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L’Île Saint Louis

Léo Ferré
Lingua: Francese


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[1948]

Texte et Musique :
Francis Claude– Léo Ferré (1948)


 L’Île Saint Louis


Voici une chanson éminemment poétique, dont on pourrait se demander ce qu'elle vient faire dans les Chansons contre la Guerre. On pourrait faire valoir que c'est une chanson d'émigration et d'une émigration ratée, puisqu'en finale, elle revient à son point de départ. Mais le principal argument n'est pas celui-là.

Quel est -il dès lors, dit Lucien l'âne un peu interloqué ?

Mais, ajoute Marco Valdo M.I., tout simplement celui qui veut que les meilleures chansons contre la guerre sont des chansons qui n'en parlent pas, ce sont des chansons de paix. Cependant, pour revenir à l'argument premier, c'est curieux, mais il me semble que le destin de pas mal des émigrés, réfugiés, personnes déplacées, fuyards contemporains est ou sera précisément celui-là de fuir un endroit avec dans la tête une « île au trésor » qui s'est noyée depuis longtemps… C'est un destin tout à fait tragique… Heureux encore quand on peut rentrer dans son pays de départ. Il reste la leçon de la chanson qui dit : le large ne vaut pas le port…

Je sais. Rien n'est plus épouvantable. Fuir, mais où ? Camus avait raison. Globalement, ce monde est absurde, plongé qu'il est irrémédiablement dans sa Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres et aux plus faibles pour asseoir leur domination, étendre leur pouvoir, renforcer leur exploitation et accroître leurs richesses. Et face à ça, seul l'être vivant (qui ne peut quand même pas attendre la fin de cette guerre absurde) en vivant sa vie, sa simple vie quotidienne de grain de sable sur une plage, parvient à lui donner un sens obstiné. Mais trêve de philosophie, écoutons la chanson et reprenant noter tâche, tissons le linceul de ce vieux monde absurde, suicidaire, dément et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
L’île Saint Louis en ayant marre
D’être à côté de la Cité,
Un jour a rompu ses amarres
Elle avait soif de liberté.
Avec ses joies, avec ses peines
Qui s’en allaient au fil de l’eau,
On la vit descendre la Seine.
Elle se prenait pour un bateau.

Quand on est une île,
On reste tranquille
Au cœur de la ville,
C’est ce que l'on dit
Mais un jour arrive,
On quitte la rive,
En douce, on s’esquive
Pour voir du pays.

De la Mer Noire à la Mer Rouge,
Des îles blanches aux îles d’or,
Vers l’horizon où rien ne bouge,
Point n’a trouvé l’île au trésor.
Mais tout au bout de son voyage,
Dans un endroit peu fréquenté,
On lui raconta le naufrage :
L’île au trésor s’était noyée.

Quand on est une île,
On vogue tranquille
Trop loin de la ville
Malgré ce qu’on dit,
Mais un jour arrive
Où, l’âme en dérive,
On songe à la rive
Du bon vieux Paris.

L’île Saint Louis a de la peine.
Du pôle Sud au pôle Nord,
L’océan ne vaut pas la Seine,
Le large ne vaut pas le port.
Si l’on a trop de vague à l’âme,
Mourir un peu n’est pas partir.
Quand on est île à Notre-Dame,
On prend le temps de réfléchir.

Quand on est une île,
On reste tranquille
Au cœur de la ville,
Moi je vous le dis.
Pour les îles sages,
Point de grands voyages,
Les livres d’images
Se font à Paris.

inviata da Marco Valdo M.I. - 12/11/2015 - 18:40




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