Muet, j’écoute les propos interdits,
Les étranges idées des amis.
Même s’ils déraisonnent,
Je ne dénonce rien, ni personne.
Je suis l’auditeur idéal,
L’ide dans son bocal.
Ver à terre, allongé par terre,
Sur le trottoir, je crains
Le flux des pieds humains
Qui s’en vont à la guerre.
Moi, je plains ces conscrits,
Ils vont mourir loin du pays.
Notre existence se passe au travail.
Nos ressources viennent du travail.
Notre statut, nos informations,
Nos connaissances, nos relations.
Pour mener une vie normale,
Il y a tant de possibilités.
Il y faut de la diversité,
Même la plus banale.
Deux mots à l’une, trois à l’autre ;
Parler aux beaux, aux moches.
Parfois, ça cloche.
Tous ne sont pas de bons apôtres.
La journée est longue au boulot ;
On verse du creux dans du vide.
Les sabliers se dévident,
On se file les derniers ragots.
Les heures fuient,
On les regarde passer, on s’ennuie ;
On remplit les formulaires.
Je regarde la mouche voler,
Elle voit la lumière,
Au soleil, elle veut s’en aller.
Furieuse, elle bourdonne ;
Le téléphone sonne.
La nettoyeuse entre sans frapper,
Passe la serpillière sale,
Sans un mot, sans me regarder.
Elle tousse, elle ressort de la salle.
Je n’ai pas choisi ma vie,
Je n’ai pas de famille,
Je n’ai pas de parents.
Je n’aurai jamais d’enfants.
Malgré tout, je tiendrai jusqu’au bout.
Je m’accroche, je ne bois pas.
Je fais ma gymnastique, je ne jure pas.
Je reste un homme debout.
Les étranges idées des amis.
Même s’ils déraisonnent,
Je ne dénonce rien, ni personne.
Je suis l’auditeur idéal,
L’ide dans son bocal.
Ver à terre, allongé par terre,
Sur le trottoir, je crains
Le flux des pieds humains
Qui s’en vont à la guerre.
Moi, je plains ces conscrits,
Ils vont mourir loin du pays.
Notre existence se passe au travail.
Nos ressources viennent du travail.
Notre statut, nos informations,
Nos connaissances, nos relations.
Pour mener une vie normale,
Il y a tant de possibilités.
Il y faut de la diversité,
Même la plus banale.
Deux mots à l’une, trois à l’autre ;
Parler aux beaux, aux moches.
Parfois, ça cloche.
Tous ne sont pas de bons apôtres.
La journée est longue au boulot ;
On verse du creux dans du vide.
Les sabliers se dévident,
On se file les derniers ragots.
Les heures fuient,
On les regarde passer, on s’ennuie ;
On remplit les formulaires.
Je regarde la mouche voler,
Elle voit la lumière,
Au soleil, elle veut s’en aller.
Furieuse, elle bourdonne ;
Le téléphone sonne.
La nettoyeuse entre sans frapper,
Passe la serpillière sale,
Sans un mot, sans me regarder.
Elle tousse, elle ressort de la salle.
Je n’ai pas choisi ma vie,
Je n’ai pas de famille,
Je n’ai pas de parents.
Je n’aurai jamais d’enfants.
Malgré tout, je tiendrai jusqu’au bout.
Je m’accroche, je ne bois pas.
Je fais ma gymnastique, je ne jure pas.
Je reste un homme debout.
inviata da Marco Valdo M.I. - 13/2/2023 - 17:21
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Chanson française — L’Homme debout — Marco Valdo M.I. — 2023
LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.
Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l'État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; Épisode 64 : Que faire ? ; Épisode 65 : Ni chaud, ni froid ; Épisode 66 : Le Congé éternel ; Épisode 67 : À perdre la Raison ; Épisode 68 : Les Sauveurs de l’Humanité ; Épisode 69 : L’Eau qui dort ; Épisode 70 : Le Régime en Place ; Épisode 71 : Un Conflit avec l’Étranger ; Épisode 72 : Petit Manuel de Survie ; Épisode 73 : La Banalité ; Épisode 74 : La Ligne de Conduite ; Épisode 75 : Les Femmes de Zinovie ; Épisode 76 : La Légende ; Épisode 77 : Le Devoir sacré ; Épisode 78 : Les nouveaux Soldats ; Épisode 79 : Bruit de Fond ; Épisode 80 : Une résistible Ascension ; Épisode 81 : La Zone interdite ; Épisode 82 : Les Pommes ; Épisode 83 : La Normalité ; Épisode 84 : L’Autorisation ; Épisode 85 : L’Exclusion ; Épisode 86 : Quelle Affaire ? ; Épisode 87 : Le Vase vide ; Épisode 88 : Introspection ; Épisode 89 : Le Pays gris ; Épisode 90 : Tout un Style ; Épisode 91 : L’État unique ; Épisode 92 : L’État unique ; Épisode 93 : Le Questionnaire ; Épisode 94 : Le Roi des Rats ; Épisode 95 : Si tu veux la Paix ; Épisode 96 : Les Vieilles et la Guerre ; Épisode 97 : L’Étoile filante ; Épisode 98 : La Guerre nécessaire ; Épisode 99 : Les Méditations ; Épisode 100 : La Guerre des Boutons ; Épisode 101 : Hurler avec les Loups ; Épisode 102 : Les Cantines éternelles ;
Épisode 103
Roginsky Mikhail Aleksandrovich — 1985
Cet homme debout, Lucien l’âne mon ami, n’est pas seulement une métaphore et moins encore, une statue héroïque
Ah, dit Lucien l’âne, qu’est-il alors ?
C’est l’affirmation d’une résistance, reprend Marco Valdo M.I., d’une voix parmi toutes ces voix de Zinovie.
Bien sûr, dit Lucien l’âne, la résistance. Et que faire d’autre au pays du Guide et de l’avenir radieux ?
Donc, l’affirmation d’une résistance, reprend Marco Valdo M.I., par un personnage, forcément masculin — il se dit lui-même un homme — qui parle de sa vie qui n’est pas des plus joyeuses. Il réfléchit à son quotidien et constate les faits de son monde.
Si je comprends bien, dit Lucien l’âne, ce n’est pas là un héros, ni un personnage de roman à la vie exaltante.
Loin de là, reprend Marco Valdo M.I., c’est une vie de Zinovien moyen ; celle d’un employé quelconque, un célibataire sans âge dont l’existence est rythmée par le travail ; un travail banal, terne, monotone et pour tout dire, horriblement ennuyeux, pareil à celui de ses collègues. On dirait un Oblomov employé de l’État ou simple fonctionnaire zinovien. Sa confession animale est significative ; il se voit poisson tournant dans un bocal ou ver de terre :
Ver à terre, allongé par terre ».
J’ai l’impression que c’est un peu comme le Blues pour Jean Martin, cette chanson, dit Lucien l’âne. Et que nous apprend-elle ?
Beaucoup de choses, Lucien l’âne mon ami, à commencer le fait qu’il y a — en quelque sorte en arrière-plan — une guerre que la Zinovie du Guide mène à l’étranger et à laquelle l’employé ne participe pas et pour laquelle il ne montre aucune marque d’enthousiasme patriotique. Note que ce sosie de Bartleby — lequel était clerc de notaire et avait toute son existence à l’étude — use de la même antienne pour être l’homme debout qu’il prétend. Souviens-toi, Bartleby disait : « I would prefer not to » — « J’aimerais mieux pas ». C’est e qu’on peut devenir de l’attitude générale de l’homme debout et je pense qu’il doit y en avoir un certain nombre de son acabit en Zinovie. Il dit aussi clairement :
Les étranges idées des amis.
Même s’ils déraisonnent,
Je ne dénonce rien, ni personne. »
Ça, dit Lucien l’âne, c’est la prudence élémentaire quand on vit dans un système de ce genre où la dénonciation est quasiment obligatoire. Le mieux, et plus encore quand il y a une guerre à faire, est de se faire oublier et de se planquer.
Pour le reste, dit Marco Valdo M.I., décrit la vie de bureau, y compris le passage de la nettoyeuse et le vol de la mouche.
Voilà qui est fascinant, conclut Lucien l’âne. Maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde morne, tristounet, rasoir, lente, uniforme et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane