Langue   

Le Ramasseur d'Olives

Marco Valdo M.I.
Langue: français



Peut vous intéresser aussi...

All’ombra
(Trilussa)
L’interminable Victoire
(Marco Valdo M.I.)
Canzone de Lucien l'âne
(Lucien Lane)


Le Ramasseur d'Olives

Chanson française – Le Ramasseur d'Olives – Marco Valdo M.I. – 2014


Mon cher ami Lucien l'âne, il faut que je t'explique … Il te souviendra que l'autre jour en présentant une chanson de Rocco Scotellaro, U metetore, intitulée dans sa traduction française : LE MOISSONNEUR, j'avais évoqué un « cueilleur d'olives » et une chanson que j'entendais faire à son sujet... et bien le voici et pas seulement en chanson, comme tu vas le voir.

En chair et en os, alors ?, dit Lucien l'âne en levant les oreilles si noires, si noires...

Pas du tout... Je reprends seulement en introduction à cette chanson écrite hier, La Méridienne de la sorcière verte, qui est la traduction française du texte d'Ugo Dessy et j'y ai laissé l'introduction que j'y avais faite... Voilà tout ce que tu trouveras ci-après.

Cette chanson est la transposition d'une nouvelle de l'écrivain sarde Ugo Dessy, intitulée « Le Ramasseur d'Olives » (Il raccoglitore di olive), tirée du recueil « Le Témoin » (Il Testimone) pour lequel Ugo Dessy avait cru utile de préciser en avertissement aux lecteurs : « È appena il caso di avvertire che i personaggi di questo libro sono del tutto immaginari seppure fatti et situazioni riflettono la realtà sarda nel ventennio 1940 -1960 ». Traduction : Il est à peine nécessaire de préciser que les personnages de ce livre sont tout à fait imaginaires même si les faits et les situations reflètent la réalité sarde de la vingtaine 1940 – 1960.
Il paraît tout aussi inutile de préciser la réelle admiration que Marco Valdo M.I. porte à ce remarquable nouvelliste et tout aussi remarquable militant antimilitariste et anarchiste. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison que Fabrizio De André avait désigné Ugo Dessy comme son « maître d'idéal et de vie ».

La Méridienne de la sorcière verte

Il y a longtemps, dit l'âne au poil ébouriffé car il sortait de sa sieste méridienne, qu'il appelait par devers lui la méridienne de la sorcière verte, expression qui lui était venue d'un âne de cabaret anglais porté sur la verveine, la gauloise, la chartrreuse ou sur l'izarra, bref une de ces liqueurs vertes qu'il appelait sa sorcière verte, sa green witch. D'où quand il avait poussé un peu sur le pousse, la méridienne de green witch... Donc, il y a longtemps, dit Lucien l'âne, porté lui aussi sur la sorcière verte ou la fée verte, qui sont assez parentes, que tu m'as conté un de ces récits sardes ou d'ailleurs, s'il te plaît qu'il en soit ainsi.

Oui, tu as raison, mon bon ami Lucien et tout âne que tu es, tu as droit toi aussi à un petit récit pour aller dormir. Ou, vu ton état, te rendormir. D'ailleurs, je vais en choisir un qui correspond à ton état d'âne. Tu te souviens sans doute de mon ami Ugo Dessy, enfin, je dis mon ami, même si je ne l'ai jamais rencontré (ce qui est dommage, pour moi), que je ne lui ai jamais parlé et même, que je ne le connais que par les nouvelles qu'il a écrites et que j'ai traduites. Comme il n'est pas connu en langue française (ce qui est dommage, pour les gens de langue française) , je me permets de lui faire l'entrée (comme on dit chez nous), bref, de le présenter à tous mes amis et à mes lecteurs. Car, mon bon ami Lucien, Ugo Dessy est un de ces grands écrivains discrets.

Ah, ah, fit l'âne et quel sera le sujet du jour. Sera-ce amusant ou alors, terriblement triste ? Fera-t-on encore sauter un maire fasciste ou descendant de fasciste ? Ridiculisera-t-on, une fois encore, le bâtisseur d'empire, l'homme au menton levé et au regard fixe ? Ou l'un de ses descendants ?

Eh bien, tu peux rassurer les adorateurs du faisceau et les amis du licteur, il ne sera pas question d'eux et dès lors, il ne sera pas fait état de leur ridicule penchant pour l'héroïsme et l'orbace. Nous ne dirons rien non plus de bouche de fromage (in ingliche, chize, qui veut dire fromage et chize est utilisé par les photographes pour faire naître ce faux sourire photographique; dites chize pour qu'on voie vos dents), l'homme aux dents d'albâtre et au crâne replanté. Non, non, qu'on les rassure, ce sera une histoire toute simple, d'un homme tout simple, qui exerce tout simplement une activité toute simple. C'est aussi un homme courtois, un homme charmant et plein de prévenance. Quoique dans sa jeunesse, il ait malmené un certain Docteur Nicola, comme tu le verras dans le récit... et même dans la chanson.

Ah, oui, et de quoi s'agit-il ? Je serais très ravi d'en savoir plus. Que fait-il donc cet homme simple ?

Oh, c'est tout simple. Il l'explique bien lui-même. Lassé d'être grugé, trompé, roulé dans la farine par les patrons, il a fini par choisir un métier indépendant. C'est ce qu'il dit. Un métier qui lui convient et qu'il exerce avec zèle, dès que possible, car c'est un métier intermittent. Il s'est fait ramasseur d'olives. Évidemment, on ne peut pratiquer pareil métier que dans un pays où poussent les oliviers, mais on peut transposer aisément sous d'autres cieux. Tu verras. Et puis, allons à l'histoire elle-même et ne perdons plus de ce temps si précieux qui est la source de toute richesse. Ah, une dernière chose...

Oui, quoi ? Que se passe-t-il ?, dit l'âne en ouvrant grandement sa bouche et en sortant une langue grise et rose.

Une dernière chose. Tu sais que j'illustre mes articles de photos et qu'elles sont toutes de ma main ou de mon œil ou de l'appareil que j'utilise. Et je ne suis pas sûr d'avoir des oliviers... je viens d'en trouver, et tout un champ. Nous sommes sauvés.
 
Olives


Le ramasseur d'olives

"Quel métier je fais ?! ", me répond-t-il ironique, avec un fin sourire aux lèvres.
Il balance l'échine, étendu sur sa natte étendue dans la cour à l'ombre du mur; il allonge une main, il se caresse les doigts de pied.
"Vous voyez ? Regardez mes orteils comme ils s'articulent … les palourdes se pêchent avec les pieds."
"Alors, vous êtes pêcheur ?", dis-je.
"Et puis ? L'homme doit-il forcément avoir un métier ?", répond-t-il du tac au tac.
Il recommence à se balancer. "Jésus Christ n'avait pas de métier ! Et don Sebastiano, quel métier a-t-il ? Il dit : je suis cultivateur direct ! Mais il ne sait même pas de quel côté on tient la houe… Moi, si vous voulez le savoir, je ne suis pas de la race des patrons. Et je ne suis pas non plus de la race des serviteurs… Je suis un travailleur libre et indépendant."
À un demi-mètre de lui, il y a une fiasque. Il tend la main, la prend, la débouche avec les dents, me l'offre :
"Ça vous plairait une goutte ? Tenez !"
Il remarque mon indécision.
"Vous ne seriez pas dégoûté, vous ?", dit-il en essuyant le goulot de la fiasque avec la paume de sa main.
J'en accepte une gorgée. Ce qui lui permet de boire longuement en ayant observé les devoirs de l'hospitalité. Il claque la langue sur son palais; il se réinstalle béat avec un sourire plus franc :
" Qui sait qui vous a envoyé chez moi … et ce qu'on vous a raconté sur mon compte !"

Vittorio habite dans la "Corea". C'est un ramasseur d'olives dans la quarantaine. Pour l'état civil, il est célibataire, même s'il a une femme et plusieurs enfants. Dans la cour de sa maison, il y a un va et vient de gens étrangers. Lui n'en a absolument pas cure. Son unique préoccupation, somme toute, est de chasser, avec des gestes lents de la main, un nuage de mouches qui s'est fait excessivement impertinent.
"J'ai compris, qui vous êtes.", dit –il d'un air rusé, en clignant d'un œil. " Vous êtes journaliste et vous voulez savoir mes affaires."
Quelques femmes, sur la porte de la maison, donnent de la voix contre une multitude de gamins qui lancent des bâtons pointus et des pierres. Vittorio tourne son visage irrité et s'exclame, mais sans conviction : "Allez vous rompre l'os du cou autre part !". De fait, les enfants continuent leur jeu.
"Vous voulez que je vous raconte mon histoire ? … C'est à pleurer et à rire" dit-il; et ses yeux paraissent s'attrister. Il retend une main vers la fiasque; il me la présente.
"Non ? Mais vous savez que vous êtres vraiment délicat… bien, moi je bois, à votre santé !"
Il s'essuie les lèvres du dos de la main. Il caresse son rugueux front sombre avec les doigts, comme s'il voulait rassembler des pensées secrètes et lointaines. L'expression de son visage est changée : son regard s'est fait intense, tandis qu'il fixe sans regarder un point à ses pieds.
"Mon père – Dieu ait son âme, quand j'étais encore enfant, me répétait toujours : Souviens-toi que le monde est plein de canailles. Si tu veux manger, n'attends jamais ton pain des autres, même de ceux qui en ont tant qu'ils le jettent aux chiens. Et méfie-toi spécialement des prêtres et de ceux qui portent l'uniforme, car à la place du cœur, ils ont des grades… Mon père, revenu décoré de la Brigade Sassari1, ils l'avaient tenu un an en prison, avec trois cents autres, car il était sorti crier sur la place publique le venin qu'il avait dans le corps. C'était encore un homme jeune quand il est mort… Une bombe lui a explosé dans les mains, en pêchant… Moi, j'ai fait tous les métiers; celui qui voulait de moi, me prenait; celui qui ne voulait pas, me laissait. J'ai mené paître les brebis et les porcs; j'ai pioché; j'ai ramé; j'ai balayé; j'ai lancé des bombes dans le golfe; je suis allé cueillir les palourdes et les oursins de mer et les escargots…"

"Comment ? Si je suis allé à l'école ? … Non. Cela ne me plaisait pas. J'y suis allé quelques fois. Le maître me voyait d'un mauvais œil. A peine j'entrais, un coup de baguette, pour une raison ou pour une autre. Cela me plaisait de lire, ça oui ; mais quand il y avait beaucoup d'images. A présent, cela ne me dit plus rien … Quand je veux lire, je lis la fiasque!" Il rit de sa sortie spirituelle et par association d'idées, il allonge encore la main. Il fait seulement le geste de me passer la fiasque, il n'attend même plus ma dénégation; il boit, en fermant les yeux pour mieux en sentir le goût.

"Quand j'étais jeune", reprend-t-il, "il y avait le docteur Nicola, chef de la milice fasciste, qui me cassait les couilles chaque saint samedi soir pour la préliminaire2. Un beau jour, je me suis révolté, je lui ai dit en public, face aux gens, où il devait aller, lui, et Mussolini, le roi et tous les autres de cette race; ensuite, je l'ai laissé à terre comme mort. Ils m'ont retenu à la caserne pendant de nombreux jours, puis ils m'ont relâché. Ils ont répandu partout le mot que j'étais fou…"

Un gamin de trois ou quatre ans, couvert d'une simple chemisette qui lui arrive au nombril, s'est entretemps approché en douce de sa natte, il s'est accroupi pour faire un besoin, il est resté ensuite avec son visage incliné entre les genoux pour regarder par dessous, en grattant avec un bâton.
"Tu ne peux pas aller un peu plus loin pour crever !", le réprimande Vittorio. Le gamin s'éloigne en pleurnichant. Un chien qui se tenait tout à l'heure immobile pelotonné dans un angle ombragé de la cour, s'approche, nettoie tout sans même souffler, retourne dans son coin, et reprend sa sieste.

" Depuis cette fois-là", reprend-t-il après l'interruption, " plus personne ne m'a donné de travail; même après que Mussolini ait été pendu au crochet de la boucherie de cette ville … comment elle s'appelle… si, de Milan. Mais moi, la vie, j'ai appris à la prendre comme elle vient, sans me faire du mauvais sang, comme font beaucoup. Je l'ai compris trop tard ! C'est pour ça que j'ai eu une mer d'ennuis ! Et, il en naît à nouveau !"

Il se laisse emporter par son inspiration : "Chacun est ce qu'il est. Ne vous semble-t-il pas ? Je suis moi et vous êtes vous. Ici, c'est la terre et là, c'est l'eau. Chaque chose a sa place. Vous, par exemple, vous êtes un de ceux qui écrivent dans les journaux. Je l'ai compris immédiatement car j'ai vu que vous faisiez des photographies des pauvres et des maisons les plus décrépies du village. Pour qui le faites-vous ? Pour personne, pour vous-même. Chacun pour soi. Certes, ainsi, le monde est mal fait… Mais qui le change ? Si les hommes sont tous aussi mal faits ? Il y aurait une façon de changer le monde : porter toutes les têtes à la fonderie de Sangevino, les fondre et les refaire à neuf. Ou ça ou rien. C'est pour ça que nous sommes ce que nous sommes, sans se faire du mauvais sang : je suis moi et vous êtes vous ."

Sa philosophie fut interrompue par une petite fille ébouriffée venue lui demander des sous. Il s'en débarrassa avec dix lires et une tape affectueuse sur le derrière.

"Alors vous voulez savoir si je suis un voleur professionnel ? … Non. Je suis un ramasseur d'olives. Je travaille sans salaire, car le propriétaire ne m'emploie pas et ne me paye pas. Je travaille également pour son compte : je vais ramasser les olives sur son terrain. Ce que je ramasse, je le prends pour moi; ce qui reste sur l'arbre est sa part, au propriétaire. En somme, une espèce de métayage…"
Il sourit avec malice. Je dois avoir fait un visage scandalisé, car il répète :
"Je travaille à ramasser les olives et je me paye moi-même, en conscience. C'est juste, non ? C'est régulier ?".
Il éclate d'un rire enfantin.
"Ne croyez pas, savez-vous, que ce soit un travail qui rende beaucoup : on en vit. Par chance, quand finissent les olives viennent les artichauts."

Devenu subitement méfiant, il me regarde comme s'il voulait lire dans ma pensée; mais il se rassérénère d'un coup : "Ces choses je vous les dis à vous car vous m'êtes sympathique… de toute façon, moi, je n'ai rien dit ! Mais maintenant, buvez une autre gorgée, car la fiasque est presque vide !"
Cette fois, il insiste aussi longtemps que je n'ai pas bu. Il la reprend et la vide. "Finie", dit-il en la posant.

"Comment ? S'il m'est jamais arrivé quelqu'incident déplaisant ? Jamais ! Mon travail, voyez-vous, est un travail sérieux et délicat. Ce n'est pas tout le monde qui peut le faire. Nombreux l'ont essayé, mais ensuite ils ont dû changer de métier… Ils veulent des "biscotti quadrati", voilà ce qu'ils veulent !" Il soupire d'aise.
"Si vous voulez, je vous explique aussi comment on travaille… Il n'y a pas beaucoup de matériel : un sac, un drap et une grosse canne. Très simple : on étend le drap juste sous l'arbre; on frappe avec la canne; on ramasse les quatre coins du drap; on verse les olives dans le sac … Évidemment il faut de bonnes oreilles et de bons yeux et il faut connaître la campagne centimètre par centimètre. "
Il m'observe, en m'étudiant attentivement de la tête aux pieds. " Vous ne convenez pas !", conclut-il après son examen. "Autrement, une nuit, je vous aurais emmené avec moi, pour vous faire voir."

Je le remercie de sa courtoisie.

En sortant, sa voix me rejoint dans le passage : "Faites-moi connaître votre adresse; je voudrais vous envoyer quelques olives chez vous. Je suis très content d'avoir parlé avec vous !"

1 Brigata Sassari : brigade sarde constituée en 1916, elle fut engagée dans les batailles du Carso, où sa résistance fut particulièrement acharnée. Elle subit d'énormes pertes en vies humaines. Elle fut maintenue après la guerre et reconstituée lors du conflit de 39-45.
2 La "préliminaire" : sous le régime fasciste, préparation militaire des jeunes.
Les palourdes se pêchent avec les pieds
Mon métier ? Mon métier ?
Faut-il avoir un métier ?
Le propriétaire des terres se dit cultivateur...
Moi, je ne suis pas de la race des patrons
Ni de celle des serviteurs
Je vis libre et sans profession

Fait chaud, buvez un coup
Buvez à ma fiasque, faut pas vous gêner
Vous êtes vraiment délicat, juste un coup
N'hésitez pas, moi, je bois à votre santé !
Mon père disait jusqu'à tant qu'il s'en aille
Le monde est plein de canailles
Buvez à ma fiasque, faut pas vous gêner !

Si tu veux manger, mon enfant
N'attends pas ton pain des autres
Surtout de ceux qui en ont tant
Qu'ils le jettent aux chiens des autres.
Méfie-toi spécialement des prêtres
Et des porteurs d'uniforme
À la place du cœur, ils ont des croix et des grades.

Moi, c'était plutôt l’école qui ne m'aimait pas
Quand j'étais jeune, il y avait le docteur Nicola
Le chef de la milice, il voulait faire de moi un soldat
Je lui ai dit où aller : lui, Mussolini et le roi
Je l'ai laissé à terre comme mort
Il n'y avait plus de Docteur Nicola
Et je suis parti sans remords.

On m'a jugé fou ; c'était mon seul tort.
Et depuis lors, Monsieur, depuis lors,
Même après qu'on ait saigné le gros porc
À la ville, il n'y avait plus de travail pour moi
Comprenez-vous, ils m'ont mis dehors
De leur monde qui ne va pas
Faut le refaire le monde et de haut en bas.

Pour vivre, je suis venu ici
J'ai fait mille métiers
J'ai fait paître les cochons et les brebis
J'ai pioché, j'ai ramé, j'ai balayé
Un métier ? Un métier ?
C'est quoi un métier ?
Les palourdes se pêchent avec les pieds.

Je suis ramasseur d'olives
Un métier pas bien compliqué
Un sac, un drap et une canne
Avec la canne, on frappe l'olivier
Les olives tombent sur le drap
On met les olives dans le sac et on s'en va.
Faut juste regarder où on met les pieds !

Fait chaud, buvez un coup
Buvez à ma fiasque, faut pas vous gêner
Vous êtes vraiment délicat, juste un coup
N'hésitez pas, moi, je bois à votre santé !
Faut-il avoir un métier ?
Venez une nuit, je vous montrerai...
Les palourdes se pêchent avec les pieds.

envoyé par Marco Valdo M.I. - 3/6/2014 - 19:20




Page principale CCG

indiquer les éventuelles erreurs dans les textes ou dans les commentaires antiwarsongs@gmail.com




hosted by inventati.org