Sur le boulevard, il marche ;
La voiture le suit, tout proche.
Où aller quand on en sort ?
Chez personne, c’est le sort.
Il faut payer le prix,
Être inapprécié, incompris.
Être seul dans le nulle part,
Il n’y a plus que le hasard.
Que reste-t-il, en fin de compte ?
Rien, de l’écume, un conte,
Une histoire inachevée,
Un curieux pari pour la soirée.
L’homme avance sur le bas-côté.
Kilomètre après kilomètre, il va.
Un homme mortellement usé ; fatigué,
Il rumine. Faire tout ça,
Pour qui ? Pourquoi ?
Il porte un sac au bout du bras droit.
Il progresse, tête baissée, têtument,
Il ne peut en être autrement.
À l’aéroport, il confie le manuscrit,
Tout ce que de sa vie, il a écrit,
À des étrangères, au hasard.
Puis, seul, dans le noir, il repart.
On emmène le dénoncé
Devant la Commission
Pour définir son état de santé.
À son interrogation,
On pose cent questions.
Les questions se suivent en série.
Une question : un, deux trois :
Retentit la sonnerie.
Autre question : un, deux, trois, et cœtera.
Réponse bonne à temps : un point.
Réponse tardive, erreur : zéro point.
Sans réponse ou refus : moins un point.
Le record - refus complet : moins cent points.
Normal : cinquante points au moins.
En dessous de trente : troisième catégorie.
De un à vingt-cinq : deuxième catégorie.
Zéro et moins : première catégorie.
La catégorie définit la maladie
Et la maladie détermine le traitement forcé.
On emmènera le condamné sans discussion.
Alors, on l’enfermera pour le soigner
Et on lui fera les injections.
S’il signe les papiers de collaboration,
Il pourra s’en tirer.
La voiture le suit, tout proche.
Où aller quand on en sort ?
Chez personne, c’est le sort.
Il faut payer le prix,
Être inapprécié, incompris.
Être seul dans le nulle part,
Il n’y a plus que le hasard.
Que reste-t-il, en fin de compte ?
Rien, de l’écume, un conte,
Une histoire inachevée,
Un curieux pari pour la soirée.
L’homme avance sur le bas-côté.
Kilomètre après kilomètre, il va.
Un homme mortellement usé ; fatigué,
Il rumine. Faire tout ça,
Pour qui ? Pourquoi ?
Il porte un sac au bout du bras droit.
Il progresse, tête baissée, têtument,
Il ne peut en être autrement.
À l’aéroport, il confie le manuscrit,
Tout ce que de sa vie, il a écrit,
À des étrangères, au hasard.
Puis, seul, dans le noir, il repart.
On emmène le dénoncé
Devant la Commission
Pour définir son état de santé.
À son interrogation,
On pose cent questions.
Les questions se suivent en série.
Une question : un, deux trois :
Retentit la sonnerie.
Autre question : un, deux, trois, et cœtera.
Réponse bonne à temps : un point.
Réponse tardive, erreur : zéro point.
Sans réponse ou refus : moins un point.
Le record - refus complet : moins cent points.
Normal : cinquante points au moins.
En dessous de trente : troisième catégorie.
De un à vingt-cinq : deuxième catégorie.
Zéro et moins : première catégorie.
La catégorie définit la maladie
Et la maladie détermine le traitement forcé.
On emmènera le condamné sans discussion.
Alors, on l’enfermera pour le soigner
Et on lui fera les injections.
S’il signe les papiers de collaboration,
Il pourra s’en tirer.
inviata da Marco Valdo M.I. - 4/6/2022 - 11:44
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Chanson française – Le Manuscrit – Marco Valdo M.I. – 2022
LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.
Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l'État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique
Épisode 47
Dans l’histoire récente de la Zinovie, Lucien l’âne mon ami, je veux parler de l’histoire qui couvre environ un peu plus du siècle dernier, il a été presque constamment mal vu et dangereux d’émettre des opinions, de défendre des idées ou de faire des récits qui n’étaient pas conformes à la légende officielle qui clamait avec la régularité d’un métronome que tout était pour le mieux, que la Zinovie était le meilleur des modes et qu’on progressait furieusement vers l’avenir radieux dans lequel, du reste, on vivait déjà. Et peu importe si tout ce salmigondis était incohérent, c’était la vérité, un point c’est tout.
J’avais ouï dire pareille chose, dit Lucien l’âne, et par de fort nombreuses voix, venant de multiples endroits. J’ai même croisé des gens qui croyaient ça.
Moi aussi, Lucien l’âne mon ami, même si, sans autres informations que ce brouet officiel, je n’y aurais jamais cru, tellement c’est invraisemblable. Cependant, en Zinovie, bon gré, mal gré, ces racontars avaient la cote. C’était la vérité, c’était le dogme, c’était l’évangile, c’était la doxa ; quiconque en doutait, quiconque la mettait en question était forcément un hérétique et on connaît le destin que l’orthodoxie réserve aux hérétiques.
Oui, dit Lucien l’âne, je l’ai souvent vue, à de nombreuses reprises dans le temps et dans de nombreux pays, mise en œuvre par des religions, par des idéologies, par des empires établis, par des révolutions aux ambitions généreuses et par des dictatures victorieuses.
Donc, la Zinovie d’aujourd’hui connaît bien ça, dit Marco Valdo M.I., et ce genre de régime pose aux écrivains un terrible dilemme auquel ils ne peuvent se résoudre : soit écrire en suivant la doxa et magnifier le réel dans lequel s’embourbe la Zinovie, soit ne pas écrire. C’est une situation impossible pour certains d’autant qu’ils entendent montrer la réalité quotidienne telle qu’elle se déroule sous leurs yeux.
Oh, dit Lucien l’âne, ce fut le cas de Michael Boulgakov et d’Eugène Zamiatine et bien évidemment, Alexandre Zinoviev.
Et de bien d’autres, dit Marco Valdo M.I., mais il faut quand même dire que certains ont cédé et ont joué les encenseurs ; d’autres se sont tus ; d’autres, n’y tenant plus, ont écrit selon leur conscience et sachant le risque, ont choisi de concevoir leur œuvre clandestinement, comme on fait tout acte de résistance à une oppression. Mais, au bout du bout, il leur fallait quand même faire publier leurs textes et comme cela était impossible dans le pays, il restait à expatrier le manuscrit. C’est ce que raconte la chanson.
Soit, dit Lucien l’âne, le manuscrit s’en va à l’étranger, échappe ainsi à la confiscation et à la destruction et a des chances accrues d’être publié. Mais l’auteur ?
Pour l’auteur, même s’il reste anonyme ou dissimulé derrière un pseudonyme, c’est tout autre chose. Pour celui de la chanson, après avoir élaboré son livre clandestinement, avec mille ruses, se sentant de plus en plus surveillé et sentant son arrestation prochaine, il a pris le pas de confier son manuscrit en urgence au hasard. Il se rend seul, à pied, à l’aéroport et remet son paquet de feuilles à des mains inconnues – deux femmes étrangères sur le départ.
Et comme on dit, interrompt Lucien l’âne, vogue la galère.
Ensuite, reprend Marco Valdo M.I., dénoncé, il est emmené devant la Commission médicale qui va juger de son état de santé « sociale » ; la chanson décrit l’engrenage qui s’enclenche à partir de là. Elle énonce aussi le fait, banal en Zinovie, de signer les papiers qui avouent ce qui lui est reproché, peuvent lui éviter le pire : être interné et soigné et par la suite, de simplement, disparaître.
Oh, dit Lucien l’âne, il est dangereux d’être écrivain en Zinovie et même, d’avoir seulement explicité un avis contraire ou une innocente constatation dérangeante. Restons-en là, on en a déjà assez dit et tissons le linceul de ce vieux monde oppressif, oppressant, opprimant, opprimé, dévasté, dévastateur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane