Bavière, Rhénanie, Ruhr
Dans une ville d'Allemagne,
Bavière, Rhénanie, Ruhr
On croirait Turin, mais en Allemagne
Le nom de la ville n'est pas cité
Une rue tortueuse dans un quartier ouvrier.
Ce sont les funérailles d'Alberto.
Alberto n'est pas le médecin de la prison de Regina Coeli.
Ou un docteur du Corso Valentino,
C'est un ouvrier émigré.
Devant la porte de son logis,
Dans la brume vague d'un jour voilé.
Des hommes, silencieux, vêtus de gris
Attendent le cercueil au sortir de la nuit.
En ce matin de vapeurs allemandes,
Camarades et drapeaux
Arrivent par bandes
Pour rendre hommage à Alberto.
On a veillé tard, entre amis.
Un problème m'a tourmenté
Pour la barbe, ici en Allemagne, il faut un barbier.
Mais où trouver un barbier, de nuit ?
On est là tous debout.
Dans cette rue tortueuse d'un quartier ouvrier
Au milieu des drapeaux rouges émigrés.
Le soleil matinal peu à peu dissout
Le brouillard bleu et blanc
Et cette foule d'émigrants
Malgré sa fatigue, malgré sa misère
Se réconforte, frémit et se serre.
Dans la mer des ombres qui dansent
Comme au printemps un papillon cadence
Des yeux peints sur ses ailes
Une myriade de couleurs et d'étincelles.
Dans une ville d'Allemagne,
Bavière, Rhénanie, Ruhr
On croirait Turin, mais en Allemagne
Le nom de la ville n'est pas cité
Une rue tortueuse dans un quartier ouvrier.
Ce sont les funérailles d'Alberto.
Alberto n'est pas le médecin de la prison de Regina Coeli.
Ou un docteur du Corso Valentino,
C'est un ouvrier émigré.
Devant la porte de son logis,
Dans la brume vague d'un jour voilé.
Des hommes, silencieux, vêtus de gris
Attendent le cercueil au sortir de la nuit.
En ce matin de vapeurs allemandes,
Camarades et drapeaux
Arrivent par bandes
Pour rendre hommage à Alberto.
On a veillé tard, entre amis.
Un problème m'a tourmenté
Pour la barbe, ici en Allemagne, il faut un barbier.
Mais où trouver un barbier, de nuit ?
On est là tous debout.
Dans cette rue tortueuse d'un quartier ouvrier
Au milieu des drapeaux rouges émigrés.
Le soleil matinal peu à peu dissout
Le brouillard bleu et blanc
Et cette foule d'émigrants
Malgré sa fatigue, malgré sa misère
Se réconforte, frémit et se serre.
Dans la mer des ombres qui dansent
Comme au printemps un papillon cadence
Des yeux peints sur ses ailes
Une myriade de couleurs et d'étincelles.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 27/9/2009 - 21:52
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Canzone léviane – L'enterrement d'Alberto – Marco Valdo M.I. – 2009
Cycle du Cahier ligné – 53
L'enterrement d'Alberto est la cinquante-troisième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.
Quand seul dans la nuit de la prison sans lune, le blessé-prisonnier-guerrier retrace sur le mur de son isolement le film de sa vie, il recrée ses souvenirs pour s'affirmer à lui-même qu'il a vécu et qu'il vit encore. C'est un acte de résistance à la lente destruction de l'être qu'il subit, c'est une mesure d'hygiène mentale salvatrice. C'est un artifice de recréation d'un univers hors d'atteinte de ceux qui le persécutent. On peut briser toutes les intimités, sauf celle de ce monde-là. Il est hors du monde; c'est ainsi, mon ami Lucien l'âne au grand cœur, qu'il faut comprendre cette obstination à créer des canzones.
Je vois, je vois, dit Lucien l'âne en ouvrant ses yeux énormes sur son front hirsute et noir. Je vois, je vois et je comprends. Nous aussi, les ânes, on nous condamne souvent à l'isolement. Souvent aussi, on nous empêche d'aller à notre gré, on nous force à travailler et on nous enferme. Cela dit, Marco Valdo M.I., mon ami très cher, mon frère, je me demande si toute cette histoire de canzones , le guerrier blessé et prisonnier, si toi-même en quelque sorte aussi, vous n'êtes pas des créations des rêves de l'âne que je suis.
En effet, tu dois avoir raison, du moins pour l'idée générale... mon bon ami Lucien, à ceci près que j'ai la nette impression que c'est moi, Marco Valdo M.I. qui médite, qui songe et qui rêve et que toi et le guerrier afghan, vous êtes des personnages dans ce chant qui me hante.
À moins que..., dit Lucien l'âne en frissonnant de toute sa peau, que ce ne soit encore autre chose. Par exemple, que toi et moi, nous soyons les personnages par lesquels le guerrier-prisonnier... se raconte. Cependant, je ne me souviens pas d'avoir bu de l'essence de fenouil à l'eau plate, même si je suis passé à Altamira et à Lascaux, il y a bien temps, je le confesse. Et je suis censé manger des roses et pas des fleurs bleues.
Je te l'accorde volontiers et personnellement, je ne vis pas sur une péniche en bord de Seine. Cela dit, peu importe, Lucien l'âne mon ami, ce qui compte ici, c'est la canzone d'aujourd'hui. Elle raconte un enterrement auquel assiste le prisonnier-blessé-guerrier. C'est un retour sur la vie passée du ... – disons pour simplifier – rêveur. Au temps où il était en émigration, en exil... Il revoit l'enterrement d'Alberto, un ami émigré. As-tu, Lucien mon ami l'âne, déjà pensé que c'est presque une règle générale que l'émigré meurt en émigration et que la plupart du temps, il est enterré en émigration. Bref, il est émigré au-delà de la vie.
Bien sûr, dit Lucien l'âne, d'autant plus que je suis moi-même un âne émigré... Note que pour ce qui est de mourir, j'y vais lentement.
Et tu as parfaitement raison d'y aller ainsi. Une dernière remarque à propos de la canzone : on aperçoit par delà l'événement lui-même, en toile de fond, comme un écho de la guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres... Cette petite foule solidaire qui vient accompagner Alberto est composée de camarades et s'affirme par ses drapeaux rouges qui eux aussi ont émigré.
Ainsi Parlait Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.