Écoutez, ô enfants, la complainte de mes plus beaux jours
Écoutez, enfants frivoles, ce qui se passait dans ce faubourg
Aux temps anciens de mes belles amours
Un vrai roman à Barmbek, banlieue de Hambourg.
Uniformes et sang noirs, un roman dur et ambigu
Une histoire comme j'espère, vous n'en verrez plus.
Descendants de socialistes et socialistes de conviction
On n'était plus que quatre à survivre avec la pension
Un reste de famille, moi et mes trois garçons
Après l'accident qui tua net leur père au boulot
La palette d'oranges lui était tombée sur le dos
Et puis, l'indemnité refusée par le patron.
Quand le tintouin a commencé, jeunes sans malice
Ils étaient encore tous les quatre à la maison.
Service et uniforme, Herbert, l'aîné, était dans la police
Rêveur tranquille d'insectes et de papillons
Jochen conduisait les barges aux docks du port
Heinz manœuvrait le café pour l'import-export
Autour de la table, ça riait, disputait pendant que je servais
Jochen ardemment communiste hurlait
Heinz, le SA, le nazi, le fasciste répliquait
Herbert, l'aîné, les calmait.
Quand les travailleurs se battent entre eux, qu'il disait
C'est tout bénéfice pour les riches et les patrons, qu'il disait.
Mais après... Arrivent mai et les élections
Deux morts, deux camarades socialistes assassinés
À Barmbek, les communistes qui tiraient de leur camion
Ont éclaté la tête de Tiedeman le menuisier
À Einsbüttel, les SA, ces nazis, ces assassins
Pour une affiche, ont liquidé Heidorn au petit matin.
Jochen, devenu chômeur a rallié Hitler
À la maison, la paix est revenue le temps de commencer la guerre
Jochen s'est engagé : sous marinier, il n'en est pas revenu
Heinz est allé se perdre en Afrique, on ne l'a pas revu
Herbert est allé en Ukraine faire de sales boulots
Lui, il est revenu ; il s'est tu ; le cancer a eu sa peau.
Herbert m'a laissé Monika et trois filles
Sa façon à lui de prolonger sa vie
C'est pour elles que je chante
Ce qui, toutes les nuits, me hante
Écoutez, ô enfants, la complainte de mes plus beaux jours
Écoutez, enfants frivoles, ce qui se passait dans ce faubourg. À Barmbek, près de Hambourg...
Écoutez, enfants frivoles, ce qui se passait dans ce faubourg
Aux temps anciens de mes belles amours
Un vrai roman à Barmbek, banlieue de Hambourg.
Uniformes et sang noirs, un roman dur et ambigu
Une histoire comme j'espère, vous n'en verrez plus.
Descendants de socialistes et socialistes de conviction
On n'était plus que quatre à survivre avec la pension
Un reste de famille, moi et mes trois garçons
Après l'accident qui tua net leur père au boulot
La palette d'oranges lui était tombée sur le dos
Et puis, l'indemnité refusée par le patron.
Quand le tintouin a commencé, jeunes sans malice
Ils étaient encore tous les quatre à la maison.
Service et uniforme, Herbert, l'aîné, était dans la police
Rêveur tranquille d'insectes et de papillons
Jochen conduisait les barges aux docks du port
Heinz manœuvrait le café pour l'import-export
Autour de la table, ça riait, disputait pendant que je servais
Jochen ardemment communiste hurlait
Heinz, le SA, le nazi, le fasciste répliquait
Herbert, l'aîné, les calmait.
Quand les travailleurs se battent entre eux, qu'il disait
C'est tout bénéfice pour les riches et les patrons, qu'il disait.
Mais après... Arrivent mai et les élections
Deux morts, deux camarades socialistes assassinés
À Barmbek, les communistes qui tiraient de leur camion
Ont éclaté la tête de Tiedeman le menuisier
À Einsbüttel, les SA, ces nazis, ces assassins
Pour une affiche, ont liquidé Heidorn au petit matin.
Jochen, devenu chômeur a rallié Hitler
À la maison, la paix est revenue le temps de commencer la guerre
Jochen s'est engagé : sous marinier, il n'en est pas revenu
Heinz est allé se perdre en Afrique, on ne l'a pas revu
Herbert est allé en Ukraine faire de sales boulots
Lui, il est revenu ; il s'est tu ; le cancer a eu sa peau.
Herbert m'a laissé Monika et trois filles
Sa façon à lui de prolonger sa vie
C'est pour elles que je chante
Ce qui, toutes les nuits, me hante
Écoutez, ô enfants, la complainte de mes plus beaux jours
Écoutez, enfants frivoles, ce qui se passait dans ce faubourg. À Barmbek, près de Hambourg...
inviata da Marco Valdo M.I. - 21/3/2011 - 17:29
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Complainte pour les enfants frivoles
Canzone française – Les Trois Frères de Barmbek – 1928 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 27
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.Cette fois, c'est une complainte... La complainte, comme tu le sais, Lucien l'âne mon ami, est une forme de lamentation et dans ce cas, c'en est bien une... C'est la plainte triste d'une mère qui raconte à ses petits-enfants, l'histoire de sa jeunesse au temps où ses propres fils étaient encore en vie jusqu'au temps de leurs morts. Elle commence, cette histoire tragique, par la mort de leur père... Un accident de travail... une palette d'oranges qui tombe sur le dos de ce que chez nous on appelle un docker, un travailleur des docks, d'un fort du port comme il a des forts des Halles, un débardeur, un chargeur, un portefaix, disait-on au temps où on parlait encore français. Donc, le mari, le père de ces trois garçons était mort au travail, la grue a lâché, le câble s'est brisé...défaut de prévoyance, défaut d'entretien, manque de précaution, sécurité défaillante... mais comme bien souvent, le patron rejeta la faute sur le mort afin de refuser toute indemnisation. Et la mère, restée veuve, a bien dû se débrouiller pour nourrir et élever ses trois garçons. Cette petite famille vit à Barmbek, dans la banlieue de Hambourg, grand port de commerce.
Je comprends mieux le titre de ta canzone du jour, mon ami Marco Valdo M.I. par parenthèse, il m'en rappelle étrangement d'autres, par exemple Les trois frères de Venosa... Et ce sous-titre, il me semble l'avoir déjà vu quelque part aussi...
En effet, ce sous-titre « Complainte pour les enfants frivoles », qui aurait pu être le titre, renvoie directement au titre d'un roman d'Alexandre Vialatte, »La complainte des enfants frivoles » écrit entre 1920 et 1928 – précisément. Alexandre Vialatte dont j'avais tiré les deux premières Histoires d'Allemagne et de fait, si l'on y réfléchit bien ces trois frères, comme des millions d'autres, ont été bien frivoles de ne pas refuser toute collaboration avec le nazisme. Quant au titre s'il est semblable, l'histoire n'est pas du tout la même et les trois frères de Barmbek ont un comportement très différente de celui de ceux de Venosa. Souviens-toi, les trois frères de Venosa étaient des paysans en lutte contre le pouvoir; ici, ils s'y rallieront tous les trois et à quel pouvoir : au IIIième Reich. La seule chose similaire, c'est qu'ils en mourront tous les trois – les uns – de Venosa – par traîtrise; les autres – de Barmbek – par bêtise, des suites de leurs activités guerrières. Mais ici, la canzone commence en 1928... Cette année, en Allemagne, il y a des élections et les affrontements sont très violents... À ce stade, le SPD (le parti social-démocrate allemand) emportera la mise... . La droite recule, le parti nazi n'est encore qu'à 2,6 %; on le croit vaincu, on le croit sans danger. La canzone permet de voir – comme cela se passe actuellement dans divers pays d'Europe – comment des ouvriers, descendants et enfants de militants, finissent par rejoindre les pires rangs : fascistes, nationalistes et par soutenir les pires dérives... Pourquoi ? Comment ? Mais tout ça a quand même fini par plusieurs dizaines de millions de morts...
Comment ? Pourquoi ? Vois-tu, Marco Valdo M.I. mon ami, c'est une question lancinante... Mais je crois que la réponse, on peut la trouver si on resitue ces comportements dans le cadre de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour les soumettre à leurs diktats, les exploiter, pour accroître leurs propres pouvoirs, pour étendre leurs privilèges, pour développer leurs richesses. Les uns se rallient par peur, les autres pour un emploi ou un bénéfice, les autres pour un poste, pour une place, pour la gloriole... D'autres enfin, comme Herbert finissent par s'y rallier en prenant prétexte de l'obéissance, du respect des institutions, de devoir d'état, d'amour de la Patrie et autres bonnes raisons.
Je vois, je vois, dit Marco Valdo M.I., mais je n'ignore pas non plus combien la lâcheté peut occulter les regards les plus perçants. Ce n'est peut-être ni facile ni confortable de résister à la corruption, de rester toujours sur ses gardes (Ora e sempre : Resistenza !) par rapport aux sollicitations de la bête immonde surtout quand elle se présente sous les apparences de la légalité, quand elle pénètre dans votre vie en se voilant des fêtes, en présentant une sorte de pays du sourire... Mais il faut, il faut, c'est de l'ordre du devoir moral, de cette stature éthique intérieure qui vous tient droit, qui vous permet de traverser la vie sans honte.
Tu dis juste, Marco Valdo M.I. mon ami, cette résistance quotidienne et obstinée, nous nous devons de la maintenir et de l'accomplir en tissant heure après heure, patiemment, le linceul de ce vieux monde pervers, souriant et cacochyme.
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.