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Le Duel

Marco Valdo M.I.
Langue: français



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Le Duel

Chanson française – Le Duel – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 53

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XIII)


Je ne saurais trop te conseiller, Lucien l’âne mon ami, de lire cette histoire où paraît une nouvelle fois ton confrère et cousin Jef, car sa tenue de combat te fera certainement rire beaucoup. Till pour les besoins de ce duel l’a harnaché de jupes empruntées à des folles filles et lui a mis des plumes sur le chanfrein. Comme tu pourras t’en apercevoir, Till est lui-même aussi bizarrement accoutré.

J’ai hâte de voir ça, dit Lucien l’âne en riant par avance. Ce n’est pas tous les jours que j’ai croisé un âne de combat aussi bien équipé. Que se passe-t-il au juste ?

Eh bien, dit Marco Valdo M.I., l’anecdote est celle-ci. Till a « emprunté » et vidé en quelques bonnes gorgées le flacon de brandevin – qui est une eau de vie de vin, en quelque sorte le père du brandy et du cognac ; pour l’Italien, ce serait une grappa, un Wallon dirait un petit remontant, un relève-bite ; bref, de la gnôle – d’un redoutable reître dénommé Riesencraft. Ce nom de Riesencraft est en soi une indication, puisque venu de l’allemand, il signifie « fort comme un bœuf ». Le colosse brutal se réveille au moment où Till remet le flacon à sa place et furieux, le géant provoque Till en duel. Ce denier accepte le combat sans sourciller, comme s’il s’agissait d’une invitation à déjeuner. Tel est le fondement de l’affaire.

C’est bien dans les manières d’Ulenspiegel de prendre ainsi les choses avec légèreté, dit Lucien l’âne, et c’est la façon la plus raisonnable, puisque de toute manière, il ne peut faire autrement. Mais enfin, il ne serait pas Ulenspiegel, en français, Espiègle, s’il n’agissait pas ainsi.

Justement, reprend Marco Valdo M.I., Till est audacieux et c’est un invétéré farceur et redoutable par son aptitude à l’ironie, à la dérision et à casser les codes. Till use de la moquerie comme d’une arme et comme on va le voir, ça fonctionne. Avec Till, contrairement à la rumeur, le ridicule tue. Pour les détails, il te faut voir la chanson. Donc, c’est bien par le ridicule que Till vaincra la force brute du militaire. Mais cette chanson est aussi une fable qui s’en prend au duel, aux duellistes convaincus, au militaire obtus et comme fable, elle a une portée générale qui déborde largement l’anecdote. En même temps, elle met en présence deux types de combattants : le mercenaire, militaire professionnel et le civil combattant, le partisan, le militaire de rencontre, le soldat d’occasion, qui se retrouve à faire la guerre par nécessité de défense. Comme tout le monde le sait, tant que La Guerre de Cent mille ans ne sera pas finie, il y aura des guerres (civiles ou militaires, franches ou sournoises, de toutes les sortes) et il y aura des gens qui devront se défendre à défaut de pouvoir fuir.

Oh, dit Lucien l’âne,

« Fuir, là-bas fuir. Je sens que les soldats sont ivres… »

Et c’est ce que j’ai toujours fait quand arrivaient les guerriers. Il faut dire que j’ai quatre pattes et que je sais trotter par les chemins les plus difficiles. Cependant, il arrive qu’il n’y a pas d’autre issue que de faire la guerre à la guerre quand elle vous coince. Et puis, en d’autres temps, il convient évidemment de combattre la guerre – c’est un combat de salubrité publique, mais peut-être faudrait-il s’inspirer un plus de la méthode de Till. Maintenant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde guerrier, brutal, ivre et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Là, le fleuve n’est pas piégé,
Hommes et chevaux passent à gué.
Après les canons et les chariots bâchés,
Viennent les lansquenets en dernier.

Riesencraft, homme maigre, hautain,
Cruel et gigantal reître avait déjà occis
Vingt-deux hommes de sa main,
Sans avoir combattu pour le pays.

Riesencraft embaume le brandevin
Et sommeille sur son destrier.
Till le déleste du flacon divin.
Soudain, le dormeur est réveillé.

Larron, qu’as-tu fait de mon brandevin ?
Je l’ai bu. Ici, le brandevin à tous appartient.
Le reître furieux dit : « Je te taillerai demain ! »
Et Till de répondre : « À demain matin ! »


On se battra à pied jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Till ajoute à mi-voix : et que je survive.
On choisit une petite bruyère
Pour le combat mortifère.

Riesencraft arrive sur son destrier,
tous deux harnachés et bardés de fer.
Till s’en vient sur Jef, son âne emplumé,
Bardé de lard, car le fer coûte trop cher.

Riesencraft est armé en guerre,
D’un estoc, d’une arbalète et de trente carreaux ;
Till arrive sans armes militaires,
Équipé d’un balai, d’un couteau de bois et d’un poireau.

On laisse les montures, le combat se fait à pied.
Riesencraft frappe d’estoc furieusement,
Till pare du balai en riant,
Till feinte, Till grimace, Till prend son pied.

Riesencraft jure par tous les diables.
Joyeux, guilleret, Till zigzague,
Court par la lande, tire la langue
Se défile, évite les coups, insaisissable.

Riesencraft souffle, crie, accélère.
Till soudain s’arrête dans la bruyère,
Se retourne et écrase son balai sur le nez .
Riesencraft tombe mort de sa rage noire, étouffé.

envoyé par Marco Valdo M.I. - 1/6/2018 - 22:20




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