Le contrôle social sur l’individu
N’est jamais totalement absolu,
Certaines choses lui échappent toujours ;
La vie est pleine de surprises,
Malgré le Guide et son emprise.
La vie est l’écume des jours.
En Zinovie, même en Zinovie,
Dans les circonstances risquées
D’une société si embrouillée,
L’homme arrive à vivre sa vie.
À son rythme, plus ou moins vite,
Il impose sa ligne de conduite.
Le fils de Mariamarie veut aller
Au lac, avec ses copains, se baigner.
Va-z-y et tâche de t’en sortir ;
Si tu te noies, pas la peine de revenir.
La vie, Mariamarie, c’est quoi ?
Vivre, dit-elle, c’est juste un cinéma.
En Zinovie, on se goinfre d’intelligence ;
Elle sert à nourrir l’inconscience.
Maigre fiancée, femme potelée,
Mariamarie n’est pas si abrutie.
Qui gagnera la guerre, Mariamarie ?
Nous, la défaite, on ne l’aura pas volée.
Nous autres, on est encore là,
Car on ne peut émigrer tous à la fois.
Ça ferait un fameux embouteillage,
Le plus grand de tous les âges.
On perd souvent ; on gagne parfois.
Des opposants, des dissidents, des exilés,
Des tas de gens partis à l’étranger,
Faut réfléchir : quitter la Zinovie,
C’est une loterie.
Nous autres, on ait bien ça.
Un jour, quand même, on s’en ira
Et on laissera tout derrière soi.
La priorité du collectif sur l’individuel,
En Zinovie, c’est le baratin éternel.
Le soldat, l’air pas très dégourdi,
Rêveur soudain réveillé dit :
Morts, en fait de vie personnelle,
On va à la fosse commune, à la poubelle ;
Et même pour la gloire de l’État,
Moi, je ne veux pas pourrir en tas.
Honteuse trahison au bataillon,
Sur ordre, on lui fit la leçon :
On le fusilla. Ainsi, finit le soldat ;
À l’écart, tout seul, on l’enterra.
N’est jamais totalement absolu,
Certaines choses lui échappent toujours ;
La vie est pleine de surprises,
Malgré le Guide et son emprise.
La vie est l’écume des jours.
En Zinovie, même en Zinovie,
Dans les circonstances risquées
D’une société si embrouillée,
L’homme arrive à vivre sa vie.
À son rythme, plus ou moins vite,
Il impose sa ligne de conduite.
Le fils de Mariamarie veut aller
Au lac, avec ses copains, se baigner.
Va-z-y et tâche de t’en sortir ;
Si tu te noies, pas la peine de revenir.
La vie, Mariamarie, c’est quoi ?
Vivre, dit-elle, c’est juste un cinéma.
En Zinovie, on se goinfre d’intelligence ;
Elle sert à nourrir l’inconscience.
Maigre fiancée, femme potelée,
Mariamarie n’est pas si abrutie.
Qui gagnera la guerre, Mariamarie ?
Nous, la défaite, on ne l’aura pas volée.
Nous autres, on est encore là,
Car on ne peut émigrer tous à la fois.
Ça ferait un fameux embouteillage,
Le plus grand de tous les âges.
On perd souvent ; on gagne parfois.
Des opposants, des dissidents, des exilés,
Des tas de gens partis à l’étranger,
Faut réfléchir : quitter la Zinovie,
C’est une loterie.
Nous autres, on ait bien ça.
Un jour, quand même, on s’en ira
Et on laissera tout derrière soi.
La priorité du collectif sur l’individuel,
En Zinovie, c’est le baratin éternel.
Le soldat, l’air pas très dégourdi,
Rêveur soudain réveillé dit :
Morts, en fait de vie personnelle,
On va à la fosse commune, à la poubelle ;
Et même pour la gloire de l’État,
Moi, je ne veux pas pourrir en tas.
Honteuse trahison au bataillon,
Sur ordre, on lui fit la leçon :
On le fusilla. Ainsi, finit le soldat ;
À l’écart, tout seul, on l’enterra.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 11/10/2022 - 19:40
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Chanson française — La Ligne de Conduite — Marco Valdo M.I. — 2022
LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.
Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l'État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; Épisode 64 : Que faire ? ; Épisode 65 : Ni chaud, ni froid ; Épisode 66 : Le Congé éternel ; Épisode 67 : À perdre la Raison ; Épisode 68 : Les Sauveurs de l’Humanité ; Épisode 69 : L’Eau qui dort ; Épisode 70 : Le Régime en Place ; Épisode 71 : Un Conflit avec l’Étranger ; Épisode 72 : Petit Manuel de Survie ; Épisode 73 : La Banalité
Épisode 74
Rasim-Babayev-Azer — 1965
Finalement, Lucien l’âne mon ami, toutes ces chansons, ce n’est si facile à faire, ni ce n’est pas aussi simple qu’il en a l’air et pour comprendre, pour trouver toutes les harmoniques, il convient de jouer avec les vers, de les imbriquer différemment comme on peut le faire avec les pièces de certains jeux d’enfants.
Oui, dit Lucien l’âne, tout le monde sait que l’air ne fait pas la chanson, à moins que ce ne soit l’inverse ou que ce soit l’inverse, allez savoir. Quant à jouer avec les vers, les mélanger et les disposer autrement, comme des grains de couleur d’un kaléidoscope, je suis partant ; j’adore les puzzles.
Exactement, répond Marco Valdo M.I., j’en donnerai des exmples ici encore ; cela dit, en voici une tout aussi complexe que les précédentes et comme d’habitude, on pourrait gloser tant et plus, mais comme toujours, il me faudra couper court. Ces gens-là de Zinovie y disent de ces choses qui demandent à être décantées ; j’allais dire déchantées. Il est rai que la vie en Zinovie est un perpétuel désenchantement, assez désappointée pour que les habitants envisagent très sérieusement de quitter le pays, de s’exiler. Ces derniers, avec cette guerre, cette fuite collective s’intensifie. Même si, elle résulte de millions de décisions individuelles.
J’ai entendu dire ça, réplique Lucien l’âne, et je trouve qu’ils ont parfaitement raison de foutre le camp d’un tel merdier.
Ainsi, revenons aux voix, dit Marco Valdo M.I., elles nous apprennent beaucoup de choses. La première voix explique une certaine manière d’exil intérieur — au double sens, d’exil dans le pays et d’exil en soi-même, une façon individuelle de résistance quotidienne et elle laisse penser que dans un premier temps, il est possible de vivre sa vie en passant, en quelque sorte, sous la pluie en évitant les gouttes d’eau.
L’homme arrive à vivre sa vie.
À son rythme, plus ou moins vite,
Il impose sa ligne de conduite. »
Certes, dit Lucien l’âne, on peut vivre en passager clandestin dans ce grand vaisseau à la dérive et sans doute, certains y arrivent. Ce n’est pas toujours le cas et puis, c’est comme vivre dans un pays occupé par une puissance étrangère. Il faut être constamment sur ses gardes et faire semblant. À la longue, c’est quand même épuisant.
Mais, reprend Marco Valdo M.I., ensuite, la deuxième voix nous parle de Mariamarie, l’incarnation du peuple. Sous son apparence de récit anodin, elle cache une forte dose d’ironie, surtout si on recombine certains vers :
Si tu te noies, pas la peine de revenir.
Qui gagnera la guerre, Mariamarie ?
Nous, la défaite, on ne l’aura pas volée. »
De toute façon, dit Lucien l’âne, en Zinovie, on se comprend à demi-mots. Évidemment, c’est indispensable ; il n’y a pas le choix, car les choses ne peuvent être dites. L’euphémisme, la litote et l’antiphrase meublent les conversations.
Et puis, dit Marco Valdo M.I., une voix, une autre voix examine la possibilité de se libérer par l’exil en territoire étranger. Pour bien faire, imagine-t-elle, il faudrait que tous ceux à qui cet étouffoir collectif rend la vie pénible s’en aillent ailleurs. Même si on peut en trouver des exemples dans l’histoire du monde, elle évoque cette solution surréaliste pour l’abandonner aussitôt. Ce serait une manœuvre impossible ; alors, ces gens-là restent là.
Car on ne peut émigrer tous à la fois.
Ça ferait un fameux embouteillage,
Le plus grand de tous les âges. »
Sans compter que ceux qui s’en vont laissent tout derrière eux et ne savent ce que l’ailleurs pourra leur offrir. Vu sous cet angle, l’exil est un luxe.
Et de trois, dit Lucien l’âne. Et pour finir, comment finit la chanson.
Très mal, répond Marco Valdo M.I. ; elle finit sur une note macabre, digne de la Légende du Soldat mort (Legende vom toten Soldaten) de Bertolt Brecht. Mais je n’en dirai pas plus.
Alors, concluons ici, dit Lucien l’âne, et tissons le suaire de ce vieux monde écrasant, étouffant, ahurissant, désolant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane