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J'ai peur ! J'ai peur !

Marco Valdo M.I.
Lingua: Francese



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J'ai peur ! J'ai peur !

Canzone française – J'ai peur ! J'ai peur ! – Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires d'Allemagne 90
An de Grass 91

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.

Porte de Brandebourg 1991


J'ai peur ! J'ai peur !, quel titre terrifiant, dit Lucien l'âne, en frissonnant comme un saule par un vent de printemps. La peur, je connais ça. Ce n'est pas une chose facile à admettre, mais je la connais bien cette mégère. Et vraiment on se sent mal, on a chaud, on a froid, on tremble, on transpire, on ferme les yeux, on regarde partout... Moi, j’aplatis mes oreilles, je rentre la queue entre mes jambes, je me fais tout petit, je respire à petits coups pour ne pas faire de bruit, je me tiens coi, je me fais du cinéma... La peur, la peur, je connais ça... Mais dans ta canzone qui donc a peur, si peur et le dit aussi crûment...

Oh, Lucien l'âne mon ami, ils sont nombreux à le dire, des milliers et des milliers et ils ne font pas que le dire, ils le crient, ils le hurlent. Ils se rassemblent, marchent dans les rues et ils crient « J'ai peur ! J'ai peur ! ». Ils ont quitté l'école, ils n'ont rien dit à leurs parents, ils se sont rassemblés et ils vont de par les places et les rues et ils crient leur peur. C'est un phénomène inédit et étonnant... Une sorte de révolte des enfants face à la guerre qu'ils regardent ou qu'ils voient incidemment à la télévision.

Un phénomène étrange, assurément. Moi qui ai connu tant de guerres, tant de gens, moi qui ai vu tant d'enfants... Je n'ai jamais vu pareilles processions. J'ai bien sûr vu des milliers de manifestations, j'ai vu les croisades, j'ai vu massacrer les gens de Béziers et les Albigeois, j'ai vu passer les armées de la Révolution et celles de Napoléon (Souvenirs napoléoniens), j'ai vu les légions romaines dans le désert, je les ai vues qui traversaient la Gaule, j'ai vu arriver les Huns, débarquer les Normands, je me souviens d'Alexandre caracolant sur Bucéphale et de Spartacus emmenant les esclaves libertaires à la campagne contre la grande Rome et j'ai vu plusieurs fois massacrer la population de Jérusalem, j'ai vu la Parizer Platz le 30 janvier 1933 quand passaient cent mille hurleurs habillés de brun, illuminés par leurs flambeaux (Le Maître et Martha), j'ai accompagné les réfugiés de la République espagnole à travers les Pyrénées et les troupes d'Hannibal au travers des Alpes, j'ai vu François Ier et son armée marchant sur Pavie, j'ai vu, j'ai vu, j'ai tant vu et pourtant, je n'ai jamais vu, ni même ouï dire de telles manifestations d'enfants. Mais ce me semble, je le dis sans détour, un sorte de miracle, même si à première vue, elles ne purent rien empêcher.

Lucien l'âne, mon ami, tu parles d'or... Je crois bien d'ailleurs te l'avoir déjà dit en d'autres occasions. Mais qu'importe ! Tu parles d'or et converser avec toi est toujours un moment d'intense plaisir. Comment dire ? On se sent devenir intelligent et c'est une sensation très agréable. Pour le coup, tu dis juste : il s'agit d'une sorte de miracle... Je dirais plutôt de sortilège magnifique. Et ta nuance me charme... Car, en effet, il s'agit là d'un événement extraordinaire, d'un moment magnifique et dont il n'y a pas de traces antérieures dans l'histoire... Du moins, nous n'en connaissons pas. Et tu as raison aussi quand tu dis que ces marches d'enfants et leurs cris ne purent rien empêcher ni les bombardements, ni les gaz, ni les bombes au phosphore, ni tout simplement la guerre et toutes ses affrosités. Mais ce qui me ravit particulièrement, car c'est cela qui – à mon sens – compte le plus, c'est ce « même si à première vue »... C'est là que commence la réflexion. Qu'en est-il donc d'une deuxième, d'une troisième vue et ainsi de suite... ? Pour la deuxième, on peut augurer que les enfants ou les jeunes filles, les jeunes gens qui participaient à ces cortèges et portaient ces bougies en criant « J'ai peur ! » – surtout, en osant transgresser le tabou de l'aveu de la peur, n'oublieront jamais ce moment. Jamais, ils n'oublieront qu'ils ont renversé le sacré, qu'ils ont bousculé la figure tutélaire du guerrier sans peur, l'aura du chef impavide auquel il faut s'assimiler. Mais poursuivons encore un instant... La troisième vue, c'est ce qui en résultera à plus long terme... Que sera-t-il transmis au travers des ces cris à l’humaine nation, que sera-t-il changé dans la perception du monde, dans la composition du monde ? C'est infinitésimal... Le grain de sable, la vague, une génération humaine aussi... sont infinitésimaux... Et même si la Guerre dure Cent Mille Ans, chaque instant, chaque geste compte, chaque cri, chaque pensée... C'est ce qui fait la complexité et la complication de la réflexion sur la guerre et les moyens de s'en débarrasser, qui est tout de même la question centrale des Chansons contre la Guerre. Saluons donc ces enfants...

Salut, salut à vous, braves enfants de Germanie... (Gloire au Dix-septième), entame d'une voix envoûtante, Lucien l'âne en levant le front et les oreilles, tout à la fois. Comme tu l'entends, je suis plein d’enthousiasme et je te rappelle à notre quotidien devoir – lui aussi infinitésimal – qui est de tisser le linceul de ce vieux monde belliqueux, terrifique, mortifère, pétrolifère, gâteux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Bon voilà autre chose maintenant
Ce ne sont plus que cortèges et manifs d'enfants
Gosses défilant dans les rues avec des bougies
Avec leurs baskets et leurs jolis vêtements
Sur les places, des milliers de gosses crient
Pas des mots d'ordre, pas des slogans
Ils crient qu'ils ont peur
Juste : « J'ai peur ! J'ai peur ! »
Ils ont vu la guerre à la télé
En direct, chez papa, chez maman
Sans y avoir été vraiment préparés
Comme dans leurs jeux sur écran
En somme, la cathodique vérité
Du vrai bombardement
Vu du ciel, comme s'ils étaient dans l'avion
Comme s'ils étaient dedans
Et en bas, des gens, des maisons
Des morts, des incendies, des illuminations


Dans les rues des milliers de gosses crient
Pas des mots d'ordre, pas des slogans
Ils crient qu'ils ont peur
Juste : « J'ai peur ! J'ai peur ! »


Quand ça flambe, le pétrole, ça flambe
Dans la même région, tu sais, c'est le Golfe
Là, ilk y a du pétrole et du sable
Il y avait eu une guerre juste avant
Elle avait duré huit ans
Plus d'un million de morts, y compris les enfants
Mais c'était entre eux, là-bas entre ces gens
Même si les enjeux étaient grands
Et pèsent toujours maintenant
Ça n'avait pas fait bouger les enfants
D'Hanovre, de Hambourg, de Berlin
De Rostock, de Stuttgart, de Munich, de Schwerin.
Ils marchent, par milliers, en se taisant
Puis, soudain, ils crient : « J'ai peur, j'ai peur »
Et ça, c'est nouveau, ce « J’ai peur ! J'ai peur ! »
Jamais, on n'aurait dit ça, nous, de notre temps.
Oui mais, le pétrole ? La guerre ?
Ne t'inquiète pas... Il y en aura toujours sur la Terre.

Dans les rues des milliers de gosses crient
Pas des mots d'ordre, pas des slogans
Ils crient qu'ils ont peur
Juste : « J'ai peur ! J'ai peur ! »

inviata da Marco Valdo M.I. - 2/4/2013 - 22:31




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