Voici la chanson d’amour
Que fit De Coster un jour
Pour une fille d’Ève tendre
À prendre, à vendre, à pendre.
Au son de la viole,
Je chante nuit et jour ;
Je suis la fille-folle,
La vendeuse d’amour.
Astarté de mes hanches
Fit des lignes de feu ;
J’ai les épaules blanches,
Et mon corps est Dieu.
Qu’on vide l’escarcelle
Aux carolus brillants :
Que l’or fauve ruisselle
À flots sous mes pieds blancs.
Je suis la fille d’Ève
Et de Satan vainqueur :
Si beau que soit ton rêve,
Cherche-le dans mon cœur.
Je suis froide ou brûlante,
Tendre au doux nonchaloir
Tiède, éperdue, ardente,
Mon homme, à ton vouloir.
Vois, je vends tout : mes charmes,
Mon âme et mes yeux bleus ;
Bonheur, rires et larmes,
Et la Mort si tu veux.
Au son de la viole,
Je chante nuit et jour ;
Je suis la fille-folle,
La vendeuse d’amour.
Cherche ailleurs de tels charmes,
Prends tout, mon amoureux,
Plaisirs, baisers et larmes,
Et la Mort si tu veux.
Sanglant était mon rêve,
Le rêve de mon cœur :
Je suis la fille d’Ève
Et de Satan vainqueur.
Que fit De Coster un jour
Pour une fille d’Ève tendre
À prendre, à vendre, à pendre.
Au son de la viole,
Je chante nuit et jour ;
Je suis la fille-folle,
La vendeuse d’amour.
Astarté de mes hanches
Fit des lignes de feu ;
J’ai les épaules blanches,
Et mon corps est Dieu.
Qu’on vide l’escarcelle
Aux carolus brillants :
Que l’or fauve ruisselle
À flots sous mes pieds blancs.
Je suis la fille d’Ève
Et de Satan vainqueur :
Si beau que soit ton rêve,
Cherche-le dans mon cœur.
Je suis froide ou brûlante,
Tendre au doux nonchaloir
Tiède, éperdue, ardente,
Mon homme, à ton vouloir.
Vois, je vends tout : mes charmes,
Mon âme et mes yeux bleus ;
Bonheur, rires et larmes,
Et la Mort si tu veux.
Au son de la viole,
Je chante nuit et jour ;
Je suis la fille-folle,
La vendeuse d’amour.
Cherche ailleurs de tels charmes,
Prends tout, mon amoureux,
Plaisirs, baisers et larmes,
Et la Mort si tu veux.
Sanglant était mon rêve,
Le rêve de mon cœur :
Je suis la fille d’Ève
Et de Satan vainqueur.
inviata da Marco Valdo M.I. - 31/7/2018 - 12:49
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Ulenspiegel le Gueux – 76
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXXV
Dialogue Maïeutique
La Vendeuse d’Amour, vois-tu Lucien l’âne, mon ami, aurait aussi bien s’appeler la marchande d’amour. Quoique quand j’y repense, ce ne serait pas tout à fait la même chose et il y manquerait certaine allusion.
Que de mystère, Marco Valdo M.I. mon ami, dans ce que tu racontes. Si tu voulais m’expliquer ton explication, je finirais peut-être par comprendre et j’en serais fort content. Je n’aime pas toute cette ambiguïté ; c’est trop vague et ça me perturbe. Donc, pourquoi appelle-t-on cette personne une vendeuse d’amour ? Je suppose qu’elle ne vend pas des putti, de petits amours en plâtre. En quoi une telle vendeuse et une marchande d’amour se distinguent-elles ? Par exemple, je vois très bien ce que sont des marchands de sommeil et je sais faire la différence avec les marchands de sable. Et puis, à quelle allusion alludes-tu ?
Ainsi, Lucien l’âne mon ami, je te réponds. Elle et vendeuse d’amour, car en bonne et folle fille, elle vend de la tendresse, de l’émotion et de la sensation à qui lui demande et peut payer ce service.
Elle ne vend donc pas de l’amour ?, dit Lucien l’âne en clignant des yeux.
Bof, c’est métaphorique, répond Marco Valdo M.I. et de toute façon, qui sait ce qu’est l’amour ? C’est assez évanescent selon qui en parle et dans quelles circonstances. L’amour est un concept vague qui recouvre mille choses et aucune. C’est un animal difficilement saisissable. Pour en revenir à la question, la marchande d’amour fait à peu près la même chose que la vendeuse, mais elle le fait faire par ses vendeuses. En somme, la marchande d’amour tient le commerce, l’établissement et emploie du personnel. On pourrait faire la même distinction entre la marchande et la vendeuse de chaussures ou de vêtements ou de n’importe quoi.
Si j’ai compris, dit Lucien l’âne, toutes deux exercent le commerce de l’amour tarifié en maison. L’une est la maquerelle, l’autre une des hôtesses d’accueil, accessoirement confidente et masseuse légère. Soit ! Cependant, il manque toujours la réponse pour le plus intriguant quelle est cette allusive allusion à laquelle tu alludais tout à l’heure ?
Cesse s’il se peut s’il te plaît ces allitérations désastreuses qui sentent ces serpents qui sifflent sans cesse, Lucien l’âne mon ami. L’allusion en question a toue son importance, mais elle vaut également pour les deux catégories : vendeuse et patronne. Ce à quoi j’alludais donc, c’était au fait que ces dames ont la mauvaise habitude de vendre non seulement de l’amour, mais aussi de vendre les amoureux aux autorités. Cette honteuse pratique sera détaillée dans la chanson suivante qu’avec la meilleure volonté du monde, je ne pourrais te montrer puisqu’elle n’est pas encore conçue. Celle-ci – La Vendeuse d’Amour – est un cas très particulier et pour tout dire, jusqu’à présent unique, car il s’agit d’une chanson qui figure sous cette forme dans la Légende – sauf le premier quatrain, qu’il m’a bien fallu introduire. C’est une chanson que j’ai inventée en recollant tels quels des textes épars de De Coster. On aurait pu la nommer La Chanson de Gilline, qui est cette séductrice qui va tenter de tenter Till et qui l’emmènera avec Lamme dans le piège de L’Arc en Ciel.
Ho !, dit Lucien l’âne, moi je m’y perds un peu dans ton explication. Qu’est ce que cet arc en ciel ?
L’Arc en Ciel ?, répond Marco Valdo M.I., est la maison de tolérance, tenue par la Stevenine, mère maquerelle de son état et donneuse patentée auprès des gens du Duc. Mais nous n’en sommes pas encore là et pour garder la poésie de cette Vendeuse d’Amour, on oublie momentanément tout ce que je viens de te dire et on se laisse bercer par cette ballade qui semble une danse lascive et fascinante.
Oui, c’est une bonne idée, dit Lucien l’âne, car j’aime beaucoup la poésie et la danse lascive. Ensuite, il nous faut tisser le linceul de ce vieux monde libidineux, commercial, cupide, âpre, avide, traître, sournois et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane