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La Harde

Marco Valdo M.I.
Langue: français



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La Harde

Chanson française – La Harde – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 51

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, VII – XII)

La Harde


« Par la grâce de Till et du poil à gratter », j’aime beaucoup cette entrée en matière, dit Lucien l’âne en rigolant de plus belle. Je vois d’ici la procession se grattant les bras, les jambes, les dos, les bas du dos, les coyons et même, Pompilius, le malheureux bienheureux, le pauvre Saint Martin de chair et d’os, le vénéré intérimaire qui n’en pouvait mais tint bon jusqu’après la fin de la cérémonie publique. Pompilius, le pauvre sonneur de la paroisse, commis d’office au remplacement de la statue détruite par le bedeau, déguisé en saint pour la circonstance, était porté par quatre fort croyants (qui se grattaient à qui mieux mieux, manquant à tout moment de le faire choir) et nous pouvait révéler sa mission secrète sous peine des plus graves sanctions – on lui avait promis la cuisson à l’huile. Il tint bon, mais dès le lendemain, l’affaire, dévoilée par Till, fait scandale et entraîne les fidèles à la colère et les mène tout droit à l’hérésie. Dès lors, étant hérétiques, il ne leur reste qu’à prendre la route de l’exil et à rejoindre les réformés. Mais dis-moi, Marco Valdo M.I., la suite de l’histoire.

Oh, mais Lucien l’âne mon ami, je ne savais pas que tu savais si bien cette aventure de Pompilius, le sonneur d’Ypres. Quant à la suite de l’histoire, elle a un petit côté de méditation antique avec ce souvenir bucolique : « Till, au pied d’un hêtre, reposant… », transposant dans la Légende le « Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi », qui rend Virgile si familier aux élèves des classes de latin ou encore, d’une scène de la forêt de Sherwood, telle que l’imaginait l’Écossais Walter Scott, où Robin regarderait passer les cerfs.

Je vois bien tout ça, dit Lucien l’âne. J’imagine Robin des bois, se reposant au pied d’un hêtre et regardant passer les cerfs du sieur de Nottingham.

Cependant, Lucien l’âne mon ami à l’âme romantique, il est bon de se rappeler ce qu’ensuite, Mélibée dit à Tityre et donc, citons :

« Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi
Silvestrem tenui musam meditaris avena;
Nos patriae fines et dulcia linquimus arva.
Nos patriam fugimus; tu, Tityre, lentus in umbra
Formosam resonare doces Amaryllida silvas. »

et traduisons ainsi :

« Tityre, toi, couché sous le couvert d’un grand hêtre,
Tu composes un poème sylvestre avec ton pipeau ;
Nous, nous laissons notre patrie et notre douce campagne.
Nous nous fuyons la patrie ; toi, Tityre, peinard à l’ombre,
Tu enseignes aux forêts à célébrer la belle Amaryllis. »

Comme tu le vois, c’est tout à fait approprié à la circonstance, sauf qu’à l’instant, Till ne rêve pas à Nelle et ses pensées sont assez proches de celles de Mélibée. La méditation de Till est toute de guerre composée. Et même le passage de la harde de cerfs et de broquarts lui est prétexte à compatir au sort des gens de son pays.

En somme, dit Lucien l’âne, c’est une complainte et je l’écouterai volontiers, quand on la chantera. En attendant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde crédule, rigolard, méditant, chassant et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Par la grâce de Till et du poil à gratter,
À Ypres, la procession de Saint-Martin
Avait tourné en eau de boudin.
Les gens, devenus hérétiques, s’étaient exilés.

Till médite : « La guerre, toujours la guerre ;
L’Espagnol tue le pauvre peuple,
Pille les villes, viole les femmes et les filles.
La guerre se nourrit de la guerre.

Tout l’argent s’en va
Dans les caisses du Roi,
Notre sang coule à ruisseaux,
En rivières, en fleuves et en canaux.

Au profit de ce maroufle royal
Qui veut fleuronner sa renommée,
Fleurons glorieux, fleurons de sang, fleurons de fumée.
Les mouches s’en feront un régal.

Till, au pied d’un hêtre, reposant,
Voit passer une harde de cerfs :
Portant haut leurs bois, les vieux et grands
Et les broquarts, jeunes et fiers.

Ah !, je vous vois cerfs et broquarts joyeux,
Vous allez mangeant les jeunes pousses,
Flairant leurs parfums soyeux,
Courant, sautant à la va comme je te pousse.

Entre les fourrés, votre pas court
Et la vie s’en vient, la vie accourt
Jusqu’à ce que surgisse le malheur.
C’est aussi notre chasseur.

En septembre, le Taiseux passe le Rhin.
Les armées du Prince n’y font rien qui vaille,
Albe sans cesse refuse la bataille.
La guerre s’en va, la guerre s’en vient.

Et parmi les ruines, le sang et les larmes,
Till cherche à sauver la terre des pères
Et par les Pays toujours en alarme,
Les bourreaux détranchent et désespèrent.

Non loin de Liège, longeant la Meuse,
Le Taiseux cherche une passe audacieuse.
Le soldat Till manie l’arquebuse à rouet
Et ouvre ses pavillons et ses quinquets.

envoyé par Marco Valdo M.I. - 29/5/2018 - 17:14




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