Nach dieser Sintflut
möchte ich die Taube,
und nichts als die Taube,
noch einmal gerettet sehn.
Ich ginge ja unter in diesem Meer!
flög' sie nicht aus,
brächte sie nicht
in letzter Stunde das Blatt.
möchte ich die Taube,
und nichts als die Taube,
noch einmal gerettet sehn.
Ich ginge ja unter in diesem Meer!
flög' sie nicht aus,
brächte sie nicht
in letzter Stunde das Blatt.
envoyé par Riccardo Gullotta - 2/11/2024 - 00:21
Langue: anglais
English translation / Englische Übersetzung / Traduzione inglese / Traduction anglaise / Englanninkielinen käännös:
Johannes Beilharz
Johannes Beilharz
AFTER THIS DELUGE
After this deluge
I wish to see the dove
saved,
nothing but the dove.
I would drown in this sea
if it did not fly away,
if it did not return with the leaf
in the final hour.
After this deluge
I wish to see the dove
saved,
nothing but the dove.
I would drown in this sea
if it did not fly away,
if it did not return with the leaf
in the final hour.
envoyé par Riccardo Gullotta - 2/11/2024 - 00:23
Langue: italien
Traduzione italiana / Italienische Übersetzung / Italian translation / Traduction italienne / Italiankielinen käännös:
Anna Maria Curci
Anna Maria Curci
DOPO QUESTO DILUVIO UNIVERSALE
Dopo questo diluvio universale
vorrei una volta ancora
veder salvata la colomba,
e nient’altro che la colomba.
Andrei di certo a fondo in questo mare
se non spiccasse il volo,
se non portasse il ramoscello
quando è giunta l’ora.
Dopo questo diluvio universale
vorrei una volta ancora
veder salvata la colomba,
e nient’altro che la colomba.
Andrei di certo a fondo in questo mare
se non spiccasse il volo,
se non portasse il ramoscello
quando è giunta l’ora.
envoyé par Riccardo Gullotta - 2/11/2024 - 09:49
Langue: finnois
Traduzione finlandese / Finnish translation / Traduction finnoise / Finnische Übersetzung / Suomennos: Juha Rämö
TÄMÄN VEDENPAISUMUKSEN JÄLKEEN
Tämän vedenpaisumuksen jälkeen
haluaisin nähdä kyyhkyn,
vain ja ainoastaan kyyhkyn,
vielä kerran pelastuneen.
Tämä meri hukuttaisi minut,
ellei kyyhky nousisi siivilleen,
ellei se viime hetkellä
toisi viinipuun lehteä.
Tämän vedenpaisumuksen jälkeen
haluaisin nähdä kyyhkyn,
vain ja ainoastaan kyyhkyn,
vielä kerran pelastuneen.
Tämä meri hukuttaisi minut,
ellei kyyhky nousisi siivilleen,
ellei se viime hetkellä
toisi viinipuun lehteä.
envoyé par Juha Rämö - 2/11/2024 - 13:04
Langue: français
Version française – APRÈS CETTE NUÉE – Marco Valdo M.I. – 2024
d’un poème – Nach dieser Sintflut d’ Ingeborg Bachmann, 1957
mis en musique par Helge Jung
Interprété par : Christina Ascher
Album: Liest Ingeborg Bachmann
Helge Jung fut un compositeur actif en RDA et plus tard dans l'Allemagne unifiée. Il se forma à l'école fondée par Hanns Eisler en RDA.
Ingeborg Bachmann, alias Ruth Keller, est une pierre miliaire de la littérature européenne. Ses recueils de poèmes lui valurent des prix internationaux.
Ce sur quoi nous désirons attirer l'attention est sa poétique. Ingeborg Bachmann était opposée à Martin Heidegger, elle n'en toléra jamais l’existentialisme décliné dans un sens irrationnel, terreau fertile pour l'irrationalisme proclamé par le national-socialisme. Par ailleurs, la poétesse s'était formée à l'école de Victor Kraft, ultime membre du Cercle de Vienne. Infatigable exploratrice du langage (elle était également diplômée en philologie), elle fut influencée par la pensée de Ludwig Wittgenstein. Reste au centre de sa poétique le rapport entre le langage et l'art sous le signe de la souffrance.
En 1960, elle donna une série de leçons à la Goethe-Universität de Francfort, qui furent suivies de la publication de l'essai Frankfurter Vorlesungen : Probleme zeitgenössischer Dichtung / Leçons de Francfort : Problèmes des écrits contemporains. Letteratura come utopia. Lezioni di Francoforte est l'édition italienne publiée par Feltrinelli. Nous estimons utile d'en citer l'extrait suivant :
« Les expériences fondamentales vécues, qui sont l'objet de la philosophie existentielle, en effet sont vivantes en quelque sorte dans l'homme et pressent pour pouvoir s’exprimer et les tentatives en ce sens seront toujours destinées à faillir. [Toutefois, l'art, avec ses multiples possibilités, répond à une mesure incroyablement élevée, bien que de manière différente, au besoin d'expression de ce domaine différent du réel, qui échappe à la classification de la part d'une philosophie existentielle systématisante. Qui veut expérimenter du « néant qui néantise » pourront faire l'expérience choquante de la violence de l'horreur et de l'anéantissement mythique face au tableau de Goya, Kronos dévorant ses propres enfants, et entendre le sonnet de Baudelaire L'abîme comme témoignage d'une possibilité extrême de représentation linguistique de l'« indicible », dans laquelle se révèle la confrontation de l'homme moderne avec l'« angoisse » et le « néant ». »
Les quelques indications ci-dessus voudraient clarifier un point central : la narration d'Ingeborg Bachmann est basée sur des images quotidiennes, sa narration est simple. Il y a en somme une relation inverse entre son langage, apparemment simple, et la profondeur de son ressentir, entre le symbole qui apaise et l'angoisse qui l’accompagna durant son existence troublée. Pour Bachmann, la langue est une langue frontière / grenz , comme sa subjectivité. Elle a été définie, à notre avis avec acuité, de « poème ontologique ».
Le poème proposé ici nous parle de la Catastrophe. Bien qu'elles soient maintenant derrière nous, les blessures ne sont pas cicatrisées. Il semble qu'il n'y ait pas de voie d'issue que celle d’espérer en une espérance. Mais même celle-ci semble une entreprise à la limite ; elle ne peut être définie, elle n'a pas de contours certains. Il reste en suspens la possibilité que la colombe revienne avec une brindille, avec une feuille vers le coucher du soleil.
Le texte en 35 mots exprime la condition humaine d'une manière mémorable, tant il est simple. Il ne peut laisser indifférent, moins que jamais en ces temps sans colombe sur le chemin du retour
[Riccardo Gullotta].
De mon côté, s’agissant d’un texte nébuleux d’Ingebord Bachmann, je reprendrai mot pour mot, notre dialogue de présentation de ma version française CHAQUE JOUR d’une autre chanson de la même poétesse : Alle Tage . C’était au mois d’août 2016. Le voici :
« Cette chanson, Lucien l’âne mon ami, m’a demandé beaucoup de temps, car j’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois pour établir ma version française – celle qui me permet de comprendre.
De comprendre ? Je ne te comprends pas, Marco Valdo M.I. mon ami. Dois-je comprendre qu’au départ, tu ne comprends pas ?
En effet, Lucien l’âne mon ami, c’est bien ça. Je te rappelle – je sais parfaitement que tu le sais, mais il y a d’autres qui peuvent ne pas savoir – je te rappelle donc que hormis le français, je ne connais aucune langue et que si je « traduis », c’est pour comprendre ce qui s’offre à mon regard comme un rébus. Passons sur le fait qu’à la longue, les choses sont plus faciles et que je finis quand même par pouvoir déchiffrer plus aisément certaines langues. L’italien, par exemple. De là à dire que je connais vraiment la langue de Carlo Levi, il y a de la marge.
Soit. J’imagine, Marco Valdo M.I., que les choses se présentent ainsi : devant toi, il y a un texte que tu ne comprends pas ou que tu ne saisis pas complètement.
C’est exactement le cas. Donc, c’est de faire la version française qui me permet de comprendre ce que j’ai devant moi. J’insiste sur le faire, sur ce travail particulier, sur cette manipulation des mots et des idées et des sensations et de certaines intuitions ; vue ainsi, la « traduction » est une recréation. Je ne pars donc pas d’une « science » préalable que j’appliquerais à ce qui est là donné, mais bien de mon « ignorance » pour m’éclairer – moi, tout le premier – quant au sens de ce que je découvre ainsi et pour assurer mon savoir nouveau, je lui donne une forme, je le transforme en un objet qui me satisfait. Avant d’en terminer avec ces considérations personnelles, je voudrais revenir un instant sur la question de la rime. Question, à mes yeux, essentielle en ce qu’elle est intimement liée à la musicalité du texte poétique. Verlaine ne critiquait la rime que pour mieux la magnifier. La rime, c’est le bâton du poète ; elle l’aide à marcher. Cependant, en qui me concerne, elle a un autre rôle, c’est qu'elle contraint à réfléchir le texte, à en reconstituer une image dans un autre miroir, à le soumettre à certaines torsions particulières, à le plier dans tous les sens et à chercher des mots, à tourner les phrases.
En somme, dit Lucien l’âne, si j’ai bien suivi, la rime force à donner place à la forme ; elle contraint à l’esthétique de la pensée poétique.
Elle force, elle forge, elle martèle ; mais l’art du sculpteur – de bois, de pierre, de marbre ou de phrases, peu importe – impose de marteler. Ingeborg Bachmann, poétesse autrichienne de langue allemande, elle forgeait différemment.
J’aimerais, dit Lucien l’âne en souriant, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu me parles un peu de cette poétesse et puis aussi, de cette chanson.
C’est ce que je comptais bien faire, mais cette introduction était nécessaire, précisément, car il s’agissait d’un poème d’Ingeborg Bachmann, laquelle menait un combat littéraire assez éloigné de la forme de la chanson telle que je la pratique – forme qui se réclame de l’aède aveugle et nécessite le martèlement du récit. Par ailleurs, il s’agit aussi de tisser, comme tu le sais.
Tisser et marteler, tisseur et marteleur, ce pourrait être une définition du poète, du chanteur de la langue. Peu importe la langue, d’ailleurs. Il me plaît de penser cela, dit Lucien l’âne. Mais, je t’en prie, continue.
J’en viens à Ingeborg Bachmann qui est une étoile apparue dans le ciel trop sombre de l’après-Reich. Ce n’est pas un hasard si elle s’est mêlée au Gruppe 47 (groupe 47), lequel – dès 1947 – s’employa à redonner une littérature à l’univers de langue allemande et une littérature allemande à la littérature mondiale.
Et il y est arrivé, dit Lucien l’âne.
Et comment !, poursuit Marco Valdo M.I. Dans ce groupe 47, on retrouve à peu près tout ce qui compte d’écrivains de langue allemande de la seconde moitié du siècle dernier, dont bien sûr, Günter Grass, notre guide dans ces histoires d’Allemagne. Pour les autres, je préfère ne citer personne, car la liste est vraiment longue et j’avoue mon ignorance, car je connais assez peu la plupart de ces auteurs. Donc, Ingeborg Bachmann a écrit ce « Alle Tage » – « Chaque jour ». « Chaque jour » : d’abord, est-ce bien ce qu’elle voulait dire ? Aurait-elle préféré « Quotidien », comme je l’ai pensé ? Je ne le saurai jamais. Quand je l’ai eu mise en forme, « Chaque jour » m’a stupéfié en ce que cette chanson est celle de la quotidienneté de la lutte et de la résistance aux ordres. Elle m’est apparue comme familière, comme si Ingeborg Bachmann avait écrit le vade-mecum de la Guerre de Cent Mille Ans.
Mais, c’est chronologiquement impossible, dit Lucien l’âne en roulant des yeux comme des spirales lumineuses. « Alle Tage » a été écrit environ soixante ans avant la première ligne de la Guerre de Cent Mille Ans Alle Tage.
Oh, je le sais, dit Marco Valdo M.I. Je le sais que c’est anachronique, mais je considère quand même « Alle Tage » ainsi ou comme une glose. À moins que ce ne soit l’inverse, évidemment. Voilà tout.
Voilà tout, dis-tu, Marco Valdo M.I. mon ami. Ce tout n’est pas rien et il me plonge dans un abîme de réflexion qui ne me déplaît pas. Cependant, il nous faut, nous aussi, comme Ingeborg Bachmann le fit toute sa vie, tisser le linceul de ce vieux monde si peu poétique, plat, stupide et cacochyme... »
Petit Dialogue Maïeutique complémentaire
Tout ça est fort bien, dit Lucien l’âne, mais qu’y a-t-il dans cette nouvelle chanson ?
Essentiellement, une colombe, répond Marco Valdo M.I. ; et la colombe, comme tu le sais, est l’animal emblématique porteur de la paix et c’est cette colombe portant dans son bec une ramée pacifiste qui est attendue, espérée par Ingeborg Bachmann. Mais comme tu l’entends, elle tient de l’espérance plus que du réel tangible.
C’est une fidèle description de la réalité, dit Lucien l’âne. Pour ce qui est de la nuée, elle va, elle vient et plus souvent encore, elle revient. On ne saurait garantir, même dans un ciel bleu éclatant, qu’elle ne se montrera pas bientôt.
Tout comme la colombe elle-même, reprend Marco Valdo M.I.
Oui, dit Lucien l’âne, celle-là aussi, je l’ai vue, depuis la plus haute antiquité, aller et venir, toujours à porter une ramée quelque part ; un jour ici, un jour-là, une vraie abeille toujours à la tâche et pour cause : son rôle est sempiternel ; c’est une vraie ménagère, elle a toujours quelque chose à faire, quelque guerre à pourchasser, quelque paix à célébrer d’un coup d’ailes. Quant à nous, restons-en là et tissons le linceul de ce vieux monde toujours entre deux guerres, pacifiste, pas vraiment pacifique, guerrier, civil, militaire, assassin, bénévole et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien l’âne.
d’un poème – Nach dieser Sintflut d’ Ingeborg Bachmann, 1957
mis en musique par Helge Jung
Interprété par : Christina Ascher
Album: Liest Ingeborg Bachmann
Helge Jung fut un compositeur actif en RDA et plus tard dans l'Allemagne unifiée. Il se forma à l'école fondée par Hanns Eisler en RDA.
Ingeborg Bachmann, alias Ruth Keller, est une pierre miliaire de la littérature européenne. Ses recueils de poèmes lui valurent des prix internationaux.
Ce sur quoi nous désirons attirer l'attention est sa poétique. Ingeborg Bachmann était opposée à Martin Heidegger, elle n'en toléra jamais l’existentialisme décliné dans un sens irrationnel, terreau fertile pour l'irrationalisme proclamé par le national-socialisme. Par ailleurs, la poétesse s'était formée à l'école de Victor Kraft, ultime membre du Cercle de Vienne. Infatigable exploratrice du langage (elle était également diplômée en philologie), elle fut influencée par la pensée de Ludwig Wittgenstein. Reste au centre de sa poétique le rapport entre le langage et l'art sous le signe de la souffrance.
En 1960, elle donna une série de leçons à la Goethe-Universität de Francfort, qui furent suivies de la publication de l'essai Frankfurter Vorlesungen : Probleme zeitgenössischer Dichtung / Leçons de Francfort : Problèmes des écrits contemporains. Letteratura come utopia. Lezioni di Francoforte est l'édition italienne publiée par Feltrinelli. Nous estimons utile d'en citer l'extrait suivant :
« Les expériences fondamentales vécues, qui sont l'objet de la philosophie existentielle, en effet sont vivantes en quelque sorte dans l'homme et pressent pour pouvoir s’exprimer et les tentatives en ce sens seront toujours destinées à faillir. [Toutefois, l'art, avec ses multiples possibilités, répond à une mesure incroyablement élevée, bien que de manière différente, au besoin d'expression de ce domaine différent du réel, qui échappe à la classification de la part d'une philosophie existentielle systématisante. Qui veut expérimenter du « néant qui néantise » pourront faire l'expérience choquante de la violence de l'horreur et de l'anéantissement mythique face au tableau de Goya, Kronos dévorant ses propres enfants, et entendre le sonnet de Baudelaire L'abîme comme témoignage d'une possibilité extrême de représentation linguistique de l'« indicible », dans laquelle se révèle la confrontation de l'homme moderne avec l'« angoisse » et le « néant ». »
Les quelques indications ci-dessus voudraient clarifier un point central : la narration d'Ingeborg Bachmann est basée sur des images quotidiennes, sa narration est simple. Il y a en somme une relation inverse entre son langage, apparemment simple, et la profondeur de son ressentir, entre le symbole qui apaise et l'angoisse qui l’accompagna durant son existence troublée. Pour Bachmann, la langue est une langue frontière / grenz , comme sa subjectivité. Elle a été définie, à notre avis avec acuité, de « poème ontologique ».
Le poème proposé ici nous parle de la Catastrophe. Bien qu'elles soient maintenant derrière nous, les blessures ne sont pas cicatrisées. Il semble qu'il n'y ait pas de voie d'issue que celle d’espérer en une espérance. Mais même celle-ci semble une entreprise à la limite ; elle ne peut être définie, elle n'a pas de contours certains. Il reste en suspens la possibilité que la colombe revienne avec une brindille, avec une feuille vers le coucher du soleil.
Le texte en 35 mots exprime la condition humaine d'une manière mémorable, tant il est simple. Il ne peut laisser indifférent, moins que jamais en ces temps sans colombe sur le chemin du retour
[Riccardo Gullotta].
De mon côté, s’agissant d’un texte nébuleux d’Ingebord Bachmann, je reprendrai mot pour mot, notre dialogue de présentation de ma version française CHAQUE JOUR d’une autre chanson de la même poétesse : Alle Tage . C’était au mois d’août 2016. Le voici :
« Cette chanson, Lucien l’âne mon ami, m’a demandé beaucoup de temps, car j’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois pour établir ma version française – celle qui me permet de comprendre.
De comprendre ? Je ne te comprends pas, Marco Valdo M.I. mon ami. Dois-je comprendre qu’au départ, tu ne comprends pas ?
En effet, Lucien l’âne mon ami, c’est bien ça. Je te rappelle – je sais parfaitement que tu le sais, mais il y a d’autres qui peuvent ne pas savoir – je te rappelle donc que hormis le français, je ne connais aucune langue et que si je « traduis », c’est pour comprendre ce qui s’offre à mon regard comme un rébus. Passons sur le fait qu’à la longue, les choses sont plus faciles et que je finis quand même par pouvoir déchiffrer plus aisément certaines langues. L’italien, par exemple. De là à dire que je connais vraiment la langue de Carlo Levi, il y a de la marge.
Soit. J’imagine, Marco Valdo M.I., que les choses se présentent ainsi : devant toi, il y a un texte que tu ne comprends pas ou que tu ne saisis pas complètement.
C’est exactement le cas. Donc, c’est de faire la version française qui me permet de comprendre ce que j’ai devant moi. J’insiste sur le faire, sur ce travail particulier, sur cette manipulation des mots et des idées et des sensations et de certaines intuitions ; vue ainsi, la « traduction » est une recréation. Je ne pars donc pas d’une « science » préalable que j’appliquerais à ce qui est là donné, mais bien de mon « ignorance » pour m’éclairer – moi, tout le premier – quant au sens de ce que je découvre ainsi et pour assurer mon savoir nouveau, je lui donne une forme, je le transforme en un objet qui me satisfait. Avant d’en terminer avec ces considérations personnelles, je voudrais revenir un instant sur la question de la rime. Question, à mes yeux, essentielle en ce qu’elle est intimement liée à la musicalité du texte poétique. Verlaine ne critiquait la rime que pour mieux la magnifier. La rime, c’est le bâton du poète ; elle l’aide à marcher. Cependant, en qui me concerne, elle a un autre rôle, c’est qu'elle contraint à réfléchir le texte, à en reconstituer une image dans un autre miroir, à le soumettre à certaines torsions particulières, à le plier dans tous les sens et à chercher des mots, à tourner les phrases.
En somme, dit Lucien l’âne, si j’ai bien suivi, la rime force à donner place à la forme ; elle contraint à l’esthétique de la pensée poétique.
Elle force, elle forge, elle martèle ; mais l’art du sculpteur – de bois, de pierre, de marbre ou de phrases, peu importe – impose de marteler. Ingeborg Bachmann, poétesse autrichienne de langue allemande, elle forgeait différemment.
J’aimerais, dit Lucien l’âne en souriant, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu me parles un peu de cette poétesse et puis aussi, de cette chanson.
C’est ce que je comptais bien faire, mais cette introduction était nécessaire, précisément, car il s’agissait d’un poème d’Ingeborg Bachmann, laquelle menait un combat littéraire assez éloigné de la forme de la chanson telle que je la pratique – forme qui se réclame de l’aède aveugle et nécessite le martèlement du récit. Par ailleurs, il s’agit aussi de tisser, comme tu le sais.
Tisser et marteler, tisseur et marteleur, ce pourrait être une définition du poète, du chanteur de la langue. Peu importe la langue, d’ailleurs. Il me plaît de penser cela, dit Lucien l’âne. Mais, je t’en prie, continue.
J’en viens à Ingeborg Bachmann qui est une étoile apparue dans le ciel trop sombre de l’après-Reich. Ce n’est pas un hasard si elle s’est mêlée au Gruppe 47 (groupe 47), lequel – dès 1947 – s’employa à redonner une littérature à l’univers de langue allemande et une littérature allemande à la littérature mondiale.
Et il y est arrivé, dit Lucien l’âne.
Et comment !, poursuit Marco Valdo M.I. Dans ce groupe 47, on retrouve à peu près tout ce qui compte d’écrivains de langue allemande de la seconde moitié du siècle dernier, dont bien sûr, Günter Grass, notre guide dans ces histoires d’Allemagne. Pour les autres, je préfère ne citer personne, car la liste est vraiment longue et j’avoue mon ignorance, car je connais assez peu la plupart de ces auteurs. Donc, Ingeborg Bachmann a écrit ce « Alle Tage » – « Chaque jour ». « Chaque jour » : d’abord, est-ce bien ce qu’elle voulait dire ? Aurait-elle préféré « Quotidien », comme je l’ai pensé ? Je ne le saurai jamais. Quand je l’ai eu mise en forme, « Chaque jour » m’a stupéfié en ce que cette chanson est celle de la quotidienneté de la lutte et de la résistance aux ordres. Elle m’est apparue comme familière, comme si Ingeborg Bachmann avait écrit le vade-mecum de la Guerre de Cent Mille Ans.
Mais, c’est chronologiquement impossible, dit Lucien l’âne en roulant des yeux comme des spirales lumineuses. « Alle Tage » a été écrit environ soixante ans avant la première ligne de la Guerre de Cent Mille Ans Alle Tage.
Oh, je le sais, dit Marco Valdo M.I. Je le sais que c’est anachronique, mais je considère quand même « Alle Tage » ainsi ou comme une glose. À moins que ce ne soit l’inverse, évidemment. Voilà tout.
Voilà tout, dis-tu, Marco Valdo M.I. mon ami. Ce tout n’est pas rien et il me plonge dans un abîme de réflexion qui ne me déplaît pas. Cependant, il nous faut, nous aussi, comme Ingeborg Bachmann le fit toute sa vie, tisser le linceul de ce vieux monde si peu poétique, plat, stupide et cacochyme... »
Petit Dialogue Maïeutique complémentaire
Tout ça est fort bien, dit Lucien l’âne, mais qu’y a-t-il dans cette nouvelle chanson ?
Essentiellement, une colombe, répond Marco Valdo M.I. ; et la colombe, comme tu le sais, est l’animal emblématique porteur de la paix et c’est cette colombe portant dans son bec une ramée pacifiste qui est attendue, espérée par Ingeborg Bachmann. Mais comme tu l’entends, elle tient de l’espérance plus que du réel tangible.
C’est une fidèle description de la réalité, dit Lucien l’âne. Pour ce qui est de la nuée, elle va, elle vient et plus souvent encore, elle revient. On ne saurait garantir, même dans un ciel bleu éclatant, qu’elle ne se montrera pas bientôt.
Tout comme la colombe elle-même, reprend Marco Valdo M.I.
Oui, dit Lucien l’âne, celle-là aussi, je l’ai vue, depuis la plus haute antiquité, aller et venir, toujours à porter une ramée quelque part ; un jour ici, un jour-là, une vraie abeille toujours à la tâche et pour cause : son rôle est sempiternel ; c’est une vraie ménagère, elle a toujours quelque chose à faire, quelque guerre à pourchasser, quelque paix à célébrer d’un coup d’ailes. Quant à nous, restons-en là et tissons le linceul de ce vieux monde toujours entre deux guerres, pacifiste, pas vraiment pacifique, guerrier, civil, militaire, assassin, bénévole et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien l’âne.
APRÈS CETTE NUÉE
Après cette nuée,
Je veux voir la colombe,
Et rien que la colombe,
Encore une fois sauvée.
Sous la mer, je m’enfoncerai !
Elle ne s'envolera pas,
Si elle n’a pas apporté,
Au dernier moment, la ramée.
Après cette nuée,
Je veux voir la colombe,
Et rien que la colombe,
Encore une fois sauvée.
Sous la mer, je m’enfoncerai !
Elle ne s'envolera pas,
Si elle n’a pas apporté,
Au dernier moment, la ramée.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 2/11/2024 - 17:13
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Gedicht / A Poem by / Poesia / Poème / Runo:
Ingeborg Bachmann
Musik / Musica / Music / Musique / Sävel :
Helge Jung
Interpretiert von / Interpreti / Performed by / Interprétée par / Laulavat:
Christina Ascher
Album: Liest Ingeborg Bachmann
Helge Jung fu un compositore attivo nella DDR e poi nella Germania unificata. Si formò alla scuola fondata da Hanns Eisler nella DDR.
Ingeborg Bachmann, alias Ruth Keller, é stata una pietra miliare della Letteratura europea. Le sue raccolte di poesia le valsero premi internazionali. Ciò su cui desideriamo richiamare l’attenzione è la sua poetica. Ingeborg Bachmann fu avversa a Martin Heidegger, non ne tollerò mai l’ esistenzialismo declinato in senso irrazionalistico, terreno fertile per l’irrazionalismo conclamato dal nazionalsocialismo. D’altronde la poetessa si era formata alla scuola di Victor Kraft, ultimo membro del Circolo di Vienna . Da instancabile esploratrice del linguaggio ( si era laureata anche in filologia) fu influenzata dal pensiero di Ludwig Wittgenstein. Rimane centrale nella sua poetica il rapporto tra linguaggio e arte nel segno della sofferenza.
Nel 1960 tenne una serie di lezioni alla Goethe-Universität di Francoforte cui fece seguito la pubblicazione del saggio Frankfurter Vorlesungen: Probleme zeitgenössischer Dichtung / Lezioni di Francoforte: problemi degli scritti contemporanei. Letteratura come utopia. Lezioni di Francoforte è l’edizione italiana per i tipi di Feltrinelli. Riteniamo utile riportarne lo stralcio seguente
I pochi cenni antecedenti vorrebbero chiarire un punto centrale: la narrazione di Ingeborg Bachmann è basata su immagini quotidiane, la sua narrazione è semplice. C’è insomma una relazione inversa tra il suo linguaggio, apparentemente semplice, e la profondità del suo sentire, tra il simbolo che rasserena e l’angoscia che l’accompagnò durante l’esistenza travagliata. Per la Bachmann la lingua è una lingua di frontiera / grenz , come la sua soggettività. E’ stata definita, a nostro avviso acutamente, una “poesia ontologica”.
La poesia qui proposta ci parla della Catastrofe. Anche se sono ormai alle spalle, le piaghe non sono rimarginate. Non sembrano esserci vie d’uscita se non quelle di sperare in una speranza. Ma anche questa sembra un’impresa al limite; non è definibile, non ha contorni certi. Resta in sospeso la possibilità che la colomba torni con un ramoscello, con una foglia verso il tramonto.
Il testo in 35 parole esprime la condizione umana in modo memorabile, tanta è la semplicità. Non può lasciare indifferenti, meno che mai in questi tempi senza colomba sulla via del ritorno [Riccardo Gullotta].