Passez entre les fleurs et regardez
Au bout du pré c’est le charnier.
Pas plus de cent, mais bien en tas,
Ventre d’insecte un peu géant
Avec des pieds à travers tout.
Le sexe est dit par les souliers,
Les regards ont coulé sans doute.
—Eux aussi
Préféraient des fleurs.
À l’un des bords du charnier,
Légèrement en l’air et hardie,
Une jambe —de femme
Bien sûr —
Une jambe jeune
Avec un bas noir
Et une cuisse,
Une vraie,
Jeune —et rien,
Rien.
Le linge n’est pas
Ce qui pourrit le plus vite.
On en voit par là,
Durci de matières.
Il donne apparence
De chairs à cacher qui tiendraient encore.
Combien ont su pourquoi,
Combien sont morts sachant,
Combien n’ont pas su quoi ?
Ceux qui auront pleuré,
Leurs yeux sont tout pareils,
C’est des trous dans des os
Ou c’est du plomb qui fond.
Ils ont dit oui
À la pourriture.
Ils ont accepté,
Ils nous ont quittés.
Nous n’avons rien à voir
Avec leur pourriture.
On va, autant qu’on peut,
Les séparer,
Mettre chacun d’eux
Dans un trou à lui,
Parce qu’ensemble
Ils font trop de silence contre le bruit.
Si ce n’était pas impossible,
Absolument,
On dirait une femme
Comblée par l’amour
Et qui va dormir.
Quand la bouche est ouverte
Ou bien ce qui en reste,
C’est qu’ils ont dû chanter,
Qu’ils ont crié victoire,
Ou c’est le maxillaire
Qui leur tombait de peur.
—Peut-être par hasard
Et la terre est entrée.
Il y a des endroits où l’on ne sait plus
Si c’est la terre glaise ou si c’est la chair.
Et l’on est peureux que la terre, partout,
Soit pareille et colle.
Encore s’ils devenaient aussitôt
Des squelettes,
Aussi nets et durs
Que de vrais squelettes
Et pas cette masse
Avec la boue.
Lequel de nous voudrait
Se coucher parmi eux
Une heure, une heure ou deux,
Simplement pour l’hommage.
Où est la plaie
Qui fait réponse ?
Où est la plaie
Des corps vivants ?
Où est la plaie —
Pour qu’on la voie,
Qu’on la guérisse.
Ici
Ne repose pas,
Ici ou là, jamais
Ne reposera
Ce qui reste,
Ce qui restera
De ces corps-là.
Au bout du pré c’est le charnier.
Pas plus de cent, mais bien en tas,
Ventre d’insecte un peu géant
Avec des pieds à travers tout.
Le sexe est dit par les souliers,
Les regards ont coulé sans doute.
—Eux aussi
Préféraient des fleurs.
À l’un des bords du charnier,
Légèrement en l’air et hardie,
Une jambe —de femme
Bien sûr —
Une jambe jeune
Avec un bas noir
Et une cuisse,
Une vraie,
Jeune —et rien,
Rien.
Le linge n’est pas
Ce qui pourrit le plus vite.
On en voit par là,
Durci de matières.
Il donne apparence
De chairs à cacher qui tiendraient encore.
Combien ont su pourquoi,
Combien sont morts sachant,
Combien n’ont pas su quoi ?
Ceux qui auront pleuré,
Leurs yeux sont tout pareils,
C’est des trous dans des os
Ou c’est du plomb qui fond.
Ils ont dit oui
À la pourriture.
Ils ont accepté,
Ils nous ont quittés.
Nous n’avons rien à voir
Avec leur pourriture.
On va, autant qu’on peut,
Les séparer,
Mettre chacun d’eux
Dans un trou à lui,
Parce qu’ensemble
Ils font trop de silence contre le bruit.
Si ce n’était pas impossible,
Absolument,
On dirait une femme
Comblée par l’amour
Et qui va dormir.
Quand la bouche est ouverte
Ou bien ce qui en reste,
C’est qu’ils ont dû chanter,
Qu’ils ont crié victoire,
Ou c’est le maxillaire
Qui leur tombait de peur.
—Peut-être par hasard
Et la terre est entrée.
Il y a des endroits où l’on ne sait plus
Si c’est la terre glaise ou si c’est la chair.
Et l’on est peureux que la terre, partout,
Soit pareille et colle.
Encore s’ils devenaient aussitôt
Des squelettes,
Aussi nets et durs
Que de vrais squelettes
Et pas cette masse
Avec la boue.
Lequel de nous voudrait
Se coucher parmi eux
Une heure, une heure ou deux,
Simplement pour l’hommage.
Où est la plaie
Qui fait réponse ?
Où est la plaie
Des corps vivants ?
Où est la plaie —
Pour qu’on la voie,
Qu’on la guérisse.
Ici
Ne repose pas,
Ici ou là, jamais
Ne reposera
Ce qui reste,
Ce qui restera
De ces corps-là.
Contributed by Bernart - 2013/6/19 - 10:07
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Versi del poeta francese Eugène Guillevic (che qui si firmava con lo pseudonimo di “Serpières”), cattolico praticante ma poi divenuto militante comunista grazie soprattutto all’amicizia con Paul Éluard.
Questa poesia non faceva parte della raccolta intitolata “L’Honneur des poètes”, curata da Pierre Seghers, Jean Lescure e da Paul Éluard, pubblicata clandestinamente nel 1943,
ma nel 1965 fu inclusa nell’omonimo disco di letture poetiche accompagnate dalle musiche originali del pianista e compositore francese Jean Wiener (1896-1982)
Guillevic scrisse “Les charniers” nel 1945, dopo aver visto le foto di un’esecuzione di massa perpetrata dai nazisti pubblicate su France-Soir. La poesia chiude anche la sua raccolta intitolata “Exécutoire” pubblicata nel 1947