Durant la promenade, soudain, dans le miroir.
Avec ma tenue noire et mes chaussures jaunes et noires,
Ma grosse tête et ma barbe, je ne me reconnais pas.
Je lève une jambe, je fais un pas
Comme dans un film à Broadway
Je ressemble à Hemingway,
Qui, malgré sa barbe, se suicida.
Toutes ces servitudes, ces prisons,
N'ont pas de sens ni de raison,
Ni de rapport avec ce moi, ultime matriochka,
Calfeutrée tout au-dedans de moi.
Qui est-elle, qui suis-je, moi ?
Peut-être ce spectre aux lorgnettes orientales,
Avec sa barbe aux vagues creuses,
Avec ses étranges sandales,
Et son visage aux joues terreuses.
Gulliver tombé aux mains des pygmées,
J'ai vécu et je vis encor aujourd'hui,
Sans appartenance, sans pouvoir, sans médaille et sans prix.
Sans initiation, sans confession, sans fêtes consacrées,
Sans rites, sans baptême, sans circoncision et sans ablutions sacrées.
On ne peut se représenter que soi-même.
Pourtant, celui qui, sans barbe, ne représente que lui-même,
N'a pas sa place dans le théâtre du pouvoir,
Dans la grande ronde
Des fausses barbes et des encensoirs
Des masques du Cirque du Monde.
La seule barbe légitime est celle du vieillard
Qui indique ainsi tranquillement, ostensiblement
Que pour lui, les feux de l'amour se sont éteints
Et ne fausseront plus son jugement.
Avec ma tenue noire et mes chaussures jaunes et noires,
Ma grosse tête et ma barbe, je ne me reconnais pas.
Je lève une jambe, je fais un pas
Comme dans un film à Broadway
Je ressemble à Hemingway,
Qui, malgré sa barbe, se suicida.
Toutes ces servitudes, ces prisons,
N'ont pas de sens ni de raison,
Ni de rapport avec ce moi, ultime matriochka,
Calfeutrée tout au-dedans de moi.
Qui est-elle, qui suis-je, moi ?
Peut-être ce spectre aux lorgnettes orientales,
Avec sa barbe aux vagues creuses,
Avec ses étranges sandales,
Et son visage aux joues terreuses.
Gulliver tombé aux mains des pygmées,
J'ai vécu et je vis encor aujourd'hui,
Sans appartenance, sans pouvoir, sans médaille et sans prix.
Sans initiation, sans confession, sans fêtes consacrées,
Sans rites, sans baptême, sans circoncision et sans ablutions sacrées.
On ne peut se représenter que soi-même.
Pourtant, celui qui, sans barbe, ne représente que lui-même,
N'a pas sa place dans le théâtre du pouvoir,
Dans la grande ronde
Des fausses barbes et des encensoirs
Des masques du Cirque du Monde.
La seule barbe légitime est celle du vieillard
Qui indique ainsi tranquillement, ostensiblement
Que pour lui, les feux de l'amour se sont éteints
Et ne fausseront plus son jugement.
inviata da Marco Valdo M.I. - 23/8/2009 - 20:20
×
Canzone léviane – La barbe du vieillard – Marco Valdo M.I. – 2009
Cycle du Cahier ligné – 45
La barbe du vieillard est la quarante-cinquième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.
Souviens-toi, Lucien mon ami, que notre prisonnier-guerrier-blessé-enfermé avait perdu l'usage de ses yeux ou qu'en tous cas, il était perdu dans une nuit sans fin... Ce qui est aussi, somme toute, la situation de beaucoup d'enfermés... Le lager fut, comme toute la période nazi-fasciste, pour bien des gens et bien des peuples, une longue nuit, où toute intelligence, tout regard libre furent occultés. Ici, dans cette canzone, il se retrouve. Comme tu le sais sans doute, l'ayant sans doute vécu aussi, les retrouvailles avec soi-même sont confondantes. Entretemps, je est (devenu) un autre. On se stupéfie. On a du mal à se reconnaître dans le miroir... On était de l'autre côté. Mais la révolte est toujours là :
« Toutes ces servitudes, ces prisons,
N'ont pas de sens ni de raison... », on ne saurait mieux dire.
Donc, si je comprends bien, dit Lucien l'âne aux yeux noirs d'interrogation, il se revoit, se pose la question de savoir si c'est bien lui qu'il voit, se demande qui il est...
Ce doit être un choc énorme...
En effet, ça l'est. Regarde, on est pas loin d'Hamlet avec le spectre, avec la question... Et puis quand même, il se retrouve, il se nomme, il se désigne, il trace son portrait... Il va se rechercher au fond de lui-même... « Ultime matriochka »... Te souviens-tu de ces poupées russes emboîtées les unes dans les autres, toutes ressemblantes et pourtant une seule et la vraie, la dernière, celle qui est l'ultime qu'on découvre, est la matriochka, la petite mère de toutes les autres, de toutes ses répliques, ses apparences... Autoportrait magnifique, digne de Max au grand front. Une affirmation splendide de simplicité et de tranquillité. Notre ami le prisonnier-guerrier-blessé-enfermé, même dans la prison, même dans son isolement, se déclare et se revendique : « On ne peut se représenter que soi-même ».
J'aime beaucoup sa façon de faire front et de dénoncer les barbes, ces fausses barbes qui servent à masquer les vrais salauds, comme il dit : « la ronde des masques du Cirque du Monde »... C'est G.8. et compagnie... et tout le système qui grouille derrière.
Je crois bien que tu ne te trompes pas... En attendant écoute-la canzone et tisse, tisse avec moi le linceul du vieux monde...
Ainsi Parlait Marco Valdo MI.