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L'Air de la Bêtise

Jacques Brel
Langue: français


Jacques Brel

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[1957]
Parole e musica di Jacques Brel
Nell'album intitolato Quand on n'a que l'amour

Quand on n'a que l'amour
(B.B.)

C'est quand même énorme cette phrase que l'on retrouve partout sur Google à propos de cette chanson de Jacques Brel. Je cite : « Extrait du célèbre opéra "La vie quotidienne". Voici l’air fameux z-entre tous : L´air de la bêtise » .... On ne pourrait dire chose plus bête précisément... Car, même si je n'ai pas une culture musicale encyclopédique, il me semblait – comme ça, à première vue – qu'il n'y a jamais eu d'opéra intitulé « La Vie quotidienne »... et j'admets immédiatement que je puis avoir des lacunes et de grandes, surtout en ce qui concerne l'opéra. J'avais bien en tête « La Vie parisienne » , de ce musicien français, né à Cologne, le dénommé Jacques Offenbach, par ailleurs si décrié par Wagner et les nazis. C'est tout dire. Il suffit d'aller lire la défense d'Offenbach dans les années de croissance du nazisme, les années autour de 1930, dans la Troisième Nuit de Walpurgis de Karl Kraus. Lequel Kraus étant Viennois avait quelques connaissances musicales et en tous cas, bien plus étendues que les miennes. Dans le fond, un opéra-bouffe sur l'idée de « La Vie quotidienne » cela ne me semblait pas impossible et pourquoi pas, un opéra de Jacques Offenbach. Et que Brel ait aimé Offenbach, la chose ne me paraissait pas impossible non plus... Il suffit de se souvenir un peu des remparts de Varsovie et de ce définitif : « Madame promène son cul sur les remparts de Varsovie... Tandis que moi, tous les soirs, je suis danseuse légère à l'Alcazar... ». Au fait, est-elle dans les CCG, cette chanson-là ? Sinon, il faudrait bien l'y mettre...

Oui, je vois très bien Brel agréer Offenbach dans son Panthéon et n'était l'anachronisme, Offenbach faire pareil, dit Lucien l'âne mélomane. (Quel méli-melomâne ! ). Mais qu'en est-il du célèbre opéra, alors ?

Jusqu'ici, on n'en sait rien. Mais quand même, un « célèbre opéra », ça doit bien se trouver via Google ou Wiki quelque chose... Et là, consternation ! Rien. Rien de rien... Sauf cette mention à répétition. Mais quelle est l'andouille qui a bien pu décréter l'existence de cet opéra fantôme ? Pour la recherche, il y a deux conditions irréfragables : il faut trouver un opéra et son titre est « La Vie quotidienne ».... Pour cela, il suffit de taper : « opéra célèbre vie quotidienne ». Rien d’autre n'apparaît que cet Air de la Bêtise de Jacques Brel.

Mais tout ça a l'air d'une blague... J'ai l'impression que tu me mènes en bateau... Qu'il y a là comme un mystère, qui n'en est pas un..., dit Lucien l'âne en souriant de ses larges dents.

Et bien, je peux te le dire maintenant, voici la clé du mystère : en trois temps – l'andouille en question est Brel lui-même, qui – dans une déclaration grandiloquente et d'une ironie féroce – authentifie ainsi cet Air de la Bêtise, qu'il a construit en parodie – et tu sais combien j'aime les parodies et celle-ci est majuscule – de l'Air de la Calomnie, qui, lui, vient bien du plus célèbre des opéras bouffes de Gioachino Rossini lui-même : Il Barbiere di Siviglia. Parodie musicale à la mesure de ce qu'il parodiait, c'est-à-dire – je te le rappelle – en usant de la technique de la parodie, qui entend reprendre un air connu et célèbre (généralement) pour lui appliquer un autre texte. Le titre lui-même invite à Rossini... et renvoie à Beaumarchais : « Bazile : La calomnie, Monsieur ? Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens prêts d’en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien : et nous avons ici des gens d’une adresse ! ... D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable ; puis tout à coup, on ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil ; elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ?  ». Et la voilà la filiation voulue par Brel pour son « célèbre opéra » (fantôme)... Il est des filiations artistiques plus déshonorantes... Hommage donc de Brel au marquis dramaturge et au musicien gastronome.

Oui, mais la canzone, parle-moi de la canzone... Pourquoi vient-elle se mettre dans le site des Chansons contre la Guerre ? , dit Lucien l'âne insistant en frappant rythmiquement le sol de ses petits sabots noirs.

J'y viens, Lucien, j'y viens, Lucien l'âne mon ami. Cette Dame Bêtise mène le monde par le bout du nez... Voilà le résumé de ce qu'elle dit cette chanson... Et elle ajoute : c'est elle qui fait les forts, les gens sans remords... C'est elle qui est la mère de cette Guerre de Cent Mille Ans, que les riches font aux pauvres pour les dominer, les exploiter, en tirer profit, s'enrichir encore et toujours... Qu'y a-t-il de plus bête ? Qu'y a-t-il au monde de plus mesquin que la mesquine envie d'exploiter d'autres humains... En fait, à la lecture du texte, je vois bien que le plus important dans cet Air de la Bêtise est dans ce qu'il laisse deviner, dans ce qu'il donne à penser plus que dans ce qu'il dit textuellement... Mais c'est précisément là sa force, la force de la chanson... Souvent, elle dit plus qu'elle ne dit en apparence, elle ouvre à la pensée, au rêve parfois aussi, des territoires insoupçonnés... Et basta !

J'avais ressenti quelque chose comme ça... Et c'est, en effet, souvent le cas avec les chansons... Qui penserait « a priori » que Le temps des cerises ou Grândola, vila morena auraient ce pouvoir d'évocation révolutionnaire ? Quoi qu'il en soit, continuons à tisser le linceul de ce vieux monde où règne Dame Bêtise, vieux monde laid, tortueux, vaniteux, infantile et cacochyme (Heureusement !)

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Mère des gens sans inquiétude
Mère de ceux que l´on dit forts
Mère des saintes habitudes
Princesse des gens sans remords
Salut à toi, dame Bêtise
Toi dont le règne est méconnu
Salut à toi, Dame Bêtise
Mais dis-le moi, comment fais-tu
Pour avoir tant d´amants
Et tant de fiancés
Tant de représentants
Et tant de prisonniers
Pour tisser de tes mains
Tant de malentendus
Et faire croire aux crétins
Que nous sommes vaincus
Pour fleurir notre vie
De basses révérences
De mesquines envies
De noble intolérance
De mesquines envies
De noble intolérance
De mesquines envies
De noble intolérance

Mère de nos femmes fatales
Mère des mariages de raison
Mère des filles à succursales
Princesse pâle du vison
Salut à toi, Dame Bêtise
Toi dont le règne est méconnu
Salut à toi, Dame Bêtise
Mais dis moi, comment fais-tu
Pour que point l´on ne voie
Le sourire entendu
Qui fera de vous et moi
De très nobles cocus
Pour nous faire oublier
Que les putains, les vraies
Sont celles qui font payer
Pas avant, mais après
Pour qu´il puisse m´arriver
De croiser certains soirs
Ton regard familier
Au fond de mon miroir
Ton regard familier
Au fond de mon miroir
Ton regard familier
Au fond de mon miroir.

envoyé par Marco Valdo M.I. - 25/6/2012 - 23:19


He hum... Et si tout simplement l'auteur de la phrase mystérieuse sur l'Opéra Fantôme "La Vie Quotidienne" avait voulu faire une métaphore plaisante, inscrivant un air qui traite de la bêtise dans la vie quotidienne, où effectivement on rencontre souvent la bêtise ? A travers l'image d'un opéra inventé pour la circonstance et perceptible seulement par les lecteurs avisés ?
Avant d'enfourcher un cheval fougueux, s'assurer qu'il est bien équipé de brides et de mors. Autre métaphore.
Quant aux ânes....ils ne s'appellent pas tous Martin.

Michel - 24/2/2017 - 09:52




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