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On n'a pas tous les jours vingt ans

Berthe Sylva
Langue: français


Berthe Sylva

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On n'a pas tous les jours vingt ans

BERTHE SYLVA – 1934 (Interprète historique et inoubliable)
Chanson française – On n'a pas tous les jours vingt ans – Charles-Ferdinand Pothier – 1934
Paroles: Charles-Ferdinand Pothier, musique: Léon Raiter, 1934.

couturieres bangladesh.Je te disais l'autre fois, Lucien l'âne mon ami, combien cette chanson m'avait rebattu les oreilles. Je te disais aussi combien elle était aimée de nos aïeules.

Certes, mais tu avouais aussi que cette chanson si populaire, si appréciée par celles qui en sont les protagonistes... celles que tu appelles les aïeules, avait tranquillement sa place dans les Chansons contre la Guerre et c'est d'ailleurs pour ça que tu avais promis de l'y insérer. Tu promettais aussi de t'expliquer. Alors, fais-le, je t'en prie.

Bien qu'écrite par un homme, Charles-Ferdinand Pothier et mise en musique par un autre, Léon Raiter, cette chanson relate un moment de la vie d'un atelier de femmes, d'un groupe de petites ouvrières (petites... car il s'agit de couturières et que ces ouvrières débutent dans le métier sous le nom de petites mains) ; c'est assez rare pour qu'on le note et qu'on l'examine.

Oh, oublierais-tu nos sœurs les tisserandes et leur complainte... dont si je me souviens bien, tu serais un des auteurs. Complainte des tisserandes.

Lucien l'âne mon ami, je n'oublie rien du tout et c'est d'ailleurs en me ressouvenant de ces tisserandes moyenâgeuses que j'ai soudain considéré différemment cette chanson. Comme bien tu l'imagines, la vie de ces ouvrières d'atelier n'est pas des plus agréables ; elle est même assez dure et un dernier épisode vient de se dérouler au Bangladesh, à Dacca où plusieurs centaines (on parle d'un millier ou plus) de femmes moururent dans l'effondrement de l'immeuble où on les tenait à travailler avec des horaires impossibles, des conditions exténuantes et des salaires de misère Grève de femmes au Bangladesh. La guerre entre elles et les patrons est une guerre terrible et les patrons terrorisent leurs ouvrières... Quant aux « vingt ans », à cet âge-là, dans ces métiers-là, il y a bien longtemps déjà qu'on est usée... Parfois, un moment suspendu intervient et une trêve se fait qui est la bienvenue. Du moins, c'est ce que raconte la chanson. Est-elle possible une pareille trêve ou n'est-elle que l'expression d'un rêve, d'une sorte de rêverie que peut avoir celle ou celui qu'on enferme dans une prison ou dans ces travaux forcés ? Je ne sais trop... Je pencherais pour un moment d'illusion. Mais enfin, elle fait chaud au cœur et j'en tiens pour preuve que cette chanson surgit immanquablement à la fin de ces fêtes familiales ou amicales d'anniversaire au moment où la nostalgie reprend le dessus. Souvent, elle est accompagnée ou suivie du Temps des Cerises Le temps des cerises...

Quel monde tout de même dans lequel on est contraint de vivre... Quelle indignité à traiter ainsi les femmes comme des bêtes de somme... Les sœurs des Canuts connaissent encore aujourd'hui un destin épouvantable. Alors, Marco Valdo M.I. mon ami, reprenons la tâche que nous nous sommes donnée et tissons le linceul de ce vieux monde assassin, exploiteur, prometteur de beaux jours, mortifère et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
L'atelier de couture est en fête,
On oublie l'ouvrage un instant,
Car c'est aujourd'hui que Marinette
Vient juste d'avoir ses vingt ans.
Trottins, petites mains et premières
Ont tous apporté des gâteaux
Et Marinette, offrant le porto,
Dit, joyeuse, en levant son verre
On n'a pas tous les jours vingt ans,
Ça nous arrive une fois seulement.
Ce jour-là passe hélas trop vite !
C'est pourquoi faut qu'on en profite.
Si le patron nous fait les gros yeux,
On dira :"Faut bien rire un peu !
Tant pis si vous n'êtes pas content,
On n'a pas tous les jours vingt ans"

Le patron donne congé à ces petites
Et comme le printemps leur sourit,
À la campagne, elles vont tout de suite
Chercher un beau petit coin fleuri.
Dans une auberge, en pleine verdure,
Elles déjeunent sur le bord de l'eau
Puis valsent au son d'un phono
En chantant pour marquer la mesure

On n'a pas tous les jours vingt ans,
Ça nous arrive une fois seulement.
C'est jour le plus beau de la vie,
Alors on peut bien faire des folies.
L'occasion, il faut la saisir
Payons-nous un petit peu de plaisir,
Nous n'en ferons pas toujours autant,
On n'a pas tous les jours vingt ans !

Tous les amoureux de ces demoiselles
Sont venus le soir à leur tour,
Et l'on entend sous les tonnelles
Chanter quelques duos d'amour !
Passant par là... prêtant l'oreille,
Un bon vieux s'arrête en chemin...
À sa femme, lui prenant la main,
Lui dit : "Souviens-toi ma bonne vieille.."

On n'a pas tous les jours vingt ans,
Ça nous arrive une fois seulement,
Et quand vient l'heure de la vieillesse,
On apprécie mieux la jeunesse.
De ce beau temps si vite passé
On ne profite jamais assez...
Et plus tard, on dit tristement :
"On n'a pas tous les jours vingt ans !"

envoyé par Marco Valdo M.I. - 26/5/2013 - 18:34




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