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Les Gitanes

Marco Valdo M.I.
Langue: français


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Les Gitanes

Canzone léviane – Les Gitanes – Marco Valdo M.I. – 2009
Cycle du Cahier ligné – 36

Les Gitanes est la trente-sixième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.

Le Gitan et bien évidemment, la Gitane font partie de l'inconscient terrifié de nos « civilisations » sédentaires. Il y a la peur du noir, la peur du rouge, la peur du Tzigane. Pourtant, les Gitans sont là, ils viennent d'on ne sait trop où; en somme, ils dérangent nos « habitudes ». Léo Ferré disait qu'ils venaient du fond des temps et qu'ils sont nos parents anciens... Nos « civilisations » se comportent très mal avec leurs grands-parents.
Pour notre guerrier, prisonnier, blessé, grand rêveur devant l'éternité qui n'a plus comme arme que le flux des images et des pensées dans sa tête, les Gitanes viennent éclairer le paysage monstrueusement gris de la « civilisation carcérale ». Ces dames étranges et colorées, c'est un peu la vie qui (re)prend par le bras et qui entraîne ailleurs. Il faut toujours partir ailleurs, il faut échapper aux mondanités et aux cérémonies.
Les Gitanes et leurs manières font ici partie du paysage; elles le colorent et lui redonnent le sens de l'aventure – de la bonne aventure. Elles sont la fascination des songes et se meuvent comme les anges.
À Florence, aux temps des Médicis – déjà – les édits visaient « à éloigner de l'État cette multitude de vagabonds étrangers qui, parce qu'ils détestent la vie active et industrieuse, cherchent leur subsistance dans les profits du vice au détriment et au préjudice de la société ». On ne saurait mieux dire.
Reprenons un peu ces édits – « Nihil novus sub sole », autrement dit, ce qu'ils inventent maintenant n'est pas neuf, on réglementait déjà contre les Gitans et les étrangers (surtout pauvres) de ce temps-là. L'édit contre les Vagabonds, Chantimbanques et Cerretins de 1590, l'édit contre les Drôles et Vagabonds de 1671, l'édit contre les Mendiants de 1688 et L'édit sur les Gitans et les Gitanes du 3 novembre 1547 de l'Incarnation.
On voit bien ici que tous ces édits et les décrets, lois... qui leur ont succédé sont des instruments de rétorsion des armes en quelque sorte dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches mènent contre les pauvres.

« Quand ils ont chassé les Gitans,
Je n'ai rien dit, je n'étais pas Gitan
Quand ils ont emprisonné l'étranger,
Je n'ai rien dit, Je n'étais pas étranger...
Quand ils ont bastonné l'immigrant,
Je n'ai rien dit, je n'étais pas immigrant.... »

L'édit contre les Gitans et les Gitanes commençait ainsi :
« L'illustrissime et excellentissime Seigneur Le Duc de Florence et par la volonté de Son Excellence Illustrissime Les Magnifiques Huit Seigneurs Gardes et Baillis de la ville susdite, considérant les dommages dont se sont rendus coupables par le passé et encore à présent les Gitans et les Gitanes qui se sont installés et s'installent dans la ville de Florence et dans sa campagne et sur son territoire, ainsi que la catastrophe qu'ils ont amené avec leur mauvaise conduite pour les citoyens artisans et paysans, ayant subi et subissant quotidiennement des dommages immodérés, considérant le peu de bénéfice public tiré par l'État Ducal de Son Excellence, et voulant mettre un terme à pareils inconvénients, font publiquement annoncer, notifier et expressément commander, à toutes les compagnies des dits Gitans et Gitanes qui se trouvent sur tout le territoire, le domaine et l'État Ducal de Florence, que dans le mois à compter de ce jour ils doivent, sans exception, avoir évacué le dit domaine Ducal de Florence sous peine d'être faits prisonniers et envoyés en cellule suite à leurs agissements... » (pour plus amples informations voir Antonio Tabucchi – Gli Zingari e il Rinascimento – Feltrinelli – 1999).

Les Gitanes sont donc en quelque sorte les fleurs de la liberté.

Rien d'étonnant, dit Lucien l'âne, à ce qu'on les chasse et qu'on les méprise. Mais moi qui ai parcouru le monde dans bien des sens, je les aime... Et quand tout le monde me rejetait, c'étaient elles qui me caressaient la tête... Oh, Marco Valdo M.I., tisse leur un joli caraco à nos sœurs gitanes...

Tu as raison, mon ami Lucien, je vais interrompre un instant le tissage du linceul de ce vieux monde et je m'en vais tisser un joli caraco pour les Gitanes, fleurs de liberté.

Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.
J'ai vu les gitanes,
Elles sont quatre
Petites, colorées, très nettes.
Deux jeunes, assez mystérieuses, fascinantes :
La première toute noire,
Avec sa longue jupe noire
Jusqu'à terre,
ET
Sa blouse noire
Jusqu'au menton
ET
Son visage sombre
ET
Ses cheveux dépeignés,
Comme des lambeaux noirs
Ou de noires voiles mues par sa tête;
La deuxième avec sa blouse rouge flamboyante
ET
Sa jupe rouge et verte;
Avec des colliers
ET
Des ors, çà et là.
ET
Elles attrapent les jeunes gens par le bras.
Les deux autres sont plus vieilles :
Une toute noire avec de l'or,
ET
Une rouge marron dans sa jupe à lignes,
ET
Dans sa blouse vert pâle
Sous son châle noir.
Tout se déroule, comme au spectacle,
Entre le mur
À l'inscription MSI MERDA,
ET
Les automobiles le long du trottoir.
La vieille colorée arrête
Un jeune homme blond
ET
Grand,
Qui descend
D'une 500.
Elle lui dit la bonne aventure;
ET
Le gars ne se dérobe pas,
Il pose sa serviette sur le toit de la 500,
Il dit quelque chose, il écoute;
ET
La voyante bouge les mains,
Pour invoquer
ET
Pour évoquer.
Un camion s'arrête au rouge;
Quand il repart le trottoir est désert;
On ne voit plus
Ni la vieille ni le blond,
Ni l'autre vieille noire
Ni les jeunes rouge et noir.
Évanouies, disparues avec la netteté subite des songes.
Comme, dit-on, se meuvent les anges.

envoyé par Marco Valdo M.I. - 31/7/2009 - 21:07


Je crois bien que tes gitanes, mon ami Marco Valdo M.I., sont véritablement charmantes et même enjôleuses et qu'elles ont parfaitement leur place parmi leurs frères et leurs sœurs roms et tziganes... En fait, elles m'ont demandé de le dire...

Lucien Lane

Lucien Lane - 4/1/2010 - 22:07




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