Mais rien que pour vous dire, mes amis
Quand Franz a ouvert son boui-boui
Bien avant la guerre, avant même la montée du branleur
Y avait des artistes, y avait des sportifs, y avait les boxeurs
Tout ce monde se mélangeait
Pour vous dire, y avait Ernst Busch, qui chantait
Acteur, metteur en scène, contemporain de Diener
Ernst Busch chantait la Totenmelodie de Tucholsky
Quand les SA sont venus l'arrêter chez lui
Il avait passé la nuit chez Diener
Il dormait encore, il n'a pas ouvert à ces gens-là
Le jour-même, il filait en Hollande avec Éva
Puis, Belgique, Russie, Brigades Internationales
Et chanteur à Radio Madrid contre les fascistes
Dans les années cinquante, soixante
On sort progressivement de la tourmente
Un coin sympa pour les habitués du soir
Franz sert derrière le comptoir
À Berlin, Grolmanstrasse, métro Savigny
Nous autres du groupe 47, souvent, on y passe la nuit
Chez Franz Diener, on boit le schnaps et la bière
Œufs durs, moutarde, boulettes et desserts
Après les camps et les prisons et la guerre,
Ernst Busch joue et chante au Berliner.
Ne restent là à causer jusqu'au petit matin
Que des artistes, des gens du spectacles, des écrivains
Dürrenmatt, venu de Berne, y conte la galaxie.
Et commande une tournée pendant que l'Allemagne cajole son amnésie.
Diener poings en haut, Diener poings en bas,
Un gars avec qui on ne se dispute pas
Champion d'Allemagne mil-neuf-cent-vingt-trois
Un mètre quatre-vingt-trois
Quatre-vingt-un kilos, à ce moment
Donc, sur les photos de l'ancien temps
Torse nu, poings en l'air
Dans ses poses de boxeur
Franz dit : Je suis très fier
D'avoir perdu mon match contre Max le meilleur
Champion du monde et futur centenaire
Même si aujourd'hui, il élève des visons et des poulets.
Souvenirs, souvenirs désuets
La gloire, le Reich, comme tout cela est éphémère.
Quand Franz a ouvert son boui-boui
Bien avant la guerre, avant même la montée du branleur
Y avait des artistes, y avait des sportifs, y avait les boxeurs
Tout ce monde se mélangeait
Pour vous dire, y avait Ernst Busch, qui chantait
Acteur, metteur en scène, contemporain de Diener
Ernst Busch chantait la Totenmelodie de Tucholsky
Quand les SA sont venus l'arrêter chez lui
Il avait passé la nuit chez Diener
Il dormait encore, il n'a pas ouvert à ces gens-là
Le jour-même, il filait en Hollande avec Éva
Puis, Belgique, Russie, Brigades Internationales
Et chanteur à Radio Madrid contre les fascistes
Dans les années cinquante, soixante
On sort progressivement de la tourmente
Un coin sympa pour les habitués du soir
Franz sert derrière le comptoir
À Berlin, Grolmanstrasse, métro Savigny
Nous autres du groupe 47, souvent, on y passe la nuit
Chez Franz Diener, on boit le schnaps et la bière
Œufs durs, moutarde, boulettes et desserts
Après les camps et les prisons et la guerre,
Ernst Busch joue et chante au Berliner.
Ne restent là à causer jusqu'au petit matin
Que des artistes, des gens du spectacles, des écrivains
Dürrenmatt, venu de Berne, y conte la galaxie.
Et commande une tournée pendant que l'Allemagne cajole son amnésie.
Diener poings en haut, Diener poings en bas,
Un gars avec qui on ne se dispute pas
Champion d'Allemagne mil-neuf-cent-vingt-trois
Un mètre quatre-vingt-trois
Quatre-vingt-un kilos, à ce moment
Donc, sur les photos de l'ancien temps
Torse nu, poings en l'air
Dans ses poses de boxeur
Franz dit : Je suis très fier
D'avoir perdu mon match contre Max le meilleur
Champion du monde et futur centenaire
Même si aujourd'hui, il élève des visons et des poulets.
Souvenirs, souvenirs désuets
La gloire, le Reich, comme tout cela est éphémère.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 1/4/2011 - 21:04
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Canzone française – Chez Diener – 1930 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 29
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Nous voici à nouveau dans ces Histoires d'Allemagne, qui, tu t'en doutes bien, Lucien l'âne mon ami, vont nous occuper un certain temps encore.
Hou là là, oui, je le pense bien, Marco Valdo M.I. mon ami. À mon sens, sans doute encore une bonne année. Et qui sait ce que tu vas encore me raconter. Dans l'ensemble , on l'imagine assez clairement : le Reich, la guerre, la division, la réunification, le mur tombé d'un seul côté... La marche vers la Grande Allemagne, la marche vers la Grande Europe...C'est carrément téléologique.
En effet, Lucien l'âne mon ami. C'est bien à une téléologie qu'on a à faire ici. D'ailleurs, chacune des canzones qui ont été présentées jusqu'à présent, tu le remarqueras, chacun tend à décrire un mouvement dans le temps. En somme, elle ne raconte pas un instant, mais bien un instant comme point dans un tracé d'histoire. Les histoires sont des histoires dans l'Histoire. Je vois bien que mon propos est bizarre, mais je vois mal comment le formuler différemment. Ici, l'anecdote – c'est-à-dire la petite histoire particulière qui sert de clé pour entrer dans le processus historique est celle d'un boxeur. C'est anecdote, comme toutes celles que nous avons vues jusqu'ici, prend la forme d'une parabole. Elle eût pu s'en tenir à cette histoire de boxeur, à l'histoire de la boxe, à parler aussi de Max Schmeling, de ses combats... Elle aurait pu déborder sur d'autres boxeurs : Primo Carnera, Joe Louis...
Mais tel n'est pas le cas dans la canzone. Elle n'accorde pas trop d'importance à ces événements pugilistiques et regarde la vie dans un terme plus long pour se rendre compte de la brièveté des choses... On est boxeur un temps assez court et il vaut mieux qu'il soit le plus court possible, sinon les dégâts causés par le noble art sont irréversibles et catastrophiques. De cette gloire, sur cette gloire, on ne peut fonder une vie... Comme sur toute gloire, d'ailleurs. Et il faut bien se reconvertir et Franz Diener a une reconversion plutôt heureuse... Il s'installe au cœur de la vie nocturne de Berlin et de son comptoir-observatoire, il va connaître la vie culturelle de son temps... Au départ, on y trouve un chanteur que nous connaissons bien toi et moi, car nous avons déjà traduit deux de ses chansons, dont Bürgerliche Wohltätigkeit écrites par Tucholsky, mais Ernst Busch en écrira lui-même au moins deux cents... et à la fin de l'épisode, on trouve l'écrivain suisse Friedrich Dürrenmatt qui commande une tournée.
Je vois, dit Lucien l'âne. Mais comment peut-il ce boxeur – fût-il champion d'Allemagne des poids lourds vers 1930 avoir une vision aussi panoramique...
Tout simplement parce que son établissement, un simple bistrot au départ, mais un bistrot de nuit attire d'autres boxeurs, des gens qui gravitent autour de la boxe et des admirateurs des boxeurs. Bertolt Brecht, par exemple, était assez amateur de la boxe. Je te rassure ce n'est pas mon cas. Puis, comme c'est devenu en ces temps-là un lieu du Berlin nocturne, il va attirer les gens qui sortent la nuit. Et il va garder cette caractéristique. Un lieu ouvert la nuit, pas cher, où l'on peut rencontrer des artistes, le Groupe 47, par exemple, qui va porter au monde la littérature allemande... Et un bistrot pas cher... Il existe d'ailleurs toujours, il porte toujours (aux dernières nouvelles) le nom de Diener et il est toujours au même endroit. Sic transit... Il témoigne aussi comme notre chanson que « Souvenirs, souvenirs désuets
La gloire, le Reich, comme tout cela est éphémère. ».
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.