Les Bâtisseurs de l’Avenir radieux

Dialogue Maïeutique


Ainsi, Lucien l’âne mon ami, le Guide, comme ses prédécesseurs, promet aux gens de Zinovie un avenir radieux ; c’est le fondement du régime. Ceci posé, le Guide ne peut tenir seul un pareil pari ; il doit s’appuyer sur toute une structure, elle-même portée par des millions de collaborateurs, de responsables, de chefs, d’organisateurs, d’animateurs, de directeurs, et que sais-je encore. Ce sont les bâtisseurs de l’avenir radieux. En échange de leur dévouement, ils détiennent des places (dans les faits, toutes les places), les avantages et les privilèges qui en découlent, choses auxquelles ils s’attachent et qu’ils défendent bec et ongles.

Bof, dit Lucien l’âne, un avenir radieux, ça ne se fait pas en deux coups de cuiller à pot. Il y faut de la constance et du travail.

Oui, dit Marco Valdo M.I., pour ce qui est de la constance, les bâtisseurs s’y entendent — jamais, ils ne renoncent à leur place et à tout ce qui en découle — et pour ce qui est du travail, ils confient la tâche à d’autres, c’est-à-dire au peuple à qui le Guide indique la marche à suivre pour aller vers l’avenir radieux :



Mais l’avenir radieux, c’est la cible de la flèche de Zénon.

Ah, dit Lucien l’âne, Zénon l’Éléate, je m’en souviens bien rapport à mon dos sur lequel il fit une petite excursion à la poursuite d’une flèche perdue. Il posait toujours d’étranges énigmes insolubles, comme celle de la tortue qui ratait toujours sa cible et celle d’Achille qui courait la flèche sans jamais la saisir, car il avait mal au talon. Allons, allons, j’ai fait un pot-pourri, à toi de démêler mon embrouille.

Trêve de plaisanterie, répond Marco Valdo M.I., revenons à notre trouvère, au soldat et à la Grand-Mère qui animent la deuxième partie de la chanson. On y découvre une réflexion philosophique du trouvère sur le sens de sa vie en syntonie avec celle de l’Histoire, la grande Histoire, s’entend. On y trouve ensuite, un dialogue maïeutique entre la Grand-Mère et le soldat qui fait un clin d’œil à Charles-Ferdinand Ramuz et à Igor Stravinsky qui avaient écrit et composé L’Histoire du Soldat. Avec pour finir, cette conclusion glaçante :



Oui, dit Lucien l’âne, c’est le moins qu’on puisse en dire. Boîte de bois, boîte de zinc, on n’en ressort pas. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde soldat, soldatesque, grotesque, guerrier, guerroyant, militaire, mercenaire, gangster et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane