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Oh, Barbara, il gelait sur l'Elbe...

Marco Valdo M.I.
Langue: français



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Oh, Barbara, il gelait sur l'Elbe...

Canzone française – Oh, Barbara, il gelait sur l'Elbe... – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 46

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



Mil neuf cent quarante-sept, l'année de la mort de Hans Fallada , alias Rudolf Ditzen, né en Poméranie en 1893 et grand contempteur du Reich de Mille Ans, lui-même fameux épisode de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches mènent de toutes les manières (y compris crapuleuses) contre les pauvres. Cette année-là, au début de l'année, presque au moment où mourut Fallada, il fit un froid de tous les diables. On aurait dit que s'abattait sur l'Allemagne une nouvelle et terrible vengeance du ciel... Le froid. Un froid puissant et obstiné qui gela les canaux et les fleuves. Pour un peu, il aurait gelé la mer. Tout était paralysé. Le charbon restait sur les carreaux des mines. Un vrai temps pour les loups:

« Et v'là qu'il fit un rude hiver
Cent congestions en fait divers
Volets clos, on claquait des dents
Même dans les beaux arrondissements
Et personne n'osait plus le soir
Affronter la neige des boulevards... alors... »

Est-ce que tu me parlerais de ta nouvelle Histoire d'Allemagne ? J'en ai bien l'impression... 1947... L'Europe se remettait à peine du cauchemar... Mais quel en est le titre à ta chanson ?

« Oh, Barbara, il gelait sur l'Elbe... », qui est en fait la reprise des premiers mots de la chanson.

On dirait un bout de chanson de Prévert..., dit Lucien l'âne en souriant.

En effet, c'est bien ça. C'est bien la Barbara de Prévert à laquelle il est fait allusion – Oh, Barbara, quelle connerie la guerre !, mais aussi à Fallada... et à « Oh ! Fallada... Le Cheval pendu » de Bertolt Brecht.

Mais que raconte-t-elle exactement et quel est son sens ? Je m'y perds avec toutes tes allusions.

D'abord, s'agissant de mes allusions, comme tu dis, mon ami Lucien l'âne, je vais te donner le meilleur des conseils... Oublie-les, si elles t'encombrent. C'est une manie dont j'ai du mal à m'échapper. Et puis, c'est aussi une manière de saluer au passage tel ou tel qui a écrit, dit ou chanté quelques mots, quelque phrase, quelque vers qui me ravissent. Disons aussi que c'est une sorte de vague qui remonte du fond de la mémoire... Pour le reste, comme tu le sais, c'est une Histoire d'Allemagne et elle est directement tirée de la Chronique centenaire de Günter Grass, lequel raconte l'hiver 1947, où le froid, le gel dura... Un gel de moins vingt degrés... On aurait dit une punition qui s'abattait sur l'Allemagne. Cette Histoire, comme les autres, est racontée par un personnage... Souvent, pas trop précisé...Dans le texte de Grass, il l'est, c'est un responsable de Hambourg « J'étais, dit-il, à Hambourg, le sénateur responsable des approvisionnements énergétiques » On n'en saura pas plus. Mais peu importe... Disons que c'est un témoin direct...

Voilà qui est éclairci... Mais peux-tu me dire de quoi il s'agit quand tu parles des « oberschtroumpfführers » ?

Là, c'est une construction entre le mot schtroumpf, une invention de Peyo et les titres ronflants de l'armée allemande et plus spécifiquement encore de la SS – il existe réellement un grade d'Obersturmführer. C'est une manière de rappeler certaines choses. Manière aussi de railler certaine manie des titres en cours chez les militaires prussiens, puis allemands... et puis aussi, chez tous les militaires du monde. Cela dit,Schtroumpf se prononce pratiquement comme le mot allemand Strumpf qui signifie « chaussette » (les Schtroumpfs s'appelant Schlümpfe en allemand). En fait, « oberschtroumpfführers » est quasiment intraduisible... Quelque chose comme : « Chef des Sur-chaussettes » ou «  Sur-chef des chaussettes »... Comme tu le verras, cette offensive du gel est analysée comme une sorte de punition qui vient frapper ce peuple allemand qui par sa soumission et sa passivité a permis aux « oberschtroumpfführers délirants » de prendre le pouvoir, de le développer et de mener le monde au plus grand massacre de tous les temps.

En effet, dit Lucien l'âne, jusqu'à présent, ce fut le plus grand massacre – du moins par les armes... Un des épisodes les plus délirants de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour défendre leurs richesses, pour multiplier leurs profits, pour accroître leurs pouvoirs, pour les étendre, pour les développer, pour dominer et exploiter au maximum les autres hommes et les ressources de la planète, pour multiplier leurs privilèges... Que tout ceci cependant ne nous empêche pas de tisser le linceul de ce vieux monde profiteur, exploiteur, avide et cacochyme.

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Oh, Barbara, il gelait sur l'Elbe, cette année-là,
La Weser était solide, on marchait sur le Rhin,
Les fleuves restaient de glace et Hans Fallada mourait à Berlin
À Hambourg, les gens crevaient de froid.

On dormait en manteau
Le charbon restait là-bas
Dans la Ruhr, sur le carreau
Les bombardements n'avaient pu faire ça.

La guerre... Le gel... Une punition
La faute au Tambour et à son Reich de mille ans
Et à tous ces oberschtroumpfführers délirants
Et à notre passive soumission

Presque plus de courant, une masse de restrictions
Métro, trams à l'arrêt le plus souvent
Cinémas, théâtres, bistros, restaurants
Toutes les activités à l'abandon.

Fin des hôpitaux, plus de vaccinations
Plus d'huile, peu de margarine
Et la grippe qui frappait sans rémission
Tout le monde roulait dans la famine

La guerre... Le gel... Une punition
La faute au Tambour et à son Reich de mille ans
Et à tous ces oberschtroumpfführers délirants
Et à notre passive soumission

Quarante-sept, fin de fin d'empire
Trois millions de réfugiés, renvoyés au pays
Onze millions de soldats sans logis
Tous malmenés, mais pour certains ce fut pire

Pour les sinistrés dans les caves des immeubles bombardés
Pour les rapatriés dans les cabanes des jardins ouvriers
Le vent glacial, le gel, les poêles éteints
Les vieux ne se levaient plus le matin.

La guerre... Le gel... Une punition
La faute au Tambour et à son Reich de mille ans
Et à tous ces oberschtroumpfführers délirants
Et à notre passive soumission

envoyé par Marco Valdo M.I. - 20/9/2011 - 23:15




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