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La paroisse de Prêchi-Prêcha

Gilles Servat
Langue: français


Gilles Servat


Un dimanche que je me reposais
J’ai rêvé que je m’envolais
Sur les ailes d’un ange au frais minois
Jusqu’aux vertes rives de mon île
J’ai atterri sur la place de la ville
Où j’avais passé ma jeunesse
Près d’l’église où je servais la messe
Dans la paroisse de Prêchi-Prêcha

Sur la maison bleue dans la Grand-rue
La croix avait disparu
Aux terrasses des bistrotiers
Filles et gars en bras de chemise
S’bécotaient au lieu d’aller à l’église
Dans la nef y’avait pas un chat
Pas d’grenouilles non plus dans les bénitiers
De la paroisse de Prêchi-Prêcha

Alors je suis allé voir Clémence
Mon premier amour d’enfance
Les pleurs mouillant ses joues fanées
Ell’m’dit : on m’a violée dans un bal
Et pour me punir pendant quatorze années
Chez les sœurs on m’a enfermée
Le prêtre et ses ouailles n’voulaient pas d’scandale
Dans la paroisse de Prêchi-Prêcha

C’est la femme
Qui conduit l’homme au péché
C’est c’qu’on dit dans les évêchés

Y’a deux ans on a su qu’mon violeur
S’était fait violer lui aussi
Par le prêtre dans la sacristie
Cet amateur d’enfants de chœur
En avait déjà violé d’autres ailleurs
L’évêque l’avait changé d’autel
Et lui avait confié les fidèles
De la paroisse de Prêchi-Prêcha

Et l’enfant dont j’ai accouché
Les sœurs me l’ont arraché
Est-il vivant ?
Est-il enterré dans le couvent ?
Était-ce une fille ou un garçon ?
Même ça elles me l’ont caché…

J’me suis réveillé sur mon plumard
Dans mon bled américain
Dans la rue défilaient des braillards
Des gens qui brandissaient la bible
Des gens qui prenaient l’évolution pour cible
Alors j’ai compris qu’mon cauchemar
Ne finirait pas, bien qu’je sois très loin
De la paroisse de Prêchi-Prêcha



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