Les flibots au soleil se traînent,
Les vigies dans les hunes sifflent
Et depuis le matin, scrutent l’horizon en vain.
Trèslong interroge, elles répondent : « Rien ! »
« D’où vient, Lamme, ton air si dolent ? »
« Oui, riez de moi, pauvre et souffrant,
Riez, par abandon, le cœur me faut :
Pain, fromage et boisson, il me faut.
Le Prince défend de prendre pour notre bien
Vivres des riches, ni rien des couvents.
Je n’ai plus ni ma femme, ni bon vin.
Je vis de petite bière et de hareng.
Où est passée la joie, où est passée la vie ? »
Till dit : « Je vais te le dire une bonne fois.
Oh Lamme ! Laisse-là tes mélancolies,
Frappe le soldat d’Albe où tu le trouveras.
Ils ont tué dix mille cœurs libres à Paris
La nuit de la Saint-Barthélémy.
Ils ont jeté au fleuve de pleines charretailles
De morts et de vivants et faisaient ripaille.
La Seine était rouge de sang et neuf jours entiers,
Les corbeaux s’abattant par nuées
Se repurent de ce carnage de réformés
Et d’autres villes sont encore endeuillées.
Les dames de la cour en grandes prêtresses
De leurs mains fines dépouillaient les corps
Pour voir et mesurer la virilité des morts
Et elles riaient ces paillardes, de cette étrange messe.
Si l’arrière-goût du hareng te rend malade,
L’odeur de cette vilenie est bien plus fade
Et les assassins ont les mains sales et roides
D’avoir tant tâté tant de viande froide.
Ces tueurs offraient aux dévotes damoiselles
Des oies grasses, le croupion ou les ailes.
Comme les charognards, des cadavres nourris,
Ces festins honteux fêtaient Saint Barthélémy. »
« Je ne me plaindrai plus, dit Lamme,
Ni du hareng, ni de la petite bière.
Tristesse et mélancolie, c’était hier.
Mon cœur est en joie, je reverrai ma femme. »
Les vigies dans les hunes sifflent
Et depuis le matin, scrutent l’horizon en vain.
Trèslong interroge, elles répondent : « Rien ! »
« D’où vient, Lamme, ton air si dolent ? »
« Oui, riez de moi, pauvre et souffrant,
Riez, par abandon, le cœur me faut :
Pain, fromage et boisson, il me faut.
Le Prince défend de prendre pour notre bien
Vivres des riches, ni rien des couvents.
Je n’ai plus ni ma femme, ni bon vin.
Je vis de petite bière et de hareng.
Où est passée la joie, où est passée la vie ? »
Till dit : « Je vais te le dire une bonne fois.
Oh Lamme ! Laisse-là tes mélancolies,
Frappe le soldat d’Albe où tu le trouveras.
Ils ont tué dix mille cœurs libres à Paris
La nuit de la Saint-Barthélémy.
Ils ont jeté au fleuve de pleines charretailles
De morts et de vivants et faisaient ripaille.
La Seine était rouge de sang et neuf jours entiers,
Les corbeaux s’abattant par nuées
Se repurent de ce carnage de réformés
Et d’autres villes sont encore endeuillées.
Les dames de la cour en grandes prêtresses
De leurs mains fines dépouillaient les corps
Pour voir et mesurer la virilité des morts
Et elles riaient ces paillardes, de cette étrange messe.
Si l’arrière-goût du hareng te rend malade,
L’odeur de cette vilenie est bien plus fade
Et les assassins ont les mains sales et roides
D’avoir tant tâté tant de viande froide.
Ces tueurs offraient aux dévotes damoiselles
Des oies grasses, le croupion ou les ailes.
Comme les charognards, des cadavres nourris,
Ces festins honteux fêtaient Saint Barthélémy. »
« Je ne me plaindrai plus, dit Lamme,
Ni du hareng, ni de la petite bière.
Tristesse et mélancolie, c’était hier.
Mon cœur est en joie, je reverrai ma femme. »
inviata da Marco Valdo M.I. - 7/11/2018 - 11:31
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Chanson française – La Saint-Barthélémy – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 105
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, X)
La Saint-Barthélémy, dit Lucien l’âne, pour moi, c’est cet énorme massacre qui eut lieu à Paris où les catholiques enragés firent un bain de sang de leurs voisins protestants ; un carnage qui fut étendu rapidement à d’autres villes de France et qui dura plusieurs mois. On dénombra plusieurs dizaines de milliers d’assassinés : hommes, femmes, enfants, vieux, jeunes, tous y passèrent.
C’est bien cette Saint-Barthélémy-là que raconte Till dans la chanson, poursuit Marco Valdo M.I. et le Saint Barthélémy, dont selon la tradition catholique, on célébrait ainsi la fête à Paris n’est autre – quelle ironie – que le saint patron des bouchers, des écorcheurs et des tanneurs. Autant dire, Barthélémy, le saint patron des tueurs.
En effet, ça ne manque pas de sel, dit Lucien l’âne.
Mais au fait, que vient faire cette histoire de Saint-Barthélémy dans la légende la Légende des Pays.
Curieusement, Lucien l’âne mon ami, c’est un coup de bleu à l’âme de Lamme qui en est la cause ou l’origine. Du fait d’un sevrage prolongé, fait de petite bière et de hareng, le pauvre homme se met à dépérir.
On le comprend, s’écrie Lucien l’âne. Du hareng ; soit !, de temps en temps ; mais du hareng, rien que du hareng, à longueur de temps, arrosé de bière plate, il y a de quoi désespérer du monde et de la vie.
C’est précisément, dit Marco Valdo M.I., ce que fait Lamme. Il se lamente, il se chagrine et pire encore, il maigrit.
C’est terrible, dit Lucien l’âne en riant. Mais la Saint-Barthélémy, que vient-elle faire dans tout ça ?
J’y viens, dit Marco Valdo M.I., j’y arrive. La Saint-Barthélémy est évoquée par Till pour ramener à sa juste dimension le malheur de Lamme. C’est comme qui dirait s’il lui disait : « Rastrins valet ! », « N’exagère pas ! ». Il s’agit de faire voir à Lamme qu’il y un sort bien pire que le sien, qu’il convient d’accepter le hareng saur ou sec et la bière aqueuse tant que dure le combat pour la liberté et d’apprécier la vie – tant qu’il y en a. Ainsi, Till conforte l’âme de Lamme en lui prédisant le retour de sa femme. Pour le reste et les détails, voir la chanson.
Écoutons cette chanson de bien triste mémoire et puis, tissons le linceul de ce vieux monde fade, pénible, lourd, triste, veule et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane