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N'importe quoi, mais quelque chose

Marco Valdo M.I.
Lingua: Francese


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N'importe quoi, mais quelque chose

Canzone française – N'importe quoi, mais quelque chose – 1932 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 31

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.




C'est vraiment « N'importe quoi... », le titre de ta chanson d'Allemagne..., dit Lucien l'âne en se marrant et en sautant d'un pied sur l'autre, à quatre temps.


Oui, évidemment et je ne vois pas ce qui te fait tant marrer. D'ailleurs, quand tu sauras de quoi il s'agit et ce que cela suppose, subodore, implique, entend, sous-entend, prédit en quelque sorte, il n'y a vraiment pas de quoi se réjouir. Déjà, si tu as un peu de mémoire, tu te souviendras qu'à la précédente canzone d'Allemagne, on entendait des fanfares et des bruits de pas. Tes grandes oreilles d'âne avaient bien perçu le son fêlé du Blechtrommel, du tambour de fer-blanc, les hurlements rauques et stochastiques de l'oncle incarné. Adolf, de cent mille adulateurs annonçait un règne de mille ans. Ses inférences, heureusement, l'égaraient...


N'empêche, dit Lucien l'âne, il a démontré que l'horreur est humaine. C'est donc cela ce n'importe quoi qui parsème ton récit.


Cela et bien d'autres choses encore. Par exemple, ces millions de chômeurs; par exemple, ces régions entières transformées par les miracles de la terminologie officielle en poches de chômage... pendant que – comme disait Léo Ferré – pendant que l'Europe bavarde.


Attends, attends, Marco Valdo M.I. mon ami, n'es-tu pas atteint de dyschronie, cette maladie qui cafouille avec le temps, avec laquelle tu prends une époque pour une autre, où la confusion règne tellement qu'on finit par ne plus savoir quand se passent exactement les choses. Bref, est-ce que tu ne bats pas la campagne ? Car, j'ai bien l'impression que les années se mêlent dans ton esprit.


Allons, allons, Lucien l'âne mon ami, ne t'inquiète pas ainsi. Bien sûr, on est en 1932; bien sûr, on est à Remscheid dans la Ruhr, et c'est bien de cela que parle la canzone ou plutôt, le narrateur de la canzone. Mais il parle de maintenant, je veux dire d'un endroit dans le temps qui est notre contemporain, disons, si tu le veux bien, au début de ce millénaire. Et il se souvient de son enfance, dans ce quartier de Remscheid rongé par la rouille et la misère. Qui est ce narrateur, peu importe. Il est celui-là qui raconte et qui fait les comptes avec le temps passé. Et il compare ce qui était hier l'Allemagne, la grande Allemagne en gestation et aujourd'hui, l'Europe, la grande Europe en gestation... Et ce qu'il entrevoit, c'est que ce qui était hier est encore aujourd'hui. Simplement, le terrain s'est agrandi, le nombre de participants a été multiplié, mais globalement, la situation est semblable, sinon pire... Et crois-moi, il a raison :
« Aujourd'hui, des choses pareilles peuvent à nouveau arriver
À part les millions de chômeurs, on a tous un boulot – mal payé
On regarde à la dépense, on mange quand on peut
Chez nous, comme partout, les riches, vivent de mieux en mieux
Il faut qu'il se passe quelque chose
N'importe quoi, mais quelque chose. »
Je le pense aussi. Il faut qu'il se passe quelque chose, il nous faut résister (Ora e sempre : Resistenza !), il faut mettre fin à ce monde imbécile avant qu'il ne soit trop tard et que ne reviennent hanter nos jours et nos nuits les hurlements rauques et stochastiques de l'oncle incarné... Car, vois-tu, lui aussi a des descendants, eux aussi ont des ambitions pour l'Europe. D'ailleurs, ils recommencent à se promener en chemises de couleur...


Et nous, Marco Valdo M.I. mon ami, du haut de nos grands âges, il nous faut – c'est impératif – il nous faut tisser le linceul de ce vieux monde richissime, méprisant, ignoble et cacochyme.



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
À Remscheid, chez nous, en trente-deux, on chômait
En trente-deux, dans le quartier, quasi tout le monde pointait.
Chez nous, à Remscheid, il y en avait tant des chômeurs,
Comme dans toute l'Allemagne, des millions de chômeurs.
Il fallait qu'il se passe quelque chose
N'importe quoi, mais quelque chose

Des élections, encore des élections, à répétition
Lois, décrets, ordonnances, décisions à répétition
Rien n'a changé, monde à répétition
Bourse, profit, honte, chômage, exploitation
Il fallait qu'il se passe quelque chose
N'importe quoi, mais quelque chose

À Remscheid, chez nous, en trente-deux, on chômait
En trente-deux, dans le quartier, tout le monde pointait.
Fallait pas qu'ils restent à rien faire au chômage
Alors, on les obligea à travailler au barrage.
Il fallait qu'ils fassent quelque chose
N'importe quoi, mais quelque chose.

Du printemps à l'hiver, dans le chaud, dans le froid
Avec la honte pour compagne et l'effroi
Le « travailleur sans emploi », l'ex-travailleur
En trente-deux, à Remscheid, était encore chômeur.
Il fallait qu'on fasse quelque chose
N'importe quoi, mais quelque chose

Chez nous, on regardait à la dépense, on mangeait peu
Des patates et fallait pas tomber malade, en trente-deux,
Tampon sur les cartes, tout le quartier vivait ainsi, au ralenti,
Tous en avaient ras le bol de faire la queue sous la pluie.
Il fallait qu'on refasse quelque chose
N'importe quoi, mais quelque chose.

Trois hivers déjà que chaque jour il pointait
La nuit, dans la chambre, papa pleurait
Maman disait : « Ça ne peut pas être pire ! »
À Remscheid, en trente-deux, elle le disait sans rire.
Il fallait qu'il se passe quelque chose
N'importe quoi, mais quelque chose.

Aujourd'hui, des choses pareilles peuvent à nouveau arriver
À part les millions de chômeurs, on a tous un boulot – mal payé
On regarde à la dépense, on mange quand on peut
Chez nous, comme partout, les riches, vivent de mieux en mieux
Il faut qu'il se passe quelque chose
N'importe quoi, mais quelque chose.

inviata da Marco Valdo M.I. - 14/4/2011 - 21:05


À propos de Blechtrommel, je suggère de visieter cet excellent petit bout du film de Volker Schlöndorff :


Il est à espérer que le Beau Danube bleu emporte tout avant qu'il ne soit trop tard....

Lucien Lane

Lucien Lane - 9/1/2012 - 11:03




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