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Le monument

Marco Valdo M.I.
Lingua: Francese



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Le monument

Canzone française – Le monument – 1913 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 12

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.




Vois-tu, Lucien l'âne mon ami, le 16-19 octobre 1813 – dans la plaine proche de Leipzig se déroule une bataille « kolossale », connue sous le nom de la bataille des Nations.

Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse d'une pareille histoire ? Tu ne vas quand même pas commencer à me faire des histoires de bataille... J'ai déjà subi Xénophon, la Guerre des Gaules de César, les Mémoires de Napoléon et de De Gaulle... Moi les batailles, je n'en ai pas grand chose à faire... Crois-moi, même que je l'ai vue celle dont tu me parles, puisque j'y étais, je portais une cantinière - n'imagine rien, c'était une vraie teigne celle-là et puis, tous ces cadavres, c'était pas beau à voir.
En fait, je préfère d'autres souvenirs.

Voilà qui me simplifie les choses, mon ami Lucien l'âne. Car vois-tu, moi non plus, je n'aime pas les histoires de bataille et il ne me viendrait pas à l'idée d'en raconter une, en tous cas, sur le mode épique et héroïque. Pour ça, je ne suis pas Homère. Tu verras dans la canzone comment l'affaire est abordée, de quel point de vue, elle est prise. En fait, il s'agit d'un monument, d'un « kolossal » excrément que Guillaume II a fait au milieu de la campagne proche de Leipzig pour magnifier la victoire des coalisés prussiens et russes et autrichiens et traîtres saxons contre Napoléon. Je dis « traîtres saxons » car en pleine bataille, quand ils ont senti le vent tourner, ils ont changé de camp, ils ont tourné casaque. On est à la veille de l'inauguration et ce sont les maçons qui ont construit ce monument commémoratif qui discutent du monument, de sa stature, de son coût, de la venue de l'Empereur, etc. Le tout d'un point de vue de travailleur. Tu le verras différemment ce monument, comme à partir de maintenant, tu les verras tous différemment ces monuments... Ce ne sont pas eux qui l'ont construit de leurs mains, disent les maçons parlant de l'architecte, des commanditaires, de l'Empereur... Ce ne sont pas eux qui l'ont payé... Et revenant sur la bataille et ces cent mille morts, ils disent aussi ces gens du peuple, c'est nous encore qui avons fourni les morts...


Sauvés par le point d'ironie, par cet humour qui radiographie les événements, qui met à jour les éléments généralement tus et cachés... Bataille « kolossale », égal tas de cadavres « kolossal »... Encore, un chapitre de cette Guerre de Cent Mille Ans où les riches règlent leurs comptes à coups de pauvres... Et dire qu'ils sont capables de remettre ça maintenant ou demain... Et puis, comme disait l'oncle de Boris Vian, qu'est-ce que vous voulez que j'en foute d'un monument ? Crois-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, monument ou pas monument, tissons le linceul de ce vieux monde « kolossal », commémoratif et cacochyme.

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Plus haut que la Bavaria de Munich en Bavière,
Plus haut qu'à Berlin, la colonne de la victoire
Plus haut que le Temple de l'Empereur,
C'était voulu ces 91 mètres de hauteur
C'était voulu ce grand ouvrage
De là-haut, on voit tout Leipzig et le paysage
Et, dit le conseiller Thieme, l'inauguration du monument
Cent ans après la bataille exactement
C'était voulu, c'était voulu
Les cent mille morts de 1813, tous peuples confondus
Là-bas sous la plaine et ses bouquets d'arbres
Des tas de crânes, d'os, des balles, des boulets,
Des selles, des étriers, des hampes, des aigles, des sabres,
Des lances, des casques, des boutons de culotte et des pistolets.
C'était voulu, c'était voulu
Les cent mille morts de 1813, tous peuples confondus


C'était voulu ce grand ouvrage
De là-haut, on voit tout Leipzig et le paysage
Les cent mille morts de 1813, tous peuples confondus
C'était voulu, c'était voulu
Toute la gloire des nations en un lieu rassemblée.
Sur des monceaux d'ordures couche après couche accumulées
Quinze mille mètres cubes de granit, cent vingt mille de béton
Y a pas à dire, ça se voit de l'horizon !
Schmitz l'architecte en était fier comme un général
De son monument, « digne des morts », qu'il a dit dans le journal.
Inauguration impériale, demain sous le soleil de saison
C'est encore nous qu'on a donné les millions
On voit bien qu'ils construisent pas de leurs mains
De ça au moins, nous les travailleurs, on peut en être certains.
Et pour payer cette horreur, des millions,
Nous, on est bons, dit le maçon.


L'ensemble, dit le chef de chantier Krause, est un tantinet kolossal,
Et ce « GOTT MIT UNS », dit Krause, vous en êtes certains ?
Quand on fait le bilan de cet affrontement international
On n'en est plus si certain.
À 330.000 contre 135.000, vous ne pouviez que gagner
Il y avait de la marge et vous n'avez pas lésiné
60.000 morts contre 40.000 morts
Vous avez gagné de vingt mille morts
Pour une victoire, ce fut une victoire.
Comme toujours, c'est nous qu'on a fourni les cadavres
Pour pas un rond, pour pas un rond
L’Empereur Guillaume, il a pas mis un clou. Quel con !
On voit bien qu'il l'a pas construit de ses mains
De ça au moins, nous les travailleurs, on peut en être certains.
Et pour payer cette horreur, des millions,
Nous, on est toujours bons, dit le maçon.

inviata da Marco Valdo M.I. - 25/1/2011 - 23:12




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