Je suis parti ce matin faire le tour
De Florence, en compagnie de l’Athée
Qui nous a égarés comme toujours
Dans les impasses de la journée.
Nous étions seuls sur le Un
En ville, il n’y avait plus de Huns.
Le Bourg Pinti était un couloir désert,
Un cycliste voguait sur l’Arc de Saint-Pierre.
Sur la place, sans marché, pas de meeting :
Il porte bien son nom, ce Bourg des Abymes ;
Sur la place Piero Calamandrei, ce fut sublime :
On chanta « Lo avrai, camerata Kesselring »
« Piazza San Marco enlevée,
Via San Caterina dépassée,
Contrattaque sur la place Donatello :
Le fascisme reculait, ce n’était pas trop tôt ! »
Sous la Voûte des Aveugles, on s’est arrêté
Pour expérimenter un essai sur la cécité
En hommage à José Saramago,
On a trouvé ça très rigolo.
En riant, on a lu les dispositions de 1733.
À l’impasse des Lilas,
La fleuriste n’était plus là,
Des lilas, il n’y en avait pas.
Pauvre ami, tenons bien la barre,
Le corona va passer par là
Et ce virus est un barbare
Dans le genre d’Attila.
Intrépides, nous avons affronté le Bargello,
On a traversé d’un bond le Mercato Nuovo,
Et caressé le nez du Porcellino comme Andersen
En pensant à Copenhague, à la couronne et à sa petite Sirène.
À l’heure du repas de midi,
Le bœuf florentin nous passa sous le nez ;
Le restaurant était légalement fermé.
L’humour livournais un instant nous divertit.
À la rue Tornabuoni, de Laurent le Magnifique,
On célébra la mère, une grande politique.
Puis, place de la République ;
Le Pape nous fit un sourire oblique.
Il nous indiqua la rue des Belles Femmes :
Toutes dehors, car les maisons sont fermées.
Reste un pigeon, une fontaine goutte abandonnée
Et Dante, aviné, guigne les dames.
« Sur la place ensoleillée,
Les enfants en pleine journée ;
Sous le soleil, la place déserte
Se fige sous l’alerte. »
Piazza Santa Maria Novella –
Place Sainte Marie Nouvelle,
Le fantôme de l’Athée clame la nouvelle :
C’est le printemps, le printemps est là.
De Florence, en compagnie de l’Athée
Qui nous a égarés comme toujours
Dans les impasses de la journée.
Nous étions seuls sur le Un
En ville, il n’y avait plus de Huns.
Le Bourg Pinti était un couloir désert,
Un cycliste voguait sur l’Arc de Saint-Pierre.
Sur la place, sans marché, pas de meeting :
Il porte bien son nom, ce Bourg des Abymes ;
Sur la place Piero Calamandrei, ce fut sublime :
On chanta « Lo avrai, camerata Kesselring »
« Piazza San Marco enlevée,
Via San Caterina dépassée,
Contrattaque sur la place Donatello :
Le fascisme reculait, ce n’était pas trop tôt ! »
Sous la Voûte des Aveugles, on s’est arrêté
Pour expérimenter un essai sur la cécité
En hommage à José Saramago,
On a trouvé ça très rigolo.
En riant, on a lu les dispositions de 1733.
À l’impasse des Lilas,
La fleuriste n’était plus là,
Des lilas, il n’y en avait pas.
Pauvre ami, tenons bien la barre,
Le corona va passer par là
Et ce virus est un barbare
Dans le genre d’Attila.
Intrépides, nous avons affronté le Bargello,
On a traversé d’un bond le Mercato Nuovo,
Et caressé le nez du Porcellino comme Andersen
En pensant à Copenhague, à la couronne et à sa petite Sirène.
À l’heure du repas de midi,
Le bœuf florentin nous passa sous le nez ;
Le restaurant était légalement fermé.
L’humour livournais un instant nous divertit.
À la rue Tornabuoni, de Laurent le Magnifique,
On célébra la mère, une grande politique.
Puis, place de la République ;
Le Pape nous fit un sourire oblique.
Il nous indiqua la rue des Belles Femmes :
Toutes dehors, car les maisons sont fermées.
Reste un pigeon, une fontaine goutte abandonnée
Et Dante, aviné, guigne les dames.
« Sur la place ensoleillée,
Les enfants en pleine journée ;
Sous le soleil, la place déserte
Se fige sous l’alerte. »
Piazza Santa Maria Novella –
Place Sainte Marie Nouvelle,
Le fantôme de l’Athée clame la nouvelle :
C’est le printemps, le printemps est là.
inviata da Marco Valdo M.I. - 15/3/2020 - 11:23
Merci, Marco Valdo. Merci, Lucien Lâne. Et ce n'est pas moi seulement qui te remercie: c'est bien toute la bande de mes moi-mêmes, une bande qui ferait pâlir o senhor Fernando Pessoa avec tous ses hétéronymes. Sede plurais como o universo!. Vous nous avez fait pleurer, ce matin, dans notre prison; mais notre porte reste toujours ouverte, et ne sera jamais fermée à personne. Peut-être était-ce notre Petite promenade du poète au temps de l'épidémie; Dino Campana, lui. C'était juste dans la place de la République à Florence, qui s'appelait en ce temps-là la Place du Roi Victor Emmanuel, qu'il se mit à vendre aux passants ses Chants Orphiques dédiés à Guillaume, Empereur des Germans, en 1914. C'est pour ça que nous voulons vous dédier, Marco Valdo et Lucien Lâne, un petit poème de Dino Campana qui parle de trois jeunes filles florentines qui se promènent.
Et aussi une photo supplémentaire. Merci encore.
Tre giovani fiorentine camminano
Dino Campana, 1906.
Ondulava sul passo verginale
ondulava la chioma musicale
nello splendore del tiepido sole
eran tre vergini e una grazia sola.
Ondulava sul passo verginale
crespa e nera la chioma musicale
eran tre vergini e una grazia sola
e sei piedini in marcia militare.
Massimiliano Larocca canta Dino Campana.
Dino Campana, 1906.
Ondulava sul passo verginale
ondulava la chioma musicale
nello splendore del tiepido sole
eran tre vergini e una grazia sola.
Ondulava sul passo verginale
crespa e nera la chioma musicale
eran tre vergini e una grazia sola
e sei piedini in marcia militare.
Massimiliano Larocca canta Dino Campana.
Et aussi une photo supplémentaire. Merci encore.
L'Athée Toscan du XXIème Siècle - 15/3/2020 - 12:07
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Après des jours d’arrêts domiciliaires, je n’en pouvais plus. Je me suis échappé pendant trois heures. Muni de protections, circonspect, seul et à un mètre de distance. Je suis allé faire un tour en ville, à Florence.
Florence n’a aucun privilège particulier par rapport aux autres villes et villages d’Italie et du monde. C’est l’un des quatre lieux où le destin m’a donné naissance, également celui de l’état-civil, dont je parle parfaitement la langue et où j’habite dans un quartier décentré. Je ne vais presque jamais au centre, et seulement par nécessité ; Florence reçoit six ou sept millions de visiteurs chaque année. C’est une ville ancienne et très belle, pleine de monuments historiques et artistiques, ce qui l’a transformée en un secteur économique basé sur le tourisme. Florence, de ces jours-ci, se meurt. Je suis allé la voir, morte.
Ou peut-être qu’elle était déjà morte avant. Morte du tourisme de masse, de lieux, de la pacotille, du luxe, de l’Airbnb. Peut-être, qui sait, je suis allé la voir renaître. Je me promenais seul, presque comme un voleur, et il n’y avait personne. Quelques fantômes. Un pharmacien. Une fille assise sur une marche, avec des cheveux bouclés. Le serveur d’un lieu qui faisait le ménage dans le lieu fermé. Une dame avec un petit chien. Et le silence, le plus total.
Étant un voleur, j’ai volé des images. Quel jour sommes-nous ? Vendredi 13 mars 2020, de 11 h à 13 h. C’est ainsi dans le pays entier. Silencieux comme j’étais allé, je suis revenu à ma prison domestique.
Autrefois, dans le Vicolo del Panico (Impasse de la Panique), il y avait le MAF, le Mouvement anarchiste florentin. Au-dessus du panneau routier, celui que vous pouvez voir sur la photo, il y avait un drapeau rouge et noir avec un A encerclé. C’était dans un palais du XIIIe siècle. En 2005, il a été évacué. Ils y ont fait des appartements de luxe. Puis, ils ont fermé l’allée avec une grille pour ne pas déranger ces messieurs. Et maintenant, qu’ils aillent se faire foutre avec leur grille. La panique se répand. Que ce soit dans votre impasse. [AT-XXI]
Ce 13 mars 2020, un vendredi 13, notez-le, dit Marco Valdo M.I., notre Athée du XXIe Siècle (c’est ainsi que je l’ai baptisé) a publié une symphonie photographico-poétique de son cru, qu’il a intitulée « Vicolo del Panico », pour la raison dite plus haut ; c’est la version française de ce texte qui sert d’introduction à ma Promenade florentine.
Bien, bien, dit Lucien l’âne, mais encore ?
Encore ?, répond Marco Valdo M.I., encore ceci que ce Vicolo del Panico est lui-même une promenade florentine et qu’il est composé d’une très remarquable série de photos, qu’il est vraiment intéressant de consulter. C’est une idée lumineuse et pour tout dire, photogénique. J’en étais resté paf ou comme on dit également, j’en étais resté comme deux ronds de flan. Du coup, je me suis dit, faisons cette promenade florentine et chemin faisant, j’y ai inclus quelques éléments rébusiques que je destinai in primis à l’Athée XXI, grand amateur d’énigmes et de notes explicatives.
Oh, dit Lucien l’âne, c’est là une autre idée intéressante et une manière d’intriguer et de distraire en ces temps où comme il semble que ce soit le cas en Italie comme ici, les gens cherchent de la distraction. Il paraît qu’en Italie, il y en a qui se mettent à leur balcon, mais il ne passe personne.
Évidemment, Lucien l’âne mon ami, qu’il ne passe personne, si tout le monde est à son balcon. Tiens à propos de rébus ou de citation ou d’allusion, cette histoire de balcon est un bon exemple. Comme nous le savons tous les deux, qu’il faut aller voir dans Le Pornographe de Tonton Georges. Juste dans ce verset :
« Chaque soir avant le dîner,
À mon balcon mettant le nez,
Je contemple les bonnes gens,
Dans le soleil couchant,
Mais ne me demandez pas de chanter ça, si
Vous redoutez d’entendre ici
Que j’aime à voir, de mon balcon
Passer les cons. »
Oh, Marco Valdo M.I., tu me mets l’eau à la bouche. Veux-tu bien m’indiquer quels passages de ta Promenade florentine recèlent d’aussi savoureuses allusions ?
Bref, c’est bon que c’est toi, Lucien l’âne mon ami, mais ça va être long et en plus, c’est biscornu. Avant tout, je tiens à signaler que j’ai francisé la désignation des lieux tels vicolo : impasse, via : rue, borgo : bourg, piazza : place. D’abord, le titre lui-même renvoie aux promenades napolitaines de Benedetto Croce, que ce philosophe avait écrites il y a un siècle. Ensuite, le premier vers renvoie à la chanson de Barbara « Ce Matin-là », qui commence ainsi :
Quant à être seul sur le Un sans les Huns, tu as évidemment reconnu Raymond Queneau et ses fleurs bleues et l’allusion à la disparition des touristes – les dits-Huns, dont on retrouve trace avec Attila, un peu plus loin dans la chanson. Le verset (oui, oui, ce sont des versets comme dans les livres sacrés) qui suit se réfère à « Lo avrai camerata Kesselring » et celui qui commence par « Piazza San Marco enlevée » est tiré de « L'insurrection de Florence », chanson elle-même reflet d’un texte de Piero Calamandrei. Tu sais aussi mon goût pour José Saramago, dont j’avais tiré ma chanson « Le Siège De Lisbonne », titre d’un de ses romans, et il m’a paru rigolo que l’Athée XXI évoque cette cécité, autre roman où il décrit l’aveuglement général de la société, digne de la Marche des Aveugles de Brueghel. Maintenant, je suis sûr que tu as repéré ces Lilas qui sont à la fois, une station du métro parisien et l’arbuste du printemps, qui bourgeonne dans les jardins. C’est aussi et ici, surtout, la chanson éponyme de Georges Brassens : Les Lilas (), qui dit :
« Quand je vais chez la fleuriste,
Je n’achète que des lilas…
Pauvre amour, tiens bon la barre,
Le temps va passer par là,
Et le temps est un barbare
Dans le genre d’Attila. »
Au passage, je rappelle que la monnaie danoise est la « couronne » – en italien, « corona ». Cela dit, Tornebuoni Lucrezia, c’était aux alentours de 1450, était la mère de Laurent le Magnifique, une poétesse et fine politique, cela dit sans vouloir m’immiscer dans les affaires internes de l’histoire florentine. Je laisse de côté le sourire de Joconde du Pape et l’allusion à la fermeture des maisons closes et au retour des Belles Femmes dans les rues et au bord des routes, tous sujets qu’on pourrait développer à l’envi. Ce que faisait notamment Bocca di Rosa - Bouche de Rose ou La complainte des filles de joie
Ah, cette infinie paraphrase !, dit Lucien l’âne, c’est précisément là tout le sel de l’allusion.
Et puis, continue Marco Valdo M.I., le verset de la place ensoleillée est tiré de « L’Homme en gris» qui renvoie à Carlo Levi et à la Resistenza à Florence vers 1944. Enfin, ce fantôme de l’Athée et le printemps qui suit :
C’est le printemps, le printemps est là. »
font allusion à deux chansons : pour le fantôme à « Il camionista Ghost Rider » de Davide Van de Sfroos et le printemps à « C’est le Printemps » de Léo Ferré.
Tu sais, Marco Valdo M.I. mon ami, cette chanson me fait penser à La Ballade du Poète François Villon, version française de Ballade auf den Dichter François Villon de Wolf Biermann. Enfin, on sait un peu mieux ce qui se passe dans la tête de celui qui écrit des choses comme ça, mais halte, dit Lucien l’âne, pour cette fois, on en restera là. Tissons le linceul de ce vieux monde tourneboulé, coroné, fatigué, enfermé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane