout de la roche … »
La réalité fut claire pour tous : le cortège fit demi-tour.
Pour redescendre au vieux cimetière.
Au premier rang, les rouges sortirent le drapeau
et entonnèrent l'Internationale.
Le mort était un rouge.
Peppe Arrebellu, l'hérétique, n'était pas dans les prévisions.
Au sommet du col, la chapelle toute en marbre."
Le cimetière est prêt depuis des mois.
Heureux le premier qui viendra y poser ses os !
Inauguration avec le premier mort.
Qui ?
Anselmo le sacristain,
Gesumino, pensionné de la guerre contre Ménélik;
Antioco le fou, qui vivait des aumônes ;
Madame Rosina, paralytique et malade du cœur,
ou le vieux chanoine Aristomedo.
On compta coups de cloche un à un : le mort était un mâle.
Le mort était un rouge.
Peppe Arrebellu, l'hérétique, n'était pas dans les prévisions.
Le garde et sa jambe de bois gagnée au Carso1
avertissaient la population …
cérémonie demain matin en grande pompe.
Les rouges disaient : Le mort est des nôtres.
Mais les femmes avaient cédé le mort
en échange d'un cercueil en châtaigner vernis,
d'un corbillard et d'un subside.
Peppe Arrebellu, ce rouge, devra passer par l'église.
Les enfants de l'école ne viendront pas pieds nus.
Le député avait amené sa dame sur des talons si hauts,
Les hommes tous autour pour aspirer son parfum.
L'évêque avait béni le peuple agenouillé.
Le mort était un rouge.
Peppe Arrebellu, l'hérétique, n'était pas dans les prévisions.
A dix heures, le cortège funèbre s'ébranla sous le soleil.
Devant, la Confraternité de la Bonne Mort, avec son long crucifix noir.
Puis, les enfants de l'orphelinat, précédés de deux angelots.
Le corbillard – une vieille fourgonnette "millecento"
avec deux énormes couronnes
Administration communale – Ses camarades en souvenir.
Tout derrière, les rouges, une vingtaine, cachaient leur drapeau
Au dernier virage, le fossoyeur criait :
"C'est tout de la roche, Même avec de la dynamite… Tout de la roche … »
La réalité fut claire pour tous : le cortège fit demi-tour.
Pour redescendre au vieux cimetière.
Au premier rang, les rouges sortirent le drapeau
et entonnèrent l'Internationale.
Le mort était un rouge.
Peppe Arrebellu, l'hérétique, n'était pas dans les prévisions.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 6/1/2009 - 23:10
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Chanson française – Le Mort Rouge – Marco Valdo M.I. – 2009
Cette chanson est la transposition d'une nouvelle de l'écrivain sarde Ugo Dessy, intitulée « Le Nouveau Cimetière » (Il camposanto nuovo), tirée du recueil « Le Témoin » (Il Testimone) pour lequel Ugo Dessy avait cru utile de préciser en avertissement aux lecteurs : « È appena il caso di avvertire che i personaggi di questo libro sono del tutto immaginari seppure fatti et situazioni riflettono la realtà sarda nel ventennio 1940 -1960 ». Traduction : Il est à peine nécessaire de préciser que les personnages de ce livre sont tout à fait imaginaires même si les faits et les situations reflètent la réalité sarde de la vingtaine 1940 – 1960.
Il paraît tout aussi inutile de préciser la réelle admiration que Marco Valdo M.I. porte à ce remarquable nouvelliste et tout aussi remarquable militant antimilitariste et anarchiste. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison que Fabrizio De André avait désigné Ugo Dessy comme son « maître d'idéal et de vie ».
Deux petites explications historiques relatives à la chanson :
Ménélik : il s'agit de Ménélik II, négus d'Ethiopie (Ankobar 1844 – Addis-Abeba 1913), qui écrasa l'armée italienne d'invasion à Adoua en 1896.
Carso : région de montagnes entre la Vénétie, l'Istrie et la Slovénie où eu lieu durant la guerre de 14-18 sur cette ligne de front (comparable à la Somme ou à la Champagne) toute une série de batailles entre les Italiens et les Austro-Allemands. Les massacres y furent considérables.
Quant à l'histoire que raconte cette chanson, elle est somme toute assez drôle et relate à sa manière une épisode de la lutte des classes dans un petit village au cœur de la Sardaigne, mais sans doute, n'était-ce pas très différent ailleurs dans l'Italie rurale des années 1950 sous la domination de la Démocratie Chrétienne. On y trouve aussi des échos des guerres...
Ce mort rouge, pourtant, était bien dérangeant; il a fallu racheter sa dépouille à ses femmes : sa veuve, sa mère, ses filles... et profiter odieusement de leur pauvreté afin que le mort serve du bon côté de la croix.
Une abomination...
Mais les voies du Seigneur sont impénétrables et avec son aide, la revanche du mort fut éclatante.
Il eut son drapeau rouge et son Internationale.
Ainsi parlait Marco Valdo M.I.