Au cimetière, gravé sur la grande pierre,
Au milieu de la tombe de William Stickers,
On lisait : Prolétaires du monde un.
Johnny demande : « C’est quoi le monde un ? »
William Stickers dit : Ce devait être « Unissez-vous »,
Un gars a pris la caisse et l’argent manqua pour écrire tout.
À Blackbury, William Stickers un gars presque célèbre,
Avec le temps, jeté par la mort dans les ténèbres.
William Stickers est un héraut du syndicalisme,
William Stickers est un héros de la classe ouvrière
Un homme de fer, un homme fier, un prolétaire.
Il a presque inventé le communisme.
Derrière ses lunettes et sa barbe noire, il était grand,
Il aurait été Karl Marx, s’il avait existé avant.
« William Stickers, vous êtes un fantôme ? — N’y pensez pas,
C’est des superstitions, les fantômes n’existent pas. »
« William Stickers, vous êtes mort ? —
Oui, mort et dans l’ombre, sous la terre,
Mais, l’humanité marche vers la lumière.
Et heureuse et solidaire, elle vit encore.
Johnny, dites-moi en quelle année nous sommes. –
En deux mil vingt. Il y a toujours des hommes,
Mais il n’y a plus d’Union soviétique
Et ce n’est pas le plus dramatique :
Comment avouer à William Stickers, l’évolution
Terriblement malencontreuse des dernières révolutions,
Quand les masses se sont mises en piste
Pour renverser les tyrans communistes ? »
William Stickers dit : « Je suis mort, c’est tout.
Il faut être logique, rationnel ;
Il faut constater, même si ça paraît fou,
Ici, après ma mort, je suis éternel. »
« William Stickers, ça fait quoi d’être mort ? —
C’est très long et parfaitement ennuyeux.
On est tout seul et de plus en plus vieux.
On parle, mais on ne revit pas ; enfin, pas encore.
Mais je milite pour la résurrection des macchabées.
Levez-vous, levez le poing, levez tout, c’est ma tournée !
Camarades cadavres de tous les pays, avancez !
La révolution universelle va triompher ! »
Au milieu de la tombe de William Stickers,
On lisait : Prolétaires du monde un.
Johnny demande : « C’est quoi le monde un ? »
William Stickers dit : Ce devait être « Unissez-vous »,
Un gars a pris la caisse et l’argent manqua pour écrire tout.
À Blackbury, William Stickers un gars presque célèbre,
Avec le temps, jeté par la mort dans les ténèbres.
William Stickers est un héraut du syndicalisme,
William Stickers est un héros de la classe ouvrière
Un homme de fer, un homme fier, un prolétaire.
Il a presque inventé le communisme.
Derrière ses lunettes et sa barbe noire, il était grand,
Il aurait été Karl Marx, s’il avait existé avant.
« William Stickers, vous êtes un fantôme ? — N’y pensez pas,
C’est des superstitions, les fantômes n’existent pas. »
« William Stickers, vous êtes mort ? —
Oui, mort et dans l’ombre, sous la terre,
Mais, l’humanité marche vers la lumière.
Et heureuse et solidaire, elle vit encore.
Johnny, dites-moi en quelle année nous sommes. –
En deux mil vingt. Il y a toujours des hommes,
Mais il n’y a plus d’Union soviétique
Et ce n’est pas le plus dramatique :
Comment avouer à William Stickers, l’évolution
Terriblement malencontreuse des dernières révolutions,
Quand les masses se sont mises en piste
Pour renverser les tyrans communistes ? »
William Stickers dit : « Je suis mort, c’est tout.
Il faut être logique, rationnel ;
Il faut constater, même si ça paraît fou,
Ici, après ma mort, je suis éternel. »
« William Stickers, ça fait quoi d’être mort ? —
C’est très long et parfaitement ennuyeux.
On est tout seul et de plus en plus vieux.
On parle, mais on ne revit pas ; enfin, pas encore.
Mais je milite pour la résurrection des macchabées.
Levez-vous, levez le poing, levez tout, c’est ma tournée !
Camarades cadavres de tous les pays, avancez !
La révolution universelle va triompher ! »
envoyé par Marco Valdo M.I. - 6/7/2020 - 10:40
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Chanson française – Le Syndicaliste – Marco Valdo M.I. – 2020
Scènes de la vie quotidienne au temps de la Guerre de Cent Mille Ans.
Histoire tirée du roman « Johnny et les Morts » – du moins de la traduction française de Patrick Couton de « Johnny and the Dead » de Terry Pratchett. (1995)
Par le grand Onos, dit Lucien l’âne, un syndicaliste.
Oui, dit Marco Valdo M.I., un syndicaliste. Ce n’est pas tous les jours qu’il y a une chanson pour vanter les mérites des camarades syndicalistes.
Pourtant, dit Lucien l’âne, souvent, ils les méritent ces mérites.
Surtout, continue Marco Valdo M.I., quand ce sont des syndicalistes émérites comme William Stickers, un gars presque célèbre qu’on célèbre ici dans cette chanson ; une chanson qui fait en quelque sorte l’histoire des deux derniers siècles et du début de celui-ci, vus au travers du prisme particulier du syndicalisme. En gros, Johnny, tu sais Johnny Maxwell, celui qui rencontre les morts dans Le Cimetière de Blackbury et qui parle avec eux, vient de rencontrer William Stickers devant sa tombe et entame une conversation avec lui.
Oui, répond Lucien l’âne, je sais et même, très bien qui est Johnny ; l’autre jour, il racontait l’histoire de Salomon Einstein, Le Taxidermiste et la fois précédente, il avait inauguré ces rencontres avec l’alderman Bowler.
Donc, dit Marco Valdo M.I., cette fois, c’est un syndicaliste, un nommé William Stickers, presque célèbre au Cygne blanc, le bistro de Blackbury, situé dans la rue du Paradis, où – dans la première moitié du XXe siècle – il haranguait les prolétaires locaux. Avant d’aller plus loin, je voudrais noter au passage que ses initiales – W.S – sont les mêmes que celles de celui que le monde entier connaît sous le nom de William Shakspere, comme il signait lui-même en son testament.
Oh, dit Lucien l’âne, ça ne m’étonnerait pas, car le nom complet de William Stickers est presque une transcription de ce nom de William Shakespeare, alias William Shackspeare, tel qu’il apparaît sous la plume du notaire et d’après ses propres signatures : Willm Shakp., William Shakspe, Wm Shaksper., William Shackspeare, Willim Shackspeare, William Shakspeare.
L’idée est excellente, Lucien l’âne mon ami, mais nous ne sommes pas là pour débattre de ce sujet si passionnant de la réelle personnalité qui se trouve derrière ce nom de Shakespeare. Il nous faudrait faire le point sur cette délicate question et nous n’avons pas le temps de le faire ici. Pour ce qui est de William Stickers, même mort, il reste lui-même.
Soit, répond Lucien l’âne, mais quand même, Shackspeare était-il Shakespeare ? D’aucuns disent que ce serait John Florio et ils avancent des arguments à mes yeux assez fondés. Cependant, passons.
Donc, reprend Marco Valdo M.I., j’en reviens à William Stickers qui a vécu toute sa vie avec la conviction qu’une révolution universelle étendrait le communisme depuis l’Union soviétique (patrie des travailleurs) au reste de la planète. Il va être bien déçu quand il apprendra qu’il n’y a plus de patrie des travailleurs ; et Johnny n’ose imaginer de lui dire ce qui s’est vraiment passé en Pologne, en Roumanie, en Ukraine, au Cambodge ou ailleurs ; sans compter les nouvelles révolutions, plus vraiment communistes.
Panta rhei, dit Lucien l’âne, mais il y a de quoi être déçu pour ceux qui comme lui ont mené leur vie durant l’inlassable combat pour atteindre le socialisme – antichambre du paradis ou autrement dit, pour faire triompher leur rêve.
Bien sûr, Lucien l’âne, et ils sont très nombreux ceux qui voyaient dans la révolution la voie vers un futur meilleur ; ils disaient : « Le communisme est l’avenir radieux du socialisme. » Mais même si la patrie des travailleurs a trahi, même si le rêve s’est évanoui, on peut faire confiance à William Stickers pour assurer que « le combat continue ». Syndicaliste chez les vivants, il transporte son enthousiasme, son militantisme et son indéfectible foi dans la victoire finale dans son nouveau monde, le monde des morts.
Je suis très curieux de lire ça, dit Lucien l’âne. Et nous qui sommes aussi obstinés que William Stickers, nous tissons le linceul de ce vieux monde réticent et lent, conservateur, doté d’une incoercible inertie, hypocondriaque et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M. I. et Lucien Lane