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Et si c'était un homme ? (Se questo era un uomo ?)

Marco Valdo M.I.
Langue: français



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Et si c'était un homme ?
(Se questo era un uomo ?)

Canzone léviane de langue française – Et si c'était un homme ? (Se questo era un uomo ?) – Marco Valdo M.I. – 2010

« Considerate se questo è un uomo
Che lavora nel fango
Che non conosce pace
Che lotta per mezzo pane
Che muore per un sì o per un no.»

Primo Levi

(Considérez si c'est un homme
Qui travaille dans la boue
Qui ne connaît pas la paix
Qui lutte pour un demi-pain
Qui meurt pour un oui pour un non)

« Considerate se questo è un uomo
Che lavora nel fango
Che non conosce pace
Che lotta per mezzo pane
Che muore per un sì o per un no.»

Primo Levi

(Considérez si c'est un homme
Qui travaille dans la boue
Qui ne connaît pas la paix
Qui lutte pour un demi-pain
Qui meurt pour un oui pour un non)

On peut discuter du titre de cette canzone. En effet, elle en a eu plusieurs, comme d'innombrables autres chansons. En voici quelques uns : La corrida humaine (en résonance avec La Comédie Humaine de Balzac, la Condition humaine de Malraux), Que la fête commence (Bertrand Tavernier), L'agonie est belle (La vie est belle – La vita è bella de Roberto Benigni)... Mais, in fine, un titre s'est imposé, car là aussi, c'est la seule façon d'envisager réellement le problème : Se questo era un uomo... Et si c'était un homme ?

Oh, oh, dit Lucien l'âne, Marco Valdo M.I. mon ami, ne serait-ce pas là le titre ou presque d'un livre terrible de Primo Levi, d'un livre qui parle d'Auschwitz et d'une des plus effroyables aventures humaines... En es-tu conscient ?

Et bien, Lucien l'âne mon ami, comme tu le sais, je suis petit-fils et fils de résistant (autrement dit, il y a de l’hérédité dans tout ça), j'ai traduit quasiment l'intégrale d'un autre résistant, italien celui-là et juif, un certain Carlo Levi, je connais fort bien ce qu'a écrit Primo Levi (c'est donc bien à ce titre-là, à ce livre-là, au sens de ce livre-là que j'ai pensé) et je te rappelle que j'ai aussi raconté Dachau Express, l'histoire de Joseph Porcu. Se questo era un uomo... Tu remarqueras le léger décalage de temps – j'ai volontairement glissé l’imparfait – pour créer cet écart, pour bien faire noter la filiation. Et puis, me connaissant tu sais que je suis bien conscient de ce que certains pourraient mal interpréter ce titre. Laisse-moi te dire que j'en vois toute la profondeur abyssale et c'est précisément de cet horrible sadisme du massacre collectif qu'il est question ici, du sadisme de masse, de la bête immonde et aussi, en même temps, du fascisme en col cravate, en sourires mielleux et en télévision, de la peste médiatique qui zombifie toute la société... Car ne t'y trompes pas, ces mêmes forces sont là derrière le gâteux-libidineux qui distrait la galerie... Demain, peut-être, sera-t-il trop tard pour le dire... Maintenant deux mots du contenu, il s'agit encore une fois d'une parabole; elle se doit donc de dire en peu de temps et de mots l'essentiel et au prix parfois de la force poétique de la langue. C'est le cas ici. Il s'agit d'alerter, alors, faisons marcher les sirènes... Voilà, tout. Crois-moi, ce titre dit exactement ce qu'il faut dire : Se questo era un uomo... Et si c'était un homme ? Elle parle de l'opposant, de l'émigré et tous ceux qu'on opprime, qu'on rejette, qu'on torture, qu'on fait mourir en prison, qu'on affame, qu'on persécute...

D'accord, calme-toi, mon ami Marco Valdo M.I. et continue ton explication, car tu ne t'es pas encore expliqué sur ce dont il est question.

En effet, Lucien l'âne mon ami, je me suis emporté. Tu m'en excuseras. Cela dit, ce n'est peut-être pas une bonne chanson, mais en tous cas, elle parle vrai. Cette foule qui se rassemble, qu'on rassemble plus exactement. Cette masse compacte et hurlante, qui se met à délirer dès qu'elle voit un uniforme, un maillot ou un drapeau et à se ruer contre l'autre, contre l'intrus, l'étranger, contre celui-là d'une race certifiée – qu'il soit blond ou noir, qu'il soit circoncis ou non, qu'il joue de la guitare ou du bandonéon, qu'il ait des cheveux lisses ou crépus, qu'il soit venu par terre ou par la mer, qu'il soit tombé du ciel ou du camion... Qu'il soit lettré ou analphabète... Pour eux, pour cette foule, pour cette masse idiote, il est toujours à mettre au milieu de l'arène et voilà qu'apparaissent les rondes, que sortent les manganelles (de l'italien manganella – au pluriel, manganelle : matraques), on frappe, on pique, on poursuit, on terrorise, on court sus à l'étranger (comme les chiens anglais courent le renard au fond des campagnes bleuies par la brume). Cette scène du puntillero, c'est un peu le coup de grâce, la balle que l'on met dans la nuque pour être sûr que le mort est bien mort. Certains ont tenté cela à l'échelle d'une nation, d'un peuple, de groupes entiers d'humains... Génocides, ethnocides … Et donc, ma question qui avait l'air rhétorique ou pédante.. pose le vrai problème : et si c'étaient des hommes ?

Cela sous-entend quoi exactement, ta question ? , dit Lucien l'âne un peu brusquement emporté qu'il est par la discussion.

Tout simplement ceci : soit, feriez-vous ce que vous faites à un animal, si c'était un homme (et accessoirement, vous-mêmes) qui était ainsi envoyé dans l'arène ? Soit, autre hypothèse plus terrible s'il en est, seriez-vous dans cette foule sadique, si vous étiez un homme ? En ce qui me concerne, sur toute la ligne, ma réponse est NON ! Il va de soi, il va de la conscience simple d'humain qu'il y a des choses qu'on ne se permet pas, jamais, en aucune circonstance et quel que soit le prix de cette résistance. C'est une simple question de dignité et de cohérence. Pour comprendre cela, la meilleure façon est précisément cette chanson : Et si c'était toi, si c'était ton fils... On peut évidemment, étendre à d'autres pratiques indignes... Sadiques et violentes... Et elles ne manquent pas, avec ou sans uniformes. C'est ce refus que clame cette chanson. Point à la ligne.

J'entends, j'entends bien, dit Lucien l'âne en tremblant de tout son poitrail.

D'ailleurs, je te l'avais déjà contée cette histoire dans l'introduction à Vergüenza, la chanson espagnole des Ska-P.
Quant aux pas comptés à partir de cent, tu te souviendras de Peppino Impastato et de la lutte de ce fils de lumière contre la sombre bande des ombres siciliennes. C'est un hommage à ce garçon et un signe de connivence à tous ceux qui n'aiment ni les mafieux, ni les fascistes... ni ceux qui prennent ou acceptent d'assumer le pouvoir...tant qu'il y aura des riches...

Pour conclure, j'ajouterai donc ni les riches, par qui arrive cette Guerre de Cent Mille Ans qui est faite aux pauvres, c'est-à-dire à l'humanité toute entière, afin de la réduire au statut d'ilote. Humanité dont étant riches, ils se sont volontairement exclus. Cette Guerre … Oh, Marco Valdo M.I., cette Guerre est celle de ce vieux monde orgueilleux, sadique et cacochyme, dont il nous faut obstinément tisser le linceul.

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
À la fête de chez nous, chaque année
Pour récompenser le peuple de nos vallées
Dans l'arène, une grande corrida est organisée
Un animal différent, chaque année
Est invité à combattre sa propre destinée.

Tous les dix ans comme cette année
L'animal est un homme de race certifiée
À grand prix acheté au marché de l'humain
Sa gloire, sa gloire ? : Combattre son propre destin.
Un bel individu : blond, grand, musculeux
Un spécimen longiligne et nerveux
Prestance royale, yeux de diamant
Crinière au vent et poils luisants.

À la fête de chez nous, chaque année
Pour récompenser le peuple de nos vallées
Dans l'arène, une grande corrida est organisée
Un animal différent, chaque année
Est invité à combattre sa propre destinée.

C'est une course magnifique
Une grande fiesta authentique
Les tribunes de l'arène sont combles
Les femmes des mains retiennent leurs poitrines nues
Les uniformes rutilent et frémissent en grande tenue
Tout trépigne déjà, l'apnée est à son comble
Dans l'arène surchauffée, on attend
La belle agonie, le combat à sang.

À la fête de chez nous, chaque année
Pour récompenser le peuple de nos vallées
Dans l'arène, une grande corrida est organisée
Un animal différent, chaque année
Est invité à combattre sa propre destinée.

Étranger, jouis du spectacle ! C'est notre carnaval
Entre alors en scène, un picador à cheval
Puis, tous les autres en habits de lumière
Banderilleros, matador et en dernier : le puntillero
D'un coup net, d'une entaille lente et fière
Il finira la fête, c'est l'ultime bourreau.
Les cris déferlent en vagues espacées
Les femmes se pâment, la fête est commencée.

À la fête de chez nous, chaque année
Pour récompenser le peuple de nos vallées
Dans l'arène, une grande corrida est organisée
Un animal différent, chaque année
Est invité à combattre sa propre destinée.

L'entrée de l'homme nu et peint, paré, liturgique
Déclenche l’orage de l'enthousiasme : Ola, ola, ola
Et la lente exécution commence. On frappe, on pique, on pique
Par devant, par derrière, dans le dos, dans les bras.
On banderille, on blesse, on émoustille ces dames catholiques.
L'homme se défend. Toute la meute s'encourt, tout la meute s'en va
Courage, honneur ! Frapper, blesser, insulter et panique.
Les nervis effrayés n'ont plus d'audace, ils ne sont déjà plus là.

À la fête de chez nous, chaque année
Pour récompenser le peuple de nos vallées
Une grande corrida est organisée
Un animal différent, chaque année
Est invité à combattre sa propre destinée.

L'homme s’essouffle, l'homme se tord
À genoux, il regarde venir sa mort
Cent pas, nonante-neuf pas, nonante-huit pas
La foule secouée de spasmes jouit
Droit sur lui, ils marchent tous sur lui
Soixante-trois pas, soixante-deux pas, soixante et un pas
Tambours, trompettes et cris éclatent dans son cerveau
Dans sa tête meurtrie, entrent l'hystérie et les tonnerres infernaux.

À la fête de chez nous, chaque année
Pour récompenser le peuple de nos vallées
Dans l'arène, une grande corrida est organisée
Un animal différent, chaque année
Est invité à combattre sa propre destinée.

Vingt-cinq pas, vingt-quatre pas...
Le silence couvre tout. Le silence commence, ..
Le silence déchire le silence
Le tohu-bohu d'un coup est loin, si loin...
On approche, les pieds sont là, pas loin
Quatorze pas, treize pas...
Cuirs luisants, cuirs brillants, cuirs lourds,
Le cauchemar éveillé tourne court.

À la fête de chez nous, chaque année
Pour récompenser le peuple de nos vallées
Dans l'arène, une grande corrida est organisée
Un animal différent, chaque année
Est invité à combattre sa propre destinée.

Huit pas, sept pas...
Les pointes touchent le sol,
Elles craquent à la pliure molle...
Trois pas, deux pas, un pas...
Crac, l'épée entre mes bras,
L'épée s'enfonce, mais ne tue pas.
Le puntillero dans la main gauche : la puntilla..
Trois pas, deux pas, un pas, zéro pas...

À la fête de chez nous, chaque année
Pour récompenser le peuple de nos vallées
Dans l'arène, une grande corrida est organisée
Un animal différent, chaque année
Est invité à combattre sa propre destinée.

envoyé par Marco Valdo M.I. - 3/11/2010 - 00:25




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