Le repas est lent et morose,
On mâchonne en silence,
On attend avec impatience
L’avis de l’oracle sur la chose.
Grand-mère examine l’os de l’aile,
L’aile du coq qui démêle
Le bonheur du malheur de demain.
Par l’os de son aile, le coq est devin.
Le repas de famille se termine
Mémé chausse ses vieilles lunettes,
Prend l’os et longtemps l’examine.
La famille se pétrifie muette.
Mémé tend l’os à la lumière,
Par devant, par derrière.
Les bords de l’os sont rouges.
À table, plus personne ne bouge.
D’une voix sourde et austère,
Mémé murmure : « La Guerre ».
On aura la guerre et le sang,
L’os le dit, c’est flagrant.
En cachette, l’enfant récupère
L’os tragique et froid.
Sa main ne lâche pas
L’amulette du mystère.
Il s’endort et parcourt la nuit entière
D’un sommeil angélique.
Son rêve écoute extatique
Venir les tambours de guerre.
On mâchonne en silence,
On attend avec impatience
L’avis de l’oracle sur la chose.
Grand-mère examine l’os de l’aile,
L’aile du coq qui démêle
Le bonheur du malheur de demain.
Par l’os de son aile, le coq est devin.
Le repas de famille se termine
Mémé chausse ses vieilles lunettes,
Prend l’os et longtemps l’examine.
La famille se pétrifie muette.
Mémé tend l’os à la lumière,
Par devant, par derrière.
Les bords de l’os sont rouges.
À table, plus personne ne bouge.
D’une voix sourde et austère,
Mémé murmure : « La Guerre ».
On aura la guerre et le sang,
L’os le dit, c’est flagrant.
En cachette, l’enfant récupère
L’os tragique et froid.
Sa main ne lâche pas
L’amulette du mystère.
Il s’endort et parcourt la nuit entière
D’un sommeil angélique.
Son rêve écoute extatique
Venir les tambours de guerre.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 4/5/2020 - 21:25
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Chanson française – L’Os du Coq – Marco Valdo M.I. – 2020
Quelques histoires albanaises, tirées de nouvelles d’Ismaïl Kadaré, traduites par Christian GUT et publiées en langue française en 1985 sous le titre La Ville du Sud.
La scène se passe en Albanie du Sud à la fin des années 1930 quand le pays était annexé par l’Italie. L’inquiétude de la population de la petite ville albanaise est grande et s’accroît d’autant plus que l’information est des plus lacunaires et est essentiellement basée sur des rumeurs. Des rumeurs qui ne sont pas sans fondement puisque la guerre – rumeur au cœur de la chanson – éclatera bientôt avec la Grèce voisine que l’Italie fasciste, dans son rêve d’Impero (il s’agit de reconstituer l’Imperium romanum), convoite.
Oh, dit Lucien l’âne, tu fais bien de préciser le contexte général. C’est donc une histoire populaire albanaise au temps de l’occupation italienne. Cependant, avant d’aller plus loin, il vaudrait mieux en dire un peu plus sur la source de l’histoire, sur l’auteur qui l’a racontée et le livre où elle figure.
Tu as raison, Lucien l’âne mon ami. En fait, il s’agit d’une histoire racontée par ce fabuleux conteur, descendant revendiqué des aèdes antiques, qu’est Ismaïl Kadaré e fut publiée en France dans un petit livre intitulé La ville du Sud, c’est-à-dire Gjirokastër, où dans la ruelle des Fous naquirent et grandirent Ismaïl Kadaré et Enver Hoxha, lequel dirigea le parti et l’Albanie communistes. Cela précisé, je reviens à la chanson qui raconte une histoire de divination. Dans cette ville à cette époque, la même époque où dans Cristo si è fermato a Eboli, Carlo Levi décrit la Lucanie, certaines vieilles femmes, habillées de noir, étaient censées posséder l’art divinatoire. En l’occurrence, il s’agit de la grand-mère, dite ici Mémé, qui va procéder par la lecture d’un os de coq. L’os de coq correspond à la furcula des Étrusques et des Romains, qui est (encore) réputée être l’os du bonheur, l’os de la chance, l’os de la victoire. Il convient évidemment de préciser que c’est là l’avers positif, car l’envers négatif en fait l’os du malheur, l’os de la défaite. En tout cas, ce qui est sûr, c’est son caractère magique : il prédit.
Voilà de bien curieuses manières, dit Lucien l’âne, mais il est vrai que le coq est un animal assez prophétique, à preuve cette antienne :
« Au matin du grand soir,
Le coq rouge pondra l’œuf noir. »
Le coq est un animal assez folklorique qui joue un rôle apparemment important dans les affaires humaines. Et puis, quand même, ce sont là des gens bien superstitieux.
Ah là, Lucien l’âne mon ami, tu peux parler, toi qui fus victime d’une sorcellerie. Mais, passons ! Donc, primo, il a fallu tuer un coq ; deuzio, tout le monde se rassemble pour le manger ; troizio : quand il ne reste plus que la carcasse du volatile, qu’on a bien raclé tous les os, la grand-mère procède à l’examen rituel et conclut d’une voix de circonstance : « La guerre ». Et, l’enfant, qui n’a aucune idée de ce que peut être vraiment une guerre, captivé par le mystère et l’aventure, s’empare de l’os et s’en va dormir en tenant le bout de coq en main ; il se fait que cet os magnifie son rêve en faisant résonner les tambours de guerre. Pour l’enfant, la guerre est un fantasme, une formidable aventure imaginaire. D’ailleurs, les enfants adorent jouer à la guerre.
Oui, dit Lucien l’âne, c’est souvent ainsi. Je me demande parfois si certains grands ne gardent pas toute la vie ce penchant enfantin – dès lors, désastreux. On pourrait le penser à voir certains dirigeants du monde humain.
En effet, dit Marco Valdo M.I., on a à faire là à de dangereux délires infantiles ; à mon sens, je l’avoue, il conviendrait de les enfermer tous pour les mettre hors d’États de nuire. C’est un aspect particulier de La Guerre de Cent mille ans que les riches font aux pauvres pour satisfaire leurs appétits de domination et leurs fantasmes les plus imbéciles.
Alors, plus obstinément encore, tissons le linceul de ce vieux monde bellâtre, belliqueux, idiot, infantile, fantasmatique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane