J’en ai marre, j’en ai jusque-là !
J’aimerais ne plus rien voir de tout ça,
J’aimerais être heureux d’être en vie,
D’être en liberté, ici, en Zinovie ;
Boire un coup, si j’ai envie ;
Avoir à manger, peu, mais assez ;
Être au chaud, à peu près habillé ;
Profiter de temps en temps de la vie :
Être bien une heure seulement,
Être bien au moins une fois,
Être bien un jour, une semaine, un mois.
Être bien toute ma vie durant.
Quelle vie, quelle existence !
Ici, on vit mal à l’avance
De vivre plus mal encore demain.
La joie à venir est déception,
Écrire des livres sans lendemain,
À quoi bon ? L’espoir est un poison.
Changer de Guide, changer de décor ?
À quoi bon ? Nul ne peut changer de corps.
De longtemps, l’utopie nous trahit
Dans des rêveries diurnes de paradis.
Rien, ni personne ne changera :
L’avenir radieux adviendra !
Ces génies, en immortels rhapsodes,
Psalmodiaient solennels leurs odes.
À l’origine, dans un lointain passé,
Ces sévères barbus sentencieux
Ces glorieux maîtres audacieux,
Ont contrefait la vérité.
À présent, les cauchemars du Guide
Nous menacent du vide
Et de siècles de malédiction.
Cette société fondée sur le crime
Est pure déréliction,
Disparition de la promesse ultime.
Les voies mystérieuses de l’histoire
Sont longues, lentes et noires.
La Zinovie s’enfoncera
Encore plus à fond dans l’ordure.
L’humanité trouvera
Une issue. La chose est sûre.
Ça prendra des années et des années,
Moi, j’ai construit cette société bornée.
C’était effroyable, on était implacable.
Combien ont souffert ? Combien ont péri ?
Je n’en dors plus, c’est épouvantable.
Alors, je suis veilleur de nuit.
J’aimerais ne plus rien voir de tout ça,
J’aimerais être heureux d’être en vie,
D’être en liberté, ici, en Zinovie ;
Boire un coup, si j’ai envie ;
Avoir à manger, peu, mais assez ;
Être au chaud, à peu près habillé ;
Profiter de temps en temps de la vie :
Être bien une heure seulement,
Être bien au moins une fois,
Être bien un jour, une semaine, un mois.
Être bien toute ma vie durant.
Quelle vie, quelle existence !
Ici, on vit mal à l’avance
De vivre plus mal encore demain.
La joie à venir est déception,
Écrire des livres sans lendemain,
À quoi bon ? L’espoir est un poison.
Changer de Guide, changer de décor ?
À quoi bon ? Nul ne peut changer de corps.
De longtemps, l’utopie nous trahit
Dans des rêveries diurnes de paradis.
Rien, ni personne ne changera :
L’avenir radieux adviendra !
Ces génies, en immortels rhapsodes,
Psalmodiaient solennels leurs odes.
À l’origine, dans un lointain passé,
Ces sévères barbus sentencieux
Ces glorieux maîtres audacieux,
Ont contrefait la vérité.
À présent, les cauchemars du Guide
Nous menacent du vide
Et de siècles de malédiction.
Cette société fondée sur le crime
Est pure déréliction,
Disparition de la promesse ultime.
Les voies mystérieuses de l’histoire
Sont longues, lentes et noires.
La Zinovie s’enfoncera
Encore plus à fond dans l’ordure.
L’humanité trouvera
Une issue. La chose est sûre.
Ça prendra des années et des années,
Moi, j’ai construit cette société bornée.
C’était effroyable, on était implacable.
Combien ont souffert ? Combien ont péri ?
Je n’en dors plus, c’est épouvantable.
Alors, je suis veilleur de nuit.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 7/1/2023 - 20:25
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Chanson française — Le Veilleur de Nuit — Marco Valdo M.I. — 2023
LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.
Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l'État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; Épisode 64 : Que faire ? ; Épisode 65 : Ni chaud, ni froid ; Épisode 66 : Le Congé éternel ; Épisode 67 : À perdre la Raison ; Épisode 68 : Les Sauveurs de l’Humanité ; Épisode 69 : L’Eau qui dort ; Épisode 70 : Le Régime en Place ; Épisode 71 : Un Conflit avec l’Étranger ; Épisode 72 : Petit Manuel de Survie ; Épisode 73 : La Banalité ; Épisode 74 : La Ligne de Conduite ; Épisode 75 : Les Femmes de Zinovie ; Épisode 76 : La Légende ; Épisode 77 : Le Devoir sacré ; Épisode 78 : Les nouveaux Soldats ; Épisode 79 : Bruit de Fond ; Épisode 80 : Une résistible Ascension ; Épisode 81 : La Zone interdite ; Épisode 82 : Les Pommes ; Épisode 83 : La Normalité ; Épisode 84 : L’Autorisation ; Épisode 85 : L’Exclusion ; Épisode 86 : Quelle Affaire ? ; Épisode 87 : Le Vase vide ; Épisode 88 : Introspection ; Épisode 89 : Le Pays gris ; Épisode 90 : Tout un Style ; Épisode 91 : L’État unique ;
Épisode 92
Boris Strakhov — 1995
Donc, dit Marco Valdo M.I., les voix continuent à se faire entendre. Ce sont des bouts de conversation entre Zinoviens. Depuis quelques épisodes, on est dans un caboulot où nous a entraînés le veilleur de nuit. Il est à une table, dans un coin au sein d’un groupe qui s’est constitué fortuitement et par affinités ; il discute avec un autre Zinovien excentrique comme lui. L’un dit ci, l’autre dit ça. Allez savoir qui dit ça ?
C’est bien là le problème, dit Lucien l’âne, pour ceux dont le métier est de savoir qui dit quoi à qui, surtout dans la cohue des files, des arrêts de bus, des magasins, des bistrots et des autres endroits où se rassemblent les buveurs.
Oui, Lucien l’âne mon ami, tu as raison. Cependant, si les murs ont des oreilles et même beaucoup d’oreilles fureteuses, beaucoup d’yeux curieux, les citoyens ont depuis longtemps compris cette situation évidente et savent fort bien comment se protéger de leurs autorités. Et s’il faut bien qu’ils vivent et que comme la plupart des humains, ils aiment la parlote, la discussion, la confidence et qu’ils finissent ainsi toujours par dire des choses qui leur passent par la tête ou qui leur tiennent à cœur, ils s’arrangent pour que tout se passe sous le couvert de l’anonymat chaotique des lieux composites et par essence, eux-mêmes anonymes.
Mais enfin, dit Lucien l’âne, à la longue, ce doit être pénible de vivre dans la clandestinité alors qu’en principe, on est chez soi.
C’est vrai, dit Marco Valdo M.I., et comme on va le voir, il y a des moments où soudain ça éclate, où ça déborde. C’est le cas ici pour le veilleur de nuit qui pousse une gueulante de révolte. Son malaise mène son mal-être à une intensité insupportable.
J’aimerais ne plus rien voir de tout ça,
J’aimerais être heureux d’être en vie… »
Et voilà, il déballe. Il déballe des choses sur le Guide :
Nous menacent du vide
Et de siècles de malédiction. »
sur les pères fondateurs :
Ces sévères barbus sentencieux
Ces glorieux maîtres audacieux,
Ont contrefait la vérité. »
et dénonce sans fard l’état de l’État :
Est pure déréliction,
Disparition de la promesse ultime. »
Houla, dit Lucien l’âne, il y va vraiment fort.
Oui, dit Marco Valdo M.I., mais en paroles, car il se lamente aussi d’une certaine impuissance :
À quoi bon ? L’espoir est un poison.
Changer de Guide, changer de décor ?
À quoi bon ? Nul ne peut changer de corps. »
et s’il met le doigt dans la plaie, il reste assez circonspect quant à l’avenir :
Encore plus à fond dans l’ordure.
L’humanité trouvera
Une issue. La chose est sûre.
Ça prendra des années et des années… »
Pour finir, un petit coup de projecteur sur la réminiscence voulue du refrain de la chanson de Jacky, de Jacques Brel :
« Être bien une heure seulement,
Être bien au moins une fois,
Être bien un jour, une semaine, un mois.
Être bien toute ma vie durant. »
Oh, dit Lucien l’âne, je l’avais reconnue comme celle où tu parodies Aragon, repris par Léo Ferré dans Est-ce ainsi que les hommes vivent ? :
À quoi bon ? Nul ne peut changer de corps.
De longtemps, l’utopie nous trahit
Dans des rêveries diurnes de paradis. »
et plus subtile à déceler quand même, cette mémoire de Charles Cros, intitulée En Cour d’Assises :
Ayant un peu ri pendant le Mystère ;
Les anciens ont dit : Il fallait se taire
Quand nous récitions, solennels, nos odes. »
que la chanson rappelle disant :
« Ces génies, en immortels rhapsodes,
Psalmodiaient solennels leurs odes. »
Maintenant, je propose d’en rester là et de laisser place à la chanson qui a encore tant de choses à dire, tant de secrets à révéler. Tissons alors le linceul de ce vieux monde menteur, vantard, fantomatique, roué, retors, roublard et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane