Il y a deux Tripoli
Aux bords de la même eau ;
Nous partirons de Tripoli
En bateau, en bateau.
Vivre à Tripoli,
C’était tout un poème ;
C’était notre pays,
On y vivait bien même.
On ne peut plus rester ici ;
On ne peut plus rester à Tripoli ;
Adieu Libye, adieu Liban,
Partons tant qu’il est temps !
En Europe, au Canada, bien loin,
Professeurs, ingénieurs, médecins,
Avec de beaux visas et en avion
De Libye, du Liban, tous s’en vont !
Il y a deux Tripoli
Aux bords de la même eau ;
Nous partirons de Tripoli
En bateau, en bateau.
Quittons le Liban en chantant,
Laissons la Libye, en rêvant,
Nous irons à Larnaca
Sur une grande barque en bois.
Vague par vague, hésitantes,
Demain, Chypre, belle île en mer,
Demain matin, l’île rutilante
Accueillera le père, le fils et la mère.
Il y a deux Tripoli
Aux bords de la même eau ;
Nous partirons de Tripoli
En bateau, en bateau.
Avec mon enfant dans mes bras,
On a jamais atteint Larnaca.
Quand il est mort sur le bateau
Je l’ai jeté à l’eau.
Depuis, pauvre de moi,
J’ai du bleu plein la tête
Depuis des mois et des mois,
La douleur ronge ma bête.
On a perdu le gosse,
On se souvient de l’eau atroce.
Vaut mieux subir ce qu’il a subi,
Que de rester à Tripoli, à Tripoli.
Il y a deux Tripoli
Aux bords de la même eau ;
Nous partirons de Tripoli
En bateau, en bateau.
Aux bords de la même eau ;
Nous partirons de Tripoli
En bateau, en bateau.
Vivre à Tripoli,
C’était tout un poème ;
C’était notre pays,
On y vivait bien même.
On ne peut plus rester ici ;
On ne peut plus rester à Tripoli ;
Adieu Libye, adieu Liban,
Partons tant qu’il est temps !
En Europe, au Canada, bien loin,
Professeurs, ingénieurs, médecins,
Avec de beaux visas et en avion
De Libye, du Liban, tous s’en vont !
Il y a deux Tripoli
Aux bords de la même eau ;
Nous partirons de Tripoli
En bateau, en bateau.
Quittons le Liban en chantant,
Laissons la Libye, en rêvant,
Nous irons à Larnaca
Sur une grande barque en bois.
Vague par vague, hésitantes,
Demain, Chypre, belle île en mer,
Demain matin, l’île rutilante
Accueillera le père, le fils et la mère.
Il y a deux Tripoli
Aux bords de la même eau ;
Nous partirons de Tripoli
En bateau, en bateau.
Avec mon enfant dans mes bras,
On a jamais atteint Larnaca.
Quand il est mort sur le bateau
Je l’ai jeté à l’eau.
Depuis, pauvre de moi,
J’ai du bleu plein la tête
Depuis des mois et des mois,
La douleur ronge ma bête.
On a perdu le gosse,
On se souvient de l’eau atroce.
Vaut mieux subir ce qu’il a subi,
Que de rester à Tripoli, à Tripoli.
Il y a deux Tripoli
Aux bords de la même eau ;
Nous partirons de Tripoli
En bateau, en bateau.
inviata da Marco Valdo M.I. - 29/10/2020 - 20:09
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Chanson française – Tripoli – Marco Valdo M.I. – 2020
Vincent Van Gogh - 1888
Tripoli, Lucien l’âne mon ami, est le nom d’une ville au Liban et aussi, le nom d’une ville en Libye. Ces deux villes sont des ports des bords de la Méditerranée et de ces ports partent – sur des barques de fortune – des gens désespérés qui cherchent à gagner un monde moins absurdement destructeur, qui cherchent à gagner un territoire où la vie peut reprendre d’autres couleurs.
Ah, dit Lucien l’âne, ça, je le savais qu’il y a deux Tripoli, moi qui ai depuis tant de temps fait sur mes petits pieds d’âne le tour de la grande mer. J’ai même rencontré deux Alexandrie. Ce n’est quand même pas toute la chanson. Que raconte-t-elle d’autre ?
Cette chanson, Lucien l’âne mon ami, est une complainte et comme toutes les complaintes, c’est une chanson triste. Elle parle de mort, elle baigne dans une atmosphère morbide, elle glisse sur une lugubre mer de mort. Elle chante, elle susurre, elle murmure la fin d’un monde, la déliquescence d’un pays (ici, le Liban qui s’enfonce dans un chaos insondable ; il n’est d’ailleurs pas le seul, la Libye et tant d’autres aussi), l’exil, la mort d’un enfant.
Comme je vois, dit Lucien l’âne, c’est vraiment une chanson triste.
Épouvantablement triste, reprend Marco Valdo M.I., et l’idée m’en est venue à la lecture d’un récent article (« Mourir sur le bateau ? Ici, on meurt aussi, c’est juste plus lent » – Le Soir, Bruxelles – 24-25 octobre 2020), qui narrait l’atroce périple d’une jeune couple de Tripoli (Liban), qui pour fuir le quartier de Qobbé sur les hauteurs de la ville – un lieu de combats, où les gens meurent des balles perdues de tueurs maladroits – avait tenté sur une barque de passage de rejoindre Chypre. C’était ce qu’on leur avait promis comme aux autres passagers, moyennant finances. Mais la barque, dans la nuit, se perd, s’égare et au matin, finalement, tombe en panne quelque part sur la mer immense. Ainsi, ils n’étaient jamais arrivés à Chypre et pire, l’équipée se prolongeant, l’eau vient à manquer et leur jeune enfant meurt de déshydratation et le papa doit se résoudre à jeter son enfant mort à la mer.
Mais elle est effroyable, ta chanson, dit Lucien l’âne.
Peut-être bien, dit Marco Valdo M.I. ; cependant, elle ne fait que refléter le réel. Et puis, regarde qu’à la fin, elle ouvre quand même une porte sur une autre histoire. Même si les protagonistes ne sont pas des dieux ou des héros antiques, c’est un destin tragique, qui refuse la fatalité. À la première occasion, ils retenteront le passage vers l’Europe. C’est une chanson de l’autre côté du miroir de l’émigration.
Enfin, dit Lucien l’âne, on ne va pas épiloguer plus encore, laissons dire la chanson, car il me semble qu’elle conte bien plus que ça et qu’avec un peu d’attention, on peut le découvrir. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde sec, rugueux, aride, émacié, étique, mortifiant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane