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Bains de Lumière

Marco Valdo M.I.
Langue: français



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Bains de Lumière

Lettre de prison 35
1 juillet 1935

Dialogue Maïeutique

Ronde des prisonniers Van Gogh


Ces bains de lumière, je te le dis tout de suite, Lucien l’âne mon ami, ne sont pas de pures métaphores, ce sont d’authentiques bains de lumière que le prisonnier Carlo Levi prenait au tout début de cet été 1935 dans la cour de la prison romaine de Regina Cœli. Sans doute, Coelho le début juillet de cette année-là, le soleil était au rendez-vous et cognait dur – comme les sbires du régime.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, je connais ces jours de canicule, car je les ai subis comme tous ceux qui courent les routes et qui vivent dans les prés et les champs sous le soleil et se traînent en plein cagnard. Mais ces « bains de lumière », quelle image !

Certes, Lucien l’âne mon ami, ces « bains de lumière », nés de la canicule au pied du Janicule, sont durs à supporter, ils humifient le corps et trempent les vêtements d’une limpide transpiration. Le corps fond littéralement. Et, comme l’annonce la chanson, ce ne serait qu’un début.

Un début ?, dit Lucien l’âne, mais comment le savoir ? Il pleuvra peut-être demain.

Lucien l’âne mon ami, tu as trop vécu pas loin de la Mer du Nord. Je te dirais volontiers « Kennst du das Land, wo der Regen blüht ? » (Connais-tu le pays où la pluie fleurit?), paraphrasant – à mon tour – après Erich Kästner et son « « Kennst du das Land, wo die Kanonen blühen ? », le poème de Goethe ; mais trêve de supputations, ce qui importe, c’est qu’une fois encore, allant du particulier – la situation faite au prisonnier Carlo Levi – au général – la situation faite à tous les prisonniers, on prend doucement conscience des inconvénients de l’enfermement par temps caniculaire.

C’est ce que je disais aussi, répond Lucien l’âne, en évoquant la situation de tous ceux qui sont soumis aux conditions caniculaires sans pouvoir s’y soustraire ou trouver le réconfort d’un ombre, d’une douche ou que sais-je ? En tout cas, il faut boire beaucoup et de l’eau et si possible, fraîche.

Bien sûr, Lucien l’âne mon ami, mais pur le prisonnier Levi, l’eau, dont il bénéficie, est celle qui repose dans sa cellule et qui atteint une température plus élevée que celle du corps ; concrètement, elle dépasse les 37 ° ; elle est chaude, mais assez pour faire du thé.

Oh, dit Lucien l’âne, ce n’est pas très rafraîchissant. Mais dis-moi quand même ce que sont ces bains de lumière.

Pour en revenir aux « bains de lumière », répond Marco Valdo M.I., il s’agit en fait des bains de soleil que le prisonnier Carlo Levi – par ailleurs, médecin – s’offre durant la courte période de « promenade » qui lui est accordée chaque jour. C’est un plein de vitamines D et aussi, une fameuse séance de sauna, détoxifiante à souhait, qui permet d’éliminer bien des miasmes. Et comme il le raconte, je peux te décrire la manière de faire un tel bain de lumière, qui est tout à fait conforme à celle dont use n’importe quel estivant, sauf évidemment qu’il n’y a ni plage, ni mer, ni rivière, ni lac, ni vent du large, ni bosquet ombreux où se réfugier, ni terrasse ombragée où siroter une boisson rafraîchie. Ni même crème solaire, ni parasol, ni ombrelle, ni demoiselles sortant le l’onde en s’ébrouant.

J’imagine, dit Lucien l’âne. Ce n’est pas une situation plaisante.

Cependant, remarque Marco Valdo M.I, si la canzone en donne une description détaillée, elle n’abandonne cependant pas l’indispensable distanciation que crée l’humour, qu’à son habitude, Carlo Levi pratique à froid.

Oui, dit Lucien l’âne, l’humour du Dr. Levi est un brûlant humour glacial, pictural et poétique. Enfin, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde caniculaire, étouffant, transpirant et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien l’âne

Le Fils emprisonné ; Le Vent souffle ; Les Araignées rouges ; La Madeleine aux figuiers ; Les petits Nuages lourds ; La Maison de Santé ; Les Graffitis ; Le Temps libre ; À l’Abri des Bandits ; Surtout, pas de Mélancolie ; Dangereux pour l’Ordre de l’État ; La Guerre sainte ; Entre la Ruche et l’Hôpital ; On dit que je suis cultivé ; Les Cartes-lettres ; Le Temps des Rides ; Le Ventriloque ; Retour en Cellule ; Le Bouquet ; Admirable Justice ; La Sagesse de la Nation ; La Confination ; La Peinture en Prison ; Le Procès-verbal ; Cellini avait Raison ; L’Année philosophique ; Le Voyage en Cage ; Les Pins du Janicule ; Je suis un Artiste ; Les petites Fraises parfumées ; Le Soleil ivre ; Être au frais ; Dante, c’est Dante ; À Vau-l’Eau ;
Sous un ciel de feu,
Juillet a commencé depuis peu.
Les bruits du monde reculent.
Effrayés par la canicule,
Ils abandonnent ma cellule.

Trente-sept degrés au moins
L’eau au repos
Dans le lavabo
Est plus chaude que les mains.
J’appréhende demain.

Sur le pavement brûlant,
La promenade est un châtiment.
Il est sept heures tapant,
Tout est mou et moite,
On cuit déjà comme dans une boîte.

Couché sur le ciment,
De mes pores coule d’abondance
Un liquide insipide.
Comme l’eau de jouvence,
Ma suée recluse est limpide.

Ces bains de soleil quotidiens
Font du bien.
Mes bras sont bronzés.
Pour mon visage, je ne peux juger
Sans miroir, je ne peux me regarder.

Mirage, rêve, délire :
Des démons tirent
Mon corps vers l’enfer
Et le pire,
Je ne peux rien y faire.

envoyé par Marco Valdo M.I. - 23/6/2019 - 20:38




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