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Comme si

Marco Valdo M.I.
Langue: français



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C


Comme si – Marco Valdo M.I. – 2010
Cycle du Cahier ligné – 100


Comme si est la centième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.

Centième, la centième canzone, dit Lucien l'âne en rigolant, tu t'imagines. Cela dit, quand donc cela finira-t-il ?

Très prochainement, mon ami Lucien l'âne. Très prochainement. Il y aura donc un peu plus de cent canzones. Ce n'est pas là un choix délibéré, mais bien le résultat de la lecture systématique de la traduction française du Cahier ligné de Carlo Levi; traduction, je te rassure, que j'ai faite de mes propres mains et de mes propres nuits. Il y a fallu au moins deux ans... Je te rappelle que canzone après canzone, ce rêve éveillé du prisonnier-blessé-guerrier a suivi les méandres de cet étrange livre, qui est à la fois un roman et tout autre chose; un immense pamphlet contre l'enfermement. Comme les plus grands textes de la littérature de ce monde, c'est un voyage, c'est une déambulation. C'est un peu comme le récit que ferait quelqu'un qui se promènerait dans la vallée encaissée d'un fleuve depuis sa source, puis déboucherait dans une plaine large, une sorte de delta, pour finir dans son estuaire et puis, dans la mer où il se perdra. D'ailleurs, au moment où on arrive à la fin d'une telle aventure, il se crée comme un vide devant soi. Cela faisait une année presque entière que jour après jour, j'avançais dans cette vallée de songe et suivant obstinément le cours de l'eau, je participais (et toi aussi, au demeurant) aux pensées et aux douleurs de notre ami le songeur. Une année entière (sans compter celles qui l'avaient précédées et qui avaient été consacrées à traduire et à comprendre le texte étonnant de Carlo Levi).

Et moi, dit Lucien l'âne en redressant ses oreilles, moi qui attendais la suite avec une certaine impatience et qui trouvais souvent le temps long entre deux canzones. Note qu'à la longue, j'avais pris le rythme et je savais qu'il me faudrait attendre trois ou quatre jours - parfois, plus encore - pour un nouvel épisode de la lutte de notre ami le songeur. Maintenant, j'espère que tu pourras les regrouper en une seule suite et qu'on pourra ainsi les voir dans leur complexité, dans leur complétude. Car j'ai bien l'impression que c'est un tout, une sorte de roman en canzones... Et puis, moi qui suis entré dans ce jeu en cours de route, rappelle-toi, au départ, je n'y étais pas. Je ne sais même plus quand je suis arrivé, quand j'ai commencé ces conversations avec toi à propos de ces canzones. Est-ce que tu t'en souviens, toi-même ? Vois-tu, Marco Valdo M.I. mon ami, j'espère que l'on gardera aussi la trace de nos petites conversations.

Bien évidemment que je le crois aussi et que j'y veillerai. Pour ce qui est de la première fois qu'on a discuté de ces canzones... Non, Lucien mon ami l'âne, je ne m'en souviens pas. Il faudrait revoir l'ensemble et étudier la chose, mais c'est un détail cependant. Car pour moi, il me semble que tu es là depuis toujours. Pour en revenir à la centième canzone, elle s'intitule « Comme si ». L'essentiel se trouve dit dans ce vers : « Tout est comme si, mais en vérité n'est pas ». C'est la définition du monde contemporain, ce monde factice fait d'images et de mensonges, monde entièrement construit sur l'apparence et qui court ainsi droit dans le mur. Ce monde, tel qu'il est décrit ici par notre songeur, a de ces allures orwelliennes... Mais cela n'a rien d'extraordinaire, Big Brother est maintenant au pouvoir dans la plupart des pays où l'image, c'est-à-dire comme dans 1984, la télévision pèse sur l'esprit des gens en un gigantesque et permanent lavage de cerveau... Big Brother vous sourit et vous parle quasiment chaque soir, si possible sans contradiction, ni contradicteur. Pour nos amis italiens, par exemple, ce « monde comme si » est avec cette marionnette aux allures de pervers pépère, au maquillage de vacancier revenu d'Afrique du Nord et à la chevelure synthétique, « un'incubo », un cauchemar. Et mutatis mutandis, la tendance est la même dans d'autres pays. Tel est aussi le sens de la canzone.


Chuuut, Marco Valdo M.I. mon ami, laissons la canzone dire son histoire...


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Une scène enchanteresse de femmes et de moniales,
Enlacées dans un tourbillon de danses
Terribles et amicales
Illumine d'une très gracieuse cadence,
Les blancs et les noirs, les mouvements et les pas.
Tout est comme si, mais en vérité n'est pas.
Et pourtant, il faudrait
Vivre comme si c'était.
Monde comme si
Civilisation navrante et nauséabonde.
Société de masse, de marché, aussi
Nous sommes enfermés dans la caisse noire,
Contraints sans échappatoire
À accepter ce pseudo-monde :
Plaisirs comme si,
Sentiments comme si,
Traditions comme si,
Images comme si.
Les sabres, les chapeaux, les bandeaux
Des corsaires, des généraux,
Des guerriers héroïques
Les lunettes noires des mafieux
Les discours des politiques,
Se mêlent à qui mieux mieux.
Un manteau, un brouillard, une fumée en l'air
Couvre, submerge et cache la terre
Voile, brume, torpeur.
Retrouver le sommeil ancien,
Retrouver les rêves antérieurs
S'échapper, s'échapper enfin
Songes biscornus d'un monde d'aphasie
Atteint d'atrophie mentale,
De lamentable disharmonie,
D'une voyante dégénérescence morale.
Les blancs et les noirs, les mouvements et les pas.
Tout est comme si, mais en vérité n'est pas.
Et pourtant, il faudrait
Vivre comme si c'était.

envoyé par Marco Valdo M.I. - 29/3/2010 - 12:29




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