Willy, appelons-le ainsi
Willy avait mal aux genoux
Du gauche, du droit, il boitait aussi
Quand il venait chez nous
Ô ses douleurs, ce n'était pas arthrose, arthrite et compagnie
C'étaient les séquelles d'un mal au pays
Die Fackel citait Platen, on était en 1933
« Tu le sais depuis longtemps
Il n'est rien de pire ici bas que d'être Allemand »
L'autre était chancelier depuis trois mois
L'idée n'est pas nouvelle comme tu le vois.
Willy aussi en ce temps-là
Se sentait si mal d'être Allemand
Qu'il a changé de nom et même de pays.
Willy, appelons-le ainsi
Willy avait mal aux genoux
Du gauche, du droit, il boitait aussi
Quand il venait chez nous
Ô ses douleurs, ce n'était pas arthrose, arthrite et compagnie
C'étaient les séquelles d'un mal au pays
Au début, il ne s'appelait pas Willy,
C'est comme je vous le dis
Quand il est né, à Lübeck, il s'appelait Frahm
Herbert Ernst Karl Frahm
Du nom de sa mère; son père,
Un comptable appelé John Möller
Avait simplement disparu
Sans même l'avoir reconnu.
Willy, appelons-le ainsi
Willy avait mal aux genoux
Du gauche, du droit, il boitait aussi
Quand il venait chez nous
Ô ses douleurs, ce n'était pas arthrose, arthrite et compagnie
C'étaient les séquelles d'un mal au pays
L'autre était chancelier depuis un mois
L'Allemagne suffoquait déjà.
Herbert Ernst Karl entrait dans l'anonymat
Il se renomma Willy Brandt et le resta
Dans la clandestinité, dans l'exil, à l'étranger
Il mena le combat et garda sa dignité
Jusqu'à se faire citoyen norvégien
Pour récuser ces barbares Aryens
Willy, appelons-le ainsi
Willy avait mal aux genoux
Du gauche, du droit, il boitait aussi
Quand il venait chez nous
Ô ses douleurs, ce n'était pas arthrose, arthrite et compagnie
C'étaient les séquelles d'un mal au pays
L'autre était crevé depuis vingt-cinq ans
Willy était chancelier depuis un an
Pour réparer l'ignominie d'autrefois
À genoux face au ghetto, il tomba.
Recoudre ce qui était déchiré
Une cicatrice bien dessinée
Rapprocher ce qui était séparé
Reconnaître la moitié opposée.
Willy, appelons-le ainsi
Willy avait mal aux genoux
Du gauche, du droit, il boitait aussi
Quand il venait chez nous
Ô ses douleurs, ce n'était pas arthrose, arthrite et compagnie
C'étaient les séquelles d'un mal au pays
Willy avait mal aux genoux
Du gauche, du droit, il boitait aussi
Quand il venait chez nous
Ô ses douleurs, ce n'était pas arthrose, arthrite et compagnie
C'étaient les séquelles d'un mal au pays
Die Fackel citait Platen, on était en 1933
« Tu le sais depuis longtemps
Il n'est rien de pire ici bas que d'être Allemand »
L'autre était chancelier depuis trois mois
L'idée n'est pas nouvelle comme tu le vois.
Willy aussi en ce temps-là
Se sentait si mal d'être Allemand
Qu'il a changé de nom et même de pays.
Willy, appelons-le ainsi
Willy avait mal aux genoux
Du gauche, du droit, il boitait aussi
Quand il venait chez nous
Ô ses douleurs, ce n'était pas arthrose, arthrite et compagnie
C'étaient les séquelles d'un mal au pays
Au début, il ne s'appelait pas Willy,
C'est comme je vous le dis
Quand il est né, à Lübeck, il s'appelait Frahm
Herbert Ernst Karl Frahm
Du nom de sa mère; son père,
Un comptable appelé John Möller
Avait simplement disparu
Sans même l'avoir reconnu.
Willy, appelons-le ainsi
Willy avait mal aux genoux
Du gauche, du droit, il boitait aussi
Quand il venait chez nous
Ô ses douleurs, ce n'était pas arthrose, arthrite et compagnie
C'étaient les séquelles d'un mal au pays
L'autre était chancelier depuis un mois
L'Allemagne suffoquait déjà.
Herbert Ernst Karl entrait dans l'anonymat
Il se renomma Willy Brandt et le resta
Dans la clandestinité, dans l'exil, à l'étranger
Il mena le combat et garda sa dignité
Jusqu'à se faire citoyen norvégien
Pour récuser ces barbares Aryens
Willy, appelons-le ainsi
Willy avait mal aux genoux
Du gauche, du droit, il boitait aussi
Quand il venait chez nous
Ô ses douleurs, ce n'était pas arthrose, arthrite et compagnie
C'étaient les séquelles d'un mal au pays
L'autre était crevé depuis vingt-cinq ans
Willy était chancelier depuis un an
Pour réparer l'ignominie d'autrefois
À genoux face au ghetto, il tomba.
Recoudre ce qui était déchiré
Une cicatrice bien dessinée
Rapprocher ce qui était séparé
Reconnaître la moitié opposée.
Willy, appelons-le ainsi
Willy avait mal aux genoux
Du gauche, du droit, il boitait aussi
Quand il venait chez nous
Ô ses douleurs, ce n'était pas arthrose, arthrite et compagnie
C'étaient les séquelles d'un mal au pays
envoyé par Marco Valdo M.I. - 16/5/2012 - 16:55
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Canzone française – Mal aux genoux – Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires d'Allemagne 69
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Mal aux genoux, mal aux genoux... Justement... Elle tombe à pic ta chanson... J'ai horriblement mal aux genoux. Pas étonnant avec ce temps... On souffre terriblement de ça, nous autres, les ânes et en plus, on en a quatre des genoux... C'est d'autant plus douloureux..., dit Lucien l'âne en se relevant d'un coup de reins majestueux sur ses jolis sabots noirs comme le brai. D'ailleurs, tu le vois, je m'étais mis ainsi à genoux dans la boue, car c'est un excellent remède à l'arthrose, l'arthrite et compagnie. Enfin, je suppose que ce n'est pas de mes genoux qu'elle parle cette canzone...
En effet, Lucien l'âne mon ami, ce n'est pas de tes genoux qu'elle se soucie, mais de ceux de Willy... Lequel Willy et ses genoux ont réellement existé comme tels dans l'histoire d'Allemagne de cette année 1970. Quand Willy est tombé sur ses genoux, personne ne s'y attendait et ce fut une telle surprise, qu'elle fit le tour du monde. On en parle encore aujourd'hui. Il faut dire qu'il a fait ça en direct devant les journalistes, les télévisions et tous les officiels qui étaient présents à cette cérémonie. Willy était censé s'incliner un instant et déposer une gerbe de fleurs à l'endroit où il y avait eu un ghetto... et où il n'en restait plus rien... L'autre avait donné l'ordre de le raser complètement, habitants compris. Ce qui fut énergiquement accompli... L'autre avait été nommé chancelier d'Allemagne en 1933 et avait disparu dans les décombres de sa chancellerie en 1945. Entre les deux, il y avait eu des millions de morts, des dizaines de millions de morts... Comme le disait au siècle précédent Platen, un poète élégiaque – allemand lui aussi : « Il n'est rien de pire ici bas que d'être Allemand ».
La citation est parfaitement adaptée à la situation... Est-ce toi qui l'as retrouvée ?
Non, non... Enfin, oui, sans doute... À force de lire, mais pas directement dans les poèmes de Platen... C'est Karl Kraus qui l'avait publiée dans sa revue Die Fackel... Mais peu importe, je ne vais pas te parler de la Troisième nuit de Walpurgis, ça nous mènerait trop loin. Retiens seulement que Willy, frappé aux genoux par le mal de son pays (rien de pire ici bas que d'être Allemand), peu après que l'autre ait accédé au pouvoir, s'est exilé en Norvège, est devenu Norvégien et n'est rentré et n'a repris la nationalité allemande qu'après l'élimination du Führer des « barbares Aryens » (dans la canzone : l'autre). Et bien des années, vingt-cinq très exactement, un quart de siècle plus tard, il est devenu lui-même chancelier d'une moitié de l'Allemagne et c'est comme chancelier que ses genoux – ce jour-là – l'ont lâché. Il y aurait encore un milliard de choses à raconter, mais je te laisse découvrir la canzone...
Certes, mais Willy n'a pas fait que tomber sur les genoux quand à son tour, il fut chancelier... J'en ai le souvenir d'un homme qui a tenté de changer les choses, et en comparaison avec ses prédécesseurs, dans le bon sens...
En effet, si on mesure l'action de Willy à celle de ses prédécesseurs (et même de ses successeurs) au poste de chancelier, il constitue une exception... On dirait une sorte de personnage humain et assurément pacifique au milieu d'un monde de belliqueux et d'affairistes. Un gars étrange qui boitait là où tous les autres marchaient au pas de l'oie. Un gars qui imposa des actes de paix là où on en était encore prêt à en découdre... D'ailleurs, finalement, ils ont réussi à l'écarter... Donc, voilà, c'est l'histoire de Willy.
Je me demande, dit Lucien l'âne en hochant son vaste crâne, je me demande dans quelle mesure ce ne fut pas, alors qu'il fut plongé dès sa jeunesse dans une phase apocalyptique de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour asseoir leur domination, étendre leurs privilèges, assurer leurs richesses, imposer le travail et l'exploitation, ce ne fut à sa manière que Willy tissa, comme nous nous nous efforçons de le faire, le linceul de ce vieux monde d'épouvante, de détresse, de massacres, mythomane et cacochyme (heureusement).
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane